Pour avoir dénoncé la vente illégale des tickets du Conseil Malien des Transporteurs Routiers dans les différents postes de contrôles ; pour avoir dénoncé quelque chose qui est contraire à la loi ; pour s’être appuyé sur les documents que les Ministres ont eu à nous écrire pour dire que c’est contraire à la loi, le Journaliste Daouda Konaté, non moins secrétaire général de l’Union Nationale des Journalistes de l’Afrique de l’ Ouest (Unajom) et Directeur de Publication du Journal hebdomadaire «L’investigateur », a été assigné en justice (tribunal de la Commune IV de Bamako) par le président du CMTR, Youssouf Traoré. Assigné en citation direct devant la chambre correctionnelle du tribunal de la Grande instance de la Commune IV de Bamako, avec Adama Coulibaly, président du Syndicat National des Transporteurs Routiers Urbains et Interurbains Internationaux (SYNTRUIT) du Mali comme témoin pour avoir réagi dans l’article, les deux seront présents devant le juge, ce 19 avril 2022, après leur passage du 5 avril dernier lors duquel 100 000 Fcfa ont été payés par le président du CMTR comme caution.
Suite à la convocation de Daouda Konaté et du président du SYNTRUI Mali, le siège du SYNTRUI-Mali (en face du marché des Halls de Bamako), a abrité, le 14 avril 2022, une conférence de presse de trois syndicats des transporteurs routiers. Il s’agit du SYNTRUI-Mali avec à sa tête Adama Coulibaly, du Syndicat des Transports des Autobus, avec son président Sory Cissé, de la Fédération des groupements des transporteurs Agréés du Mali avec comme président Baba Sylla. L’objectif visé par ces responsables syndicaux contre l’attitude du président du CMTR, est d’éclairer la lanterne des populations maliennes sur ce qui les tracasse actuellement au niveau du secteur des transports. «Votre confrère fait l’objet d’une convocation, parce qu’il a dit au Monsieur qu’il fait quelque chose qui est contraire à la loi. Il s’est appuyé sur les documents que les Ministres ont eu à nous écrire pour dire que c’est contraire à la loi. Je ne sais pas où est la diffamation dans ça », a fait savoir le président du SYNTRUI Mali, Adama Coulibaly. Et de poursuivre en ces termes : « Cette conférence est organisée aussi pour sensibiliser les journalistes, car les transporteurs sont non seulement victimes d’escroquerie de la part de Youssouf Traoré qui vend des tickets à tout le monde sans loi et sans support juridique. Il récolte des sommes faramineuses de Fcfa par an et se permet de faire tout ce qu’il veut. Mais aussi que les transporteurs maliens sont doublement frappés par cette situation. Car on paie au Mali et le fait que les véhicules étrangers sont frappés au Mali ; quand on part chez eux on est frappé », a ajouté Adama Coulibaly.
Les conférenciers n’ont pas manqué d’inviter le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, à s’impliquer personnellement dans le dossier des transporteurs pour leur permettre de souffler, de sortir dans l’escroquerie, de l’arnaque. «Le Monsieur qui devait nous défendre est Youssouf Traoré. Mais lui il a déjà son beurre. Il a les tickets illégaux ; il a la lettre des voitures, ensuite le gouvernement lui octroie environ 800 millions de Fcfa par an comme subvention pour aider les syndicats à nous moderniser. Il devait être notre porte-parole. Mais c’est le contraire. Il est avec l’administration pour notre profession. C’est pourquoi nous attirons l’attention du président de la transition, le colonel Assimi Goïta, qui se bat pour un Mali meilleur sur cette situation. On voulait lui lancer un cri de détresse pour lui dire que les transporteurs souffrent réellement de la tracasserie policière, les motards, le CMTR avec ses tickets illégaux imposés. Peut-être qu’il n’est pas au courant. Nous pensons qu’il sera mis au courant de ces pratiques pour que le transport malien quitte dans la galère pour éviter que les étrangers viennent faire le transport au Mali », a fait savoir Adama Coulibaly.
