Même pour ceux qui prétendent ne pas s’intéresser à l’histoire, le décès de Sa Majesté la reine Elizabeth II est un événement à forte charge symbolique. Il s’agit pour le monde entier, et pas que pour que nous les Britanniques, de la fin d’une époque – c’est une porte qui se ferme sur le passé, un dernier adieu au XXe siècle, un trait tiré sur un monde qui n’est plus. La reine d’Angleterre fut pendant des décennies l’une des personnalités les plus célèbres de la planète. Comme l’a si joliment dit Emmanuel Macron : « Pour vous, elle était votre reine. Pour nous, elle était LA reine. »
Entièrement identifiée au titre, aux responsabilités et à la fonction qui étaient les siennes par le hasard de la naissance, la reine Elizabeth forçait le respect et l’admiration partout où elle allait, et même dans les pays où elle ne mit jamais les pieds. Ce faisant, elle fut une remarquable ambassadrice du Royaume-Uni, son royaume ; peut-être même le meilleur diplomate qu’ait produit notre pays.
Cela tient, entre autres, à son extraordinaire longévité sur le trône. Au cours de son règne, elle a vu défiler quinze premiers ministres britanniques, dont la plus récente [Liz Truss] a pris ses fonctions le 6 septembre ; dix présidents de la République française et pas moins de soixante et un gouvernements en Italie. Neuf personnes vivantes sur dix dans le monde sont nées alors qu’Elizabeth II était reine. Et il est sidérant de penser qu’elle fut sur le trône pendant près d’un tiers de l’existence des Etats-Unis en tant que nation indépendante.
La stabilité et le sentiment de continuité qui en ont découlé ont été précieux pour le Royaume-Uni, aussi bien sur le plan intérieur que sur la scène internationale. Durant les crises politiques, économiques et militaires de ces dernières années, nous avons pu trouver du réconfort dans le fait que certaines choses restaient immuables dans ces périodes d’incertitude et de changement. Songeons notamment à l’allocution que la reine prononçait tous les Noël à 15 heures, dans laquelle elle soulignait que l’espérance devait vaincre la peur, nous incitait à plus de bonté et de tolérance, et nous rappelait qu’il était de notre devoir d’aider notre prochain. La reine incarnait ces qualités et montrait l’exemple.
L’esprit très vif
Elle était d’un dévouement et d’une conscience professionnelle plus qu’admirables, hors du commun. La reine était « forte comme un bœuf », pour reprendre l’expression de l’un de ses fidèles secrétaires particuliers. « Oh, regardez ! La voilà qui flanche à nouveau », dit-elle un jour à propos de Margaret Thatcher, pourtant réputée elle aussi pour son endurance, alors que cette dernière, prise d’un malaise, s’était vue obligée de s’asseoir après une série d’obligations officielles exténuantes.
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