Aux dires de l’avocat de l’accusé principal Paul Ismaël Boro, le renvoi procède d’une conformité avec les règles de procédure. ”Les exigences des procédures sont telles qu’il faut les respecter nécessairement et obligatoirement et elles s’imposent à tout le monde y compris le ministère public qui est partie poursuivante. Il se trouve qu’il y a des actes qui n’ont pas été posés, notamment la notification de certains accusés. Il est évident qu’on ne peut pas juger quelqu’un à son absence sans que la personne ne reçoive une notification. Au constat de cette évidence, le parquet même a sollicité de la Cour, le renvoi de l’affaire à une nouvelle session”, a-t-il expliqué.
Rappelons que courant 2016, suite à une vérification des opérations d’exécution budgétaire du Centre International de Conférence de Bamako (ClCB), concernant les exercices des années 2014 et 2015, les services du contrôle général d’Etat, décelaient plusieurs irrégularités financières. Parmi ces irrégularités, certaines étaient relatives à des fraudes et autres malversations relatives à l’exécution des contrats simplifiés, notamment le paiement de 93 contrats simplifiés avec seulement des factures pro-forma portant respectivement sur des montants de 10.862.490 de FCFA et 141.956.748 de FCFA en 2014 et la somme de 16.491.336 de FCFA en 2015. Il y a eu l’exécution de 43 contrats sans bon de commande ou bon de travail portant respectivement sur des montants de 38.231.725 de FCFA en 2014 ; 1.180.000 de FCFA et 49.354.506 de FCFA en 2015.
L’exécution de 18 contrats réceptionnés sur bordereaux de livraison en lieu et place des procès-verbaux de réception a porté sur un montant de 87.853.921 de FCFA en 2014. L’exécution de 17 contrats sans attestation de service a fait disparaitre 40.261.207 de FCFA.
24 contrats sans bordereaux de livraison pourtant sur les montants de 27.120.270 FCFA en 2011 et 531.000 de FCFA ont été exécutés en 2015.
D’autres irrégularités étaient relatives à des violations des procédures de passation d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public à savoir, l’exécution de 12 contrats en 2014 sans mise en concurrence pour un montant de 15.878.405 de FCFA et de 07 contrats en 2015 pour un montant de 31.401.895 FCFA.
C’est ainsi que, saisi du rapport de mission, le parquet du Pôle Economique et Financier de Bamako a requis l’ouverture de la présente procédure d’information judiciaire contre les nommés Paul Ismaël Boro, Mariétou Dembélé, Ibrahima Maïga, Fatoumata Coulibaly, Aboubacary Bah, Mamadou Zan Traoré, Léon Samaké, Oumar Sidy Coulibaly, Oumarou Coulibaly, Halima Maïga respectivement pour atteinte aux biens publics, corruption, favoritisme et complicité.
Oumar Sidy Coulibaly, Oumarou Coulibaly, Halima Maïga tout au long de la procédure, ont catégoriquement réfuté les faits qui leur sont reprochés. Pour assurer sa défense, Oumarou Coulibaly, régisseur d’avances du CICB a déclaré que les faits incriminés seraient d’ordre financier et ne relèvent aucunement de ses attributions. Il soutient qu’il n’est jamais intervenu auprès de ses collègues pour solliciter un quelconque-avantage en faveur d’un prestataire ou un fournisseur.
Halima Maïga a, quant à elle, soutenu qu’en sa qualité de correspondante du contrôle financier au CICB, elle n’aurait jamais manqué à ses devoirs. Elle dit n’avoir jamais approuvé un dossier relatif aux engagements, aux liquidations et aux certificats d’encaissement en l’absence de pièces obligatoires, notamment les factures certifiées par l’ordonnateur, la preuve de l’enregistrement des contrats au service des impôts, du bon d’achat, la facture pro-forma du prestataire, deux factures concurrentielles et de contrats.
Oumar Sidy Coulibaly, agent comptable du CICB, a déclaré qu’il n’avait aucun pouvoir en matière d’attribution de marchés publics et qu’il a produit toutes les pièces justificatives habituellement exigées des contrats simplifiés.
L’information n’a pu déceler une quelconque preuve contre les susnommés dans la perpétration des faits poursuivis en ce que le rapport établi par les vérificateurs ne mentionne aucun manquement en rapport avec la gestion des susnommés. Dès lors, il convient de déclarer n’y avoir lieu à suivre contre les susnommés, pour insuffisance de charges, en application des dispositions de l’article 211 du code de procédure pénale.
Les nommés Paul Ismaël Boro, Mariétou Dembélé, Ibrahima Maïga, interpellés, ont tenté de se disculper des faits qui leur sont reprochés. En effet, pour assurer sa défense, Mariétou Dembélé, directrice Générale du CICB de 2012 à août 2014, a déclaré que dans le but d’endiguer les multiples charges du CICB, notamment le salaire des contractuels, l’entretien des locaux et la maintenance des différentes installations, elle était obligée de violer les dispositions du décret N°2015-0604/P-RM du 25 Septembre 2015 portant code des marchés publics et des délégations de services public, en accordant des forfaits, voire l’attribution et le paiement de plusieurs contrats, prestations et marchés, sans mise en concurrence et en l’absence des pièces administratives nécessaires en la matière.
Paul Ismaël Boro, directeur général du CICB d’août 2014 à août 2015, a déclaré que le choix du prestataire ou du fournisseur était laissé à son appréciation discrétionnaire, non seulement avec les fonds propres du CICB, mais aussi avec les subventions de l’Etat, en violation de l’orthodoxie financière imposée par les dispositions du code des marchés publics.
Ibrahima Maïga, comptable, chef service approvisionnements du CICB, a reconnu avoir établi des pièces de dépense, en l’absence d’un procès-verbal de réception, d’un bordereau de livraison ou d’une attestation de service fait, en violation des dispositions du code des marchés publics, qui exigent l’établissement préalable desdits documents, avant tout paiement.
Cependant que les dénégations des inculpés ne sauraient résister à l’analyse rigoureuse des faits. Il résulte des pièces du dossier que les vérificateurs ont précisé dans leur rapport tous les faits et actes constitutifs des irrégularités financières relevées, mais aussi, ils ont précisé les montants du préjudice causé par toutes ces irrégularités tel que précisé ci-dessus. Aucune explication des inculpés n’a pu contredire les constatations faites par les vérificateurs. Il y a lieu de dire que les faits d’atteinte aux biens publics sont établis.Sur la complicité d’atteinte aux biens publics, de corruption et de favoritisme Fatoumata Coulibaly, Aboubacary Bah, Mamadou Zan Traoré et Léon Samaké, tout au long de la procédure ont nié toute implication dans la perpétration des faits incriminés. Cependant, il est acquis du dossier que la nommée Fatoumata Coulibaly, la cheffe comptable, a soutenu que devant l’urgence, la direction a très souvent attribué et payé des contrats au mépris des principes qui gouvernent la commande publique.
Marie Dembélé
Source : Aujourd’hui-Mali