L’historique de l’affaire incroyable des transporteurs
En effet, dit Adama Coulibaly, c’est au temps de Moussa Traoré que les transporteurs ont convenu avec l’Etat d’instituer le droit de traversée routière. C’est-à-dire, un camion qui voulait quitter Bamako pour Mopti, à la sortie, paye 7000 FCfa. Jusqu’à Mopti après paiement, il n’est plus embêté. C’était pour la fluidité du transport. Dans ces 7000 Fcfa, le gouvernement prenait 50% pour l’aider à entretenir les routes, à faire face à ses préoccupations en ce qui concerne le transport routier. Les 15% étaient donnés aux forces de l’ordre pour faire face à leurs déplacements, équipements. Et le reste des 25% était réservé dans un fonds de garantie qu’on a constitué pour les transporteurs pour nous aider à répondre aux conditions de garanties que les banques demandaient quand on les approche. On a cotisé pendant des années jusqu’à ce que ce fonds atteigne plus de 7 milliards de Fcfa. En 2022, nous avons tenté de récupérer le fonds pour qu’on puisse équiper les transports en camions et en autobus. On a été aidé par la Chambre de Commerce qui a coincé le gouvernement qui a accepté de libérer le fonds. Mais l’Etat nous a demandé de mettre un conseil d’administration en place dont il fera partie. A l’époque, on n’était que deux syndicats (la coopérative et le syndicat). Tout était prêt. Au moment qu’on est venu pour faire la réunion, l’Etat nous a dit qu’on n’est plus deux syndicats, mais qu’il y a Youssouf Traoré qui a créé un syndicat aussi. Mais on a dit que cela n’était pas un problème qu’il bénéficie le fonds pour éviter de recommencer. Après, il y a eu le syndicat des maliens de l’extérieur. Ensuite, il y a eu deux ou trois autres syndicats. On a réfléchi aussi pour créer le Conseil Malien des Transporteurs Routiers pour récupérer le fonds. Cet organisme professionnel sera l’interface entre les syndicats et le gouvernement et aidera les transporteurs à moderniser leurs gestions. La loi qui autorise le CMTR est la loi N°040 du 13 août 2004. Finalement, c’est en 2007 qu’il y a eu élection. On a mis un bureau en place. Youssouf Traoré, par la force des choses, nous a été presque imposé. Il est devenu le président du CMTR.
Quand son bureau a été mis en place en 2009, dit Adama Coulibaly, Youssouf Traoré a écrit au ministre qu’il voulait être aux postes de contrôles pour vendre la lettre des voitures, la réactiver pour qu’elle puisse faire face à ses obligations. La lettre des voitures est que, quand un camion est chargé, il paie une somme forfetaire tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ce fonds est autorisé et ça se fait sur souche du trésor. C’est-à-dire que, quand tu venais au poste, tu paies, et ça se reverse au trésor. On a dit au gouvernement de reverser ce fonds au CMTR pour qu’il puisse faire face à ses obligations. « Le gouvernement a accepté et a pris une décision pour affecter la lettre de voiture. Quand cela a été fait, il a écrit à son ministre pour que lui puisse vendre la lettre des voitures, il faudrait qu’il soit au poste de contrôle. Ce qui est normal, car c’est là où les camions passent et où ils payent. Il a dit qu’il va être là-bas pour vendre la lettre des voitures et sensibiliser les transporteurs au respect des textes pour faciliter la fluidité du transport et d’intervenir entre les agents et les transporteurs qui sont en règle. Le ministre a dit que si c’est pour ça, qu’il est d’accord », a dit Coulibaly
Responsabilité évidente de l’Etat dans la vente des billets CMTR aux postes de contrôles
A notre grande surprise, poursuit Adama Coulibaly, toujours en 2009, on voit que Youssouf est parti dans une imprimerie privée, pour aller confectionner des tickets. A l’époque, c’était 1500, 5000, 10000 Fcfa. « Il a donné à ses agents qui sont dans les postes de vendre aux transporteurs. Quand il fait ça, les transporteurs se sont plaints auprès du directeur national des transports en décembre 2009. Le Directeur national des transports a écrit à son ministre pour dire qu’il a été saisi par des transporteurs comme quoi les agents qui sont au niveau des postes vendent des tickets CMTR. Ce qui est contraire à la loi. Car c’est un établissement public à caractère professionnel. Donc tout fonds qui lui doit être attribué, doit avoir un support juridique. C’est-à-dire, une loi doit l’autoriser. Son ministre n’a pas réagi, il n’a rien fait, il est resté silencieux. On a continué à se battre. Nous avons touché la primature quand Mara Moussa était premier Ministre. Ce dernier a écrit à son ministre de transport qu’il constate cette situation qui est illégale ; qu’on suspende l’élu Youssouf Traoré et fasse un audit pour voir ce qu’il a fait avec de l’argent depuis 2009 jusqu’en 2014. Mara a fait cela en 2014. Son ministre n’a pas voulu s’exécuter. Certainement il avait plus de poids que le premier ministre. Cela a continué comme ça. Entre-temps, on l’a fait sauter. Zoumana Mory Coulibaly est venu à la tête du département des transports. On est allé le voir, on lui a posé le problème. Lui aussi a écrit la lettre à Youssouf Traoré, président du CMTR et lui dit d’arrêter que c’est illégale. En même temps, son premier ministre lui a écrit, c’était Boubèye Maïga, pour lui dire de faire arrêter cette pratique qui est illégale et de faire un audit conformément aux textes en vigueur au Mali. Entre temps, Zoumana Mory aussi a quitté sans suite. Makan Fily est venu. Ce dernier aussi a dit que c’est illégal, mais il n’a pu arrêter la pratique du Monsieur. On a touché tous ces ministres et premiers ministres, ils nous disent que ce que Youssouf Traoré fait est illégal, mais ils ne l’arrêtent pas. Ils (les ministres et premiers ministres) ne prennent aucune décision pour l’arrêter. Nous on a compris. L’administration nous fait rouler ; ils ne vont jamais l’arrêter car il y a quelque chose qu’on ne comprend pas. Car tout le parc automobile malien, véhicules étrangers qui viennent du Mali, payent. 10000 Fcfa c’était en 2009. Maintenant ça va dans les 15000 jusqu’à 50000 Fcfa. Mon syndicat (SYNTRUI-Mali) a été voir le Médiateur de la République qui a saisi le ministre des transports à la Médiature. Il a reconnu que ce que les syndicats disent est réel. Youssouf Traoré ne doit pas faire ça ; que c’est illégal, car étant responsable d’un établissement public à caractère professionnel. Et la loi des finances du Mali à son article 3 dit que « nul ne peut prévaloir d’une taxe si ce n’est pas autorisé par une loi ». La dame lui a dit d’écrire une lettre et de l’adresser au président du CMTR avec ampliation de son service. Ce qu’il a fait. C’est resté comme ça. Entre temps, Makan Fily a quitté avec le deuxième coup d’Etat. Et Mme Dembélé Madina Sissoko est venue. On lui a écrit aussi. Même problème. Elle nous a répondu le 1er juillet 2021 pour dire que la vente des tickets par le CMTR est illégale. « Cette structure n’est pas habilitée à percevoir une quelconque taxe ou redevance au niveau des postes de contrôles routiers en dehors de la lettre de voiture instituée par le décret n°09 du 29 mars 2009 », a-t-elle écrit. Bref, tous les ministres qui viennent nous écrivent : c’est illégal, ce n’est pas normal qu’il vende des tickets au niveau des postes, mais rien d’autre. On a dit à la dame Dembélé Madina Sissoko que la décision est très simple : «C’est une décision qui l’a amenée au poste. Prenez une décision pour dire qu’il ne vend pas de tickets. L’affaire est close. Vous nous dites, c’est illégal, mais personne ne veut prendre la décision», a fait savoir Adama Coulibaly du SYNTRUI Mali. Devant cette situation, nous sommes repartis voir le Médiateur de la République pour lui dire que la pratique continue et qu’il est notre dernier recours. S’il ne cesse pas, on va passer par des grèves. Le Médiateur a encore adressé une lettre au département nous disant que ce que le Monsieur est en train de faire est contraire à la loi. C’est ce que Monsieur Daouda Konaté a dit dans son journal. Devant la situation actuelle du pays, on a écrit au Ministre des Finances que le Mali a des problèmes d’argent de revenir à l’ancienne formule (toujours créer le droit de traversée routière) au lieu de laisser une seule personne se taper cet argent. 50% de ce montant peut revenir à l’Etat pour se dépanner. On a constaté que personne ne veut que cela cesse. Et on dit que le Mali a des problèmes d’argent. Aujourd’hui on est en train d’ouvrir des quêtes dans les banques. «On compte sur vous pour sensibiliser l’opinion par rapport à cette injustice dont les transporteurs sont victimes depuis 2009 jusqu’à nos jours. On s’est dit qu’il y a une collusion entre Youssouf Traoré et les fonctionnaires. Ils ont rassemblé notre fonds de garantie qu’on a cotisé. Nous croyons à notre justice pour que le droit soit dit. Car tout ce qui a été dit par le journaliste est documenté. Et tout ce que j’ai déclaré dans l’article est fondé sur les documents », a conclu Adama Coulibaly.
Hadama B. FOFANA
Source: Le Républicain