REPRESENTANT PERMANENT DE LA FRANCE AUPRES DES NATIONS UNIES
AU CONSEIL DE SECURITE
New York, le 18 octobre 2022
Monsieur le président,
Je voudrais remercier le Représentant spécial pour son exposé, et saluer la participation du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la République du Mali.
Je serai bref : le Mali est aujourd’hui à la croisée des chemins.
De premiers jalons ont été posés ces derniers mois.
En juillet, un accord a été trouvé entre les autorités maliennes et la CEDEAO sur le chronogramme de la transition, en vue du retour à l’ordre constitutionnel et de l’organisation d’élections d’ici février 2024. La promulgation de la loi électorale a constitué un point de départ, et un projet de constitution devant être prochainement soumis à référendum a été rédigé.
En septembre, le Comité de suivi de l’accord s’est réuni pour la première fois depuis plus d’une année, sous l’impulsion déterminante de l’Algérie.
Ces étapes étaient importantes, elles doivent déboucher sur des résultats concrets et rapides, car la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et le retour de la démocratie ne peuvent venir que des parties maliennes elles-mêmes. La MINUSMA continue à les appuyer, comme le prévoit son mandat.
Je veux ici rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont servi au sein de la mission depuis sa création, il y a 9 ans. La MINUSMA est l’une des missions les plus dangereuses des Nations unies. Nous prenons chaque année, en tant que membres du Conseil de sécurité, la responsabilité de renouveler son mandat, car nous pensons que cet engagement vaut la peine : pour la protection des Maliens et de leurs droits, pour la réconciliation nationale, pour la paix et la stabilité de la région.
Cela m’amène à mon second message : la MINUSMA est aujourd’hui une mission en danger.
La menace est d’abord sécuritaire. Les groupes terroristes étendent leur emprise et font de plus en plus de victimes. Nous appelons le Mali à renouer des relations de coopération et de confiance avec ses partenaires de la sous-région, pour opposer un front uni à cette menace transfrontalière.
Cette menace touche aussi la MINUSMA, qui a perdu neuf casques bleus depuis juin. Je présente mes condoléances au Tchad, qui a été endeuillé hier, ainsi qu’à l’Egypte, la Guinée, la Jordanie et aux familles des victimes.
Il serait inacceptable d’exposer les soldats de la paix à de tels risques sans une coopération pleine et entière de l’Etat hôte, dans le respect de son accord de siège et des résolutions 2518 et 2589. Or, nous constatons certaines entraves aux activités de la mission. La France est très préoccupée par le rapport du Secrétaire général faisant notamment état de 20 cas de restrictions aux mouvements terrestres de la mission, ainsi que de 22 cas de restrictions à ses mouvements aériens. Ce dernier point est particulièrement inquiétant, car une évacuation par hélicoptère est parfois le seul moyen de sauver un soldat blessé.
Se pose par ailleurs la question des opérations qui sont menées par certaines forces nationales avec l’appui des mercenaires de Wagner. Les informations sur le nombre de victimes civiles, et le fait qu’elles visent certaines communautés en particulier, sont extrêmement graves. Nous exhortons les autorités maliennes à veiller à ce que les auteurs de ces exactions répondent de leurs actes et à ce que les enquêtes qui ont été annoncées aboutissent.
La France appelle à ce que la revue stratégique de janvier apporte des réponses claires à ces questions et mette toutes les options sur la table. C’est l’occasion d’une discussion ouverte avec les autorités maliennes, à la fois sur leurs attentes vis-à-vis de la MINUSMA, mais aussi leur engagement à ce que la mission puisse mettre en œuvre son mandat dans son intégralité.
Monsieur le président,
Personne ne souhaite voir la MINUSMA quitter le Mali. Les sondages montrent que c’est dans les zones les plus éloignées que la mission est la plus appréciée, pour son appui à la sécurité, pour son rôle humanitaire.
Nous comptons sur l’esprit de responsabilité des autorités de transition pour ne pas précipiter un départ dont les Maliens seraient les premières victimes.
Je vous remercie./.