A l’occasion de la 76e édition du Festival de cinéma de Cannes (du 16 au 27 mai 2023 sur la Côte d’Azur en France) Souleymane Cissé a reçu le «Carrosse d’Or 2023» pour l’ensemble de son œuvre cinématographique. Une distinction décernée par la Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) et qui lui a été remise mercredi dernier (17 mai 2023) à Cannes, en marge du festival ouvert la veille.
Fidèle à son engagement, cette légende du cinéma a profité de l’occasion pour animer un «Master class» afin de partager son expérience avec des jeunes cinéastes, la presse, les critiques et le public. « Le cinéma est un moyen très efficace de rapprocher les hommes» ! Telle est la conviction partagée par Souleymane Cissé lors d’une «Master class» animée le 17 mai 2023, quelques heures avant la cérémonie d’ouverture de la 76e édition du cinéma de Cannes ou la «Quinzaine des cinéastes».
C’était juste après avoir reçu le «Carrosse d’Or 2023» pour l’ensemble de son œuvre cinématographique. Une distinction décernée par la Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) en marge du festival. Réalisateur atypique, Souleymane Cissé utilise surtout son talent de cinéaste comme thérapie contre les maux qui rongent notre société, pour briser les tabous socioculturels… «L’injustice entre les hommes et les femmes, c’est quelque chose imaginé par nous les hommes et il faut qu’on trouve la solution pour la réduire totalement», a-til estimé en faisant sans doute allusion à la trame de son premier film connu, «Den Muso» (La Jeune fille/1975). Selon un critique, «la société patriarcale qui étouffe les femmes est celle dénoncée à travers le personnage de Ténin dans Den Muso».
Un rôle incarné par feue Dounamba Dany Coulibaly qu’il avait par la suite épousé. «Bouleversé et inspiré» par une histoire familiale, le jeune réalisateur d’alors a porté le sujet à l’écran. Celle d’une jeune fille violée par son ami dont elle tombera enceinte. Sa grossesse lui vaudra d’être bannie par son père. Ténin, l’héroïne du premier film en bambara du cinéaste, était «muette». Comme la majeure partie de ses sœurs, elle devait encaisser sans broncher, se taire. «Je me suis rendu compte que, dans toutes les discussions familiales, on ne s’adresse pas aux femmes», déplore Souleymane Cissé. Pour le prodige de Niamina, défendre les femmes, c’est finalement se «battre pour notre humanité commune en quête de lumière». Comme «Yeelen» (La Lumière), l’œuvre qui lui a offert l’une de ses plus prestigieuses récompenses, le Prix du Jury en 1987 à Cannes, et qui l’a propulsée sous la lumière des projecteurs du l’univers du 7e art. «C’est une recherche de l’homme qui nous emmène vers la lumière.
Et tant qu’il n’arrivera pas à atteindre cette lumière, son humanité lui sera déniée», confie-t-il. Dans «Yeelen», cette lumière est portée par une histoire «profonde» et le seul regret de S. Cissé aura été de n’être pas arrivée à en faire un film de science-fiction. «Pour Souleymane Cissé, faire du cinéma, c’est se projeter tout en se sentant plus que jamais être humain. Toutes les assignations, notamment raciales, volent en éclat…», commente un critique. Pour Serge Toubiana (France-Info Culture), Souleymane Cissé est «un grand cinéaste tragique». Et d’expliquer, «le thème du rejet me semble être quelque chose de courant dans l’œuvre de Souleymane Cissé. Quand un personnage est chassé, banni de sa propre communauté, de sa propre famille, il est condamné à l’errance, peut-être à la liberté, peut-être à la mort et je trouve cela magnifique»… Ne serait-ce que par ces témoignages enrichissants, on peut dire que la «Master class» du mercredi dernier (17 mai 2023) a permis de lever davantage un coin du voile sur un cinéaste atypique et son fabuleux palmarès. Moussa Bolly
Source : La Nouvelle République