Lors de l’assemblée générale de la Confédération Nationale des Sociétés Coopératives de Producteurs de Coton (CNSCPC), vendredi 8 mai, son président, Bakary Togola, a annoncé devant un demi-millier de producteurs des zones CMDT et OHVN que pour la saison agricole 2015-2016, le Mali entendait atteindre 650.000 tonnes de coton et 2 millions de tonnes de céréales. Cet objectif reste cependant un leurre au vu des engrais de mauvaise qualité qui inondent le pays. Tout le monde sait qu’une bonne récolte dépend à la fois d’une bonne pluviométrie et de la qualité des intrants agricoles. Le sachant, le Mali consacre, depuis plusieurs années, 14,48% du budget national au secteur agricole et subventionne les intrants. L’Etat entend dépenser 70 milliards de FCFA dans les prochaines années pour réduire le prix des intrants, améliorer la fertilité des sols et motiver les cotonculteurs.
Engrais dangereux
Le hic, c’est qu’à coté des traditionnels fournisseurs d’engrais qui ont toujours bien fait leur boulot, de nouveaux fournisseurs d’engrais sont par effraction dans le secteur. Ils viennent d’introduire sur le territoire national des engrais de mauvaise qualité. Plusieurs camions de 60 tonnes, chargés de ces dangereux intrants agricoles, ont quitté le Port Autonome d’Abidjan en direction du Burkina Faso.Une fois à la frontière burkinabé, ils ont fait demi-tour pour se diriger vers la frontière malienne, en passant par le nord de la Côte d’Ivoire. Les faux engrais se trouvent désormais en territoire malien et attendent d’être livrés aux agriculteurs. Quelques échantillons de ces engrais prélevés au Port Autonome d’Abidjan, ont été analysés par des spécialistes et laboratoires en France, en Côte d’Ivoire et au Maroc. Il en ressort que les engrais sont à base d’une roche phosphatée non réglementaire. Leur taux de calcium, très élevé, atteint 15-35ppm. Quant au taux de plomb, il est également élevé par rapport aux normes: 10-20ppm. Pour ce qui est de chrome, l’on note un taux de 120-160ppm, largement au-delà des normes admises. Ces données attestent que ces produits sont hautement dangereux. Pour les spécialistes, de tels produits ne pourront pas être utilisés par le monde paysan, dans la mesure où leur temps de dissolution est trop long. Or, les engrais doivent se dissoudre rapidement pour être absorbés par les plants. Un temps de dissolution long amène l’engrais, non à nourrir les plants, mais à les détruire. Voilà pourquoi ces engrais risquent d’hypothéquer les objectifs de production annoncés par le Mali. Par ailleurs, les spécialistes craignent que les populations rurales, par méconnaissance, utilisent ces engrais sur des produits de consommation comme les tomate, la salade, les choux, les patates et les aubergines. Ce serait là une catastrophe sanitaire majeure en raison des taux élevés de composants chimiques des engrais incriminés.
Le ministre du Développement rural, Bocary Téréta, soupçonne déjà la présence de ces engrais sur le territoire national. Lors de la même assemblée générale citée plus haut, il a assuré que le gouvernement veillerait au respect de la qualité des intrants à travers des contrôles réguliers. “Désormais, le contrôle de qualité s’étendra à la source, depuis les firmes étrangères et avant l’embarquement dans les bateaux. Par ailleurs, les entrepôts maliens par lesquels les engrais transitent procéderont à des contrôles de qualité avant toute livraison aux paysans”, a-t-il promis. Les autorités ivoiriennes, sur la base de renseignements inquiétants, ont alerté tous les acteurs impliqués dans le marché d’engrais. Le ministre ivoirien de l’Agriculture a aussi saisi par courrier ses homologues des pays voisins, dont les opérateurs économiques utilisent le Port Autonome d’Abidjan. Affaire à suivre donc.
La rédaction
Source: Le Procès Verbal