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Pierre Buyoya sur RFI : au Mali, «je crois que le putsch est derrière nous»

Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta était encore à Paris mardi matin. Mais juste après sa rencontre à l’Elysée avec François Hollande, il est aussitôt rentré à Bamako, avec deux jours d’avance sur la date prévue. Les incidents armés se multiplent dans son pays. Le nouveau régime démocratique du président IBK est-il menacé ? L’ancien président burundais Pierre Buyoya est le représentant spécial de la Commission de l’Union africaine au Mali. En ligne de Bamako, il répond aux questions de hristophe Boisbouvier.

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RFI : Attentats à Tombouctou, accrochages à Kidal, mutineries à Kati : est-ce la fin de l’état de grâce, deux mois après l’élection présidentielle ?

Pierre Buyoya : Je ne le crois pas, du moins dans l’entendement ordinaire de ce que c’est l’état de grâce. Mais peut-être est-ce la manifestation d’un certain nombre de réalités qui sont restées présentes.

 

 

Il y a des progrès, mais il y a des défis importants qui restent, qui sont encore là. Je crois que c’est ce qui se manifeste aujourd’hui.

 

 

Depuis le début de cette année, cependant, tout le monde dit que le putsch est derrière nous. La mutinerie d’avant-hier, au camp militaire de Kati, ne vient-elle pas prouver le contraire ?

Je crois que le putsch est derrière nous, si l’on se réfère à la mise en cause des institutions. Ce qui s’est passé à Kati, correspond en réalité à une question de relations entre les putschistes de l’année dernière. Je dirais qu’il s’agit d’une sorte de règlement de compte entre eux. Mais à ce que je sache, il ne s’agit pas d’une tentative de mettre en cause le résultat des urnes.

 

 

En Côte d’Ivoire ou ailleurs, on a pourtant déjà vu des revendications catégorielles qui finissaient par des putschs ?

C’est arrivé. Mais dans ce cas d’espèce, personnellement je ne le crois pas. Selon moi, autour du capitaine Sanogo, il y a des gens qui étaient avec lui et ont joué un rôle actif avec lui. Peut-être même plus que lui. Ils n’ont pas accepté sa promotion, perçue comme une sorte de rémunération. C’est ce genre de sentiment qui est en train d’être géré, et personnellement, je pense pas que ce mouvement soit largement partagé.

 

 

Vous semblez banaliser le problème. Mais cela n’a-t-il pas obligé le président à rentrer plus tôt que prévu de Paris ?

Je ne saurais pas dire ce qui a réellement contribué à ce retour plus rapide que prévu. Mais il s’agit probablement de la série d’incidents qui ont eu à Kidal, à Tombouctou et cette fois à Kati. Probablement s’est-il senti interpellé pour revenir, mais je ne pourrais pas savoir quel est le poids de la situation spécifique de Kati dans sa décision.

 

 

Kati est à dix kilomètres de Bamako. C’est donc un problème peut-être plus sensible que les autres, non ?

Sensible, certainement. Mais j’ai vu hier matin le ministre de la Défense qui est au cœur de cette gestion. Il ne m’a pas semblé qu’il était particulièrement inquiet. J’ai eu l’impression qu’il maîtrisait la situation.

 

 

Et comment justement, peut-on ramener le calme à Kati ?

La voie empruntée est la voie du dialogue. Je crois que ces gens ont été écoutés. Le ministre de la Défense les a écoutés longuement. Je ne saurais pas vous dire ce qu’il leur a dit, mais j’ai l’impression que les choses devraient revenir en ordre.

 

 

Le président Ibrahim Boubacar Keïta et le ministre de la Défense Soumeylou Boubèye Maïga ont-ils la confiance de l’armée ?

Je pense que vous êtes au courant de tout ce qui s’est dit au moment de la campagne électorale, à savoir que le président était le candidat des militaires, des religieux, etc. C’étaient des rumeurs, bien sûr. Mais je pense qu’il a été prouvé par les urnes que les militaires se sont largement prononcés en sa faveur. C’est pour cela que deux mois après l’élection, je ne crois pas qu’il y ait une entreprise de déstabilisation en profondeur de la part des militaires. Je continue à croire qu’il s’agit des intérêts corporatistes d’un certain nombre de militaires, se sentant lésés par les promotions qui ont eu lieu.

 

 

A Kidal, au nord du Mali, les accrochages se multiplient entre l’armée et des éléments du Mouvement National de Liberation de l’Azawad (MNLA). Etes-vous inquiets de cette situation ?

 

 

Pour moi, de tous les incidents qui ont eu lieu, c’est la situation la plus inquiétante, parce que le risque d’une confrontation est là, si les incidents se multiplient. Les accrochages de Kidal c’est une indication que l’accord de Ouagadougou n’est pas appliqué comme on le souhaitait. Les groupes armés ont suspendu leur participation dans les institutions de mise en application de l’accord, prétextant que les mesures de conscience et notamment la libération des prisonniers n’étaient pas effectives.

 

 

Le gouvernement est en train de prendre ces mesures de conscience et nous espérons que très rapidement les deux partis vont se retrouver, pour avancer sur la mise en application de l’accord. Ce que j’ai compris jusqu’à présent c’est que le gouvernement est déterminé. Je crois à ce qu’il dit.

 

 

Par Christophe Boisbouvier / rfi.fr

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