Le samedi 31 août 2024, au Sénégal, le projet de loi révisant la Constitution, proposé par le président Bassirou Diomaye Faye, a rencontré un obstacle significatif. Ce projet, qui visait à supprimer le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) et le Conseil économique, social et environnemental, a été rejeté par la commission des Lois du Parlement, marquant ainsi un premier revers politique pour le président, récemment élu.
Ces deux institutions, jugées coûteuses et inefficaces par le gouvernement en place, étaient dans le viseur de cette réforme. L’argument avancé par le président Faye était simple : ces organes constituent une charge budgétaire superflue pour l’État sénégalais et leur suppression permettrait de réallouer des ressources vers des secteurs plus essentiels pour le développement du pays. Cette initiative s’inscrit dans une volonté plus large de rationaliser les dépenses publiques et de rendre l’administration plus efficace.
Cependant, la commission des Lois, qui devait examiner cette proposition avant de la soumettre à l’Assemblée nationale, a opposé un refus catégorique. Composée majoritairement de députés de la coalition Benno Bokk Yakaar, fidèle à l’ancien président Macky Sall, la commission a voté contre la révision de la Constitution par 16 voix contre 14. Ce vote reflète non seulement un désaccord sur le fond de la réforme, mais aussi une opposition politique significative au sein même du Parlement.
L’opposition montre sa capacité à s’organiser et à contrer les initiatives présidentielles
Moussa Diakhate, président de la commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains, a expliqué les raisons de ce rejet. Pour lui, la démarche du président Faye manque de cohérence. « N’est-ce pas ce régime, son gouvernement, son président et son Premier ministre qui nous avaient dit qu’ils ne viendraient pas faire la déclaration de politique générale parce que le règlement intérieur de l’Assemblée n’est pas à jour ? » a-t-il interrogé. « N’est-il pas plus logique d’attendre que le règlement intérieur soit à jour pour demander la dissolution ou la suppression du Conseil économique, social et environnemental ? » Cette critique met en lumière une certaine impatience ou précipitation perçue dans les actions du président, qui pourrait ne pas avoir tenu compte de toutes les implications procédurales de sa réforme.
Ce refus de la commission des Lois est un indicateur fort de la résistance que le président Faye pourrait rencontrer dans la mise en œuvre de ses réformes. L’opposition, bien que minoritaire au Parlement, montre ici sa capacité à s’organiser et à contrer les initiatives présidentielles. Cette dynamique politique pourrait compliquer la tâche du président, surtout dans un contexte où chaque vote compte, et où les équilibres au sein de l’Assemblée nationale sont extrêmement fragiles.
Une première série de tests
Le lundi suivant, les députés sont convoqués en séance plénière pour se prononcer à leur tour sur cette révision constitutionnelle. Cependant, avec une opposition majoritaire à la chambre basse, dominée par la coalition Benno Bokk Yakaar, les chances de faire passer cette loi semblent de plus en plus incertaines. « Le vote que vous avez eu à la commission des Lois reflète exactement le résultat des élections législatives, avec 82 députés pour la majorité Benno Bokk Yakaar, 80 députés pour l’opposition réunie et 3 non-inscrits », a expliqué Doudou Wade, ancien parlementaire et membre du Parti démocratique sénégalais. Il a ajouté que si l’Assemblée se réunit en présence de tous les députés, la loi risque fort de ne pas passer.
Ce premier échec potentiel pour le président Bassirou Diomaye Faye est révélateur des défis politiques auxquels il sera confronté. Cette situation illustre la complexité de gouverner dans un système parlementaire où les majorités sont parfois très fines et où les alliances peuvent se redéfinir rapidement. Pour le président, cette épreuve pourrait bien être la première d’une série de tests qui détermineront sa capacité à mener à bien les réformes qu’il juge essentielles pour le Sénégal. Plus largement, cela pose la question de la gouvernance dans un contexte où l’opposition est forte et où chaque initiative du pouvoir exécutif est scrutée, critiquée, et parfois entravée par le pouvoir législatif.
Pour Bassirou Diomaye Faye, l’issue de ce débat sera cruciale pour la suite de son mandat. Réussira-t-il à faire passer sa réforme, ou devra-t-il revoir sa stratégie pour gouverner dans un environnement politique aussi polarisé ? Les prochains jours seront déterminants pour le futur de son administration.
Oumarou Fomba