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Pour une gestion saine de l’état : Audit général, lutte contre la corruption, réduction du train de vie de l’Etat…

La transition qui pointe à l’horizon offre une opportunité historique pour la refondation du  Mali dans sa course vers plus de démocratie.  Le débat en cours porte principalement sur le volet politique et juridique de la transition et a juste titre. L’acquis démocratique doit être conservé mais la démocratie, les études l’ont démontré, n’est pas synonyme de développement pour autant. La gestion prudente de l’économie demeure la pierre angulaire du développement.

 

Les Maliens attendent des signaux forts qui améliorent leur quotidien. Parmi ces signaux, un audit général des principales administrations publiques et parapubliques. Une lutte implacable contre la corruption, une réduction drastique du train de vie de l’Etat et l’accroissement des recettes pour poser les bases solides d’une lutte contre la pauvreté, les inégalités, et le chômage.

Pour commencer, même avant la mise en place des organes de la transition, un audit financier indépendant des principales administrations est nécessaire. Il permettra de déceler les fraudes, dégager les responsabilités, traduire les contrevenants en justice et en faire un exemple pour les prochains décideurs. Il s’agit d’abord de récupérer les sommes détournées aux dépends de l’Etat. Les dossiers sont connus et les présumés coupables aussi. Il est inconcevable que les rapports annuels du  Bureau du Vérificateur général, qui ressortent des détournements massifs à  chaque fois,  restent  dans les tiroirs.  Le cas des dépenses relatives à la Loi d’Orientation et de Programmation militaire (Lopmi) qui se chiffre à 1 230 milliards de francs soit presque 2 milliards d’euros entre 20015-2019 frôle l’entendement. Ce fonds doit être audité et tout de suite. Si ce n’est pas de la folie que de garder le silence sur ce dossier, ça y ressemble pour beaucoup.

En moyenne, sur plus de  2000 milliards de dépenses annuelles de l’Etat, une estimation assez conservatrice note plus de 1 000 milliards de F CFA qui disparaissent sous les radars et se retrouvent dans les poches privées des dirigeants et leurs proches via des détournements massifs et surfacturations. A l’ère de l’internet, qui peut désormais s’octroyer le luxe de facturer un bien ou un service avec une marge de plus de 1000 % ?  Imaginez un seul instant  ce qu’on peut faire avec 1000 milliards de F CFA en termes d’investissements dans les secteurs clés comme la sécurité, l’éducation, la santé, les infrastructures routières, sécurité sociale pour les plus vulnérables ?

Mettre fin à l’allocation des fonds de souveraineté

L’Etat malien vit au-delà de ses moyens. Il faut tout de suite mettre fin à l’allocation mensuelle des fonds de souveraineté qui s’établit à 150 millions de F CFA pour le Président de la République, 30 millions de F CFA pour le Président de l’Assemblée nationale et autant  pour le Premier ministre. Pour la gestion de ces fonds, différents de leur budget de fonctionnement qui mériteraient aussi une cure d’austérité,  les présidents de ces  institutions n’ont de comptes à rendre à personne.  Il faut aussi mettre fin aux logements de fonction, les dotations en carburant, crédit téléphonique et consommation d’énergie,  limiter le nombre de voyage à l’étranger, et supprimer un quart de nos représentations diplomatiques à l’étranger au minimum. Une autre source de réduction du train de vie de l’Etat serait de couper  les vivres aux institutions comme la Haute Cour de Justice qui bénéficie de près d’un milliard de budget de fonctionnement mais qui n’a à ce jour traduit ni un ancien ministre ni un ancien président de la République. Idem pour le Conseil économique et social.

Tout comme pour les particuliers et les entreprises, l’Etat ne peut pas continuer à dépenser  l’argent qu’il n’a pas. A cause de cette gestion imprudente des finances publiques, le taux d’endettement du Mali ne cesse d’augmenter depuis deux ans. Pour financer son déficit, l’Etat doit emprunter soit auprès des particuliers via des bons de trésors soit auprès d’organismes financiers. Depuis le début d’année à fin juillet 2020, l’Etat malien a levé 636 milliards de F CFA en bons et obligations auprès du marché des titres publics de l Uémoa.  Le taux d’intérêt qui vacille entre 6.1 et 6.10 % reste très élevé pour un Etat et témoigne de la mauvaise signature de l’Etat et sa capacité à faire face à ses engagements. Ces levées de fonds qui auraient pu servir à financer les projets d’envergure d’urgence nationale servent plutôt à payer le salaire des fonctionnaires dont une grande partie est fictif, ce qui dénote une fois de plus une mauvaise gestion de nos finances publiques. Avec ces sorties, L’Etat malien continue d’hypothéquer l’avenir des Maliens et des prochaines générations.

Plus de rigueur dans les services d’assiettes fiscales…. Mettre fin aux exonérations

Avec une vigilance accrue et plus de rigueur dans les services d’assiettes fiscales, le Mali peut doubler ses recettes de 2000 à 4000 milliards de francs en  un an.  L’Etat doit mettre fin aux exonérations fiscales et douanières à des entités qui n’en méritent pas. Une grande partie des exos, il faut le constater, est un moyen rapide de s’octroyer des retro commissions  et sert à aider les alliés et courtisans du palais au détriment du trésor et donc fausse le jeu de la libre concurrence du marché et crée une concurrence déloyale dont les principales victimes sont les populations aux revenus modestes.

Pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, Il nous faut un programme d’intensification agricole qui permettra d’aiguiller sur les cultures dont nous disposons d’avantage comparatif avec une production d’échelle qui nous permet de consommer ce que nous produisons et d’exporter  le surplus de production. Cette politique permettra d’absorber une grande partie de nos jeunes au chômage, en milieu rural particulièrement, sur un marché qui ne pourvoit que  35 000 postes pour une demande  de 400 000 chaque année, d où cette pression sur les villes qui n’ont pas les moyens de faire face à l’exode rural massif. Le Rwanda nous montre la voie. Il y a vingt ans, il ne produisait même pas 10 tonnes de café, mais en 2019, la production a atteint plus de 1500 tonnes de café dont une  grande partie se trouve dans les tasses à Paris, Londres et New York et permettent donc de renflouer le pays en devises étrangères. Le pays consomme aussi pour 90 % de ses produits locaux comparé à 10 % pour le nôtre.  85 % de nos recettes d’exportation proviennent de l’extraction de l’or et du coton, dont moins de 3 % est manufacturé localement, échappant  à toute valeur ajoutée que procure la chaine de valeur.  Il nous faut donc rapidement envoyer le signal que désormais le tissu industriel et manufacturier sera une priorité.  Nous avons un énorme potentiel agricole inexploité qu’il faut désormais mettre au travail.

Presque 1 millions de Maliens feront leur entrée dans la pauvreté

La croissance économique ou le produit intérieur brut sera certainement nulle cette année. En chiffre réel, il y aura presque 1 million de Maliens qui feront leur entrée dans la pauvreté. Cette pauvreté subie n’est pas un phénomène naturel, mais une volonté politique des  dirigeants de ce pays qui consiste à affamer la population pour mieux les manipuler. Les évènements du 18 août peuvent en constituer une rupture en mettant fin à cette captation de l’Etat par les intérêts privés. Pour cela, Il faut agir vite et bien. C’est tout le sens du changement.

Soya Djigué

(Economiste, Bamako)

Mali Tribune

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