Notre pays compte une superficie fluviale de 4 500 km2, sur laquelle la pêche est une activité bien pratiquée. Outre les pêcheurs des Régions de Mopti, Sikasso et Ségou, ceux de la capitale contribuent largement à satisfaire la demande importante en poisson de la population de la capitale. Pour comprendre la vie de ces pêcheurs, qui sauvent parfois des vies sur le fleuve Niger, notre équipe de reportage s’est rendue à Missabougou où s’est implantée, sur les berges du fleuve Niger, une communauté de pêcheurs.
Adama Sanogo prépare ses hameçons, ces petits crochets de fer à pointe barbelée que l’on met au bout d’une ligne, avec de l’appât, pour prendre du poisson. «Je creuse le sol pour avoir des vers de terre qui servent d’appâts pour préparer mes hameçons. Le soir, je vais placer le filet, puis le lendemain matin, je vais voir si mon piège a capturé des poissons», explique le jeune pêcheur, assis sur une natte.
L’utilisation de la pirogue est essentielle pour le pêcheur. En plus d’être un moyen de transport indispensable, cette embarcation faite d’un seul tronc d’arbre reçoit les butins du jour. Les pirogues de Adama Sanogo sont toutes fabriquées avec l’arbre appelé «Djala». Et leurs dimensions varient de 7 à 8 mètres de long.
Selon M. Koné, un autre pêcheur, la plus petite embarcation dans leur « zone de pêche » mesure 6 mètres. Certains pêcheurs, ajoute-t-il, ont des pirogues motorisées qui leur permettent de se rendre dans des endroits très éloignés. En 15 ans d’activité, notre interlocuteur s’estime heureux. Il a pu non seulement acheter sa propre pirogue, mais aussi des bœufs et des moutons.
IMPACT DES SACHETS PLASTIQUES. Ici, tout le monde en convient : Le fleuve est envahi par les sachets plastiques. Et la situation n’est pas sans impact sur la pratique de la pêche. « La pêche est devenue une activité de moins en moins rentable», témoigne Yacouba Coulibaly. Ce quadragénaire pointe du doigt plusieurs facteurs, notamment l’envahissement du fleuve par les sacs et sachets plastiques.
Le barrage de Sélingué contribuerait aussi, selon Yacouba Coulibaly, à la réduction de la quantité de poissons qui se déplacent vers leur zone. La disette est exacerbée par la violation des périmètres protégés que les pêcheurs eux-mêmes ont établi. «Ici, nous avons décidé de protéger des endroits en vue d’accroître le nombre de poissons qui y vivent, mais certains ne respectent pas cette décision » a-t-il regretté.
Conséquence : les pêcheurs bamakois ne vivent plus de leur activité. Ainsi, sont-ils contraints de pratiquer l’élevage et le maraichage pour faire face aux besoins quotidiens.
Du coup, la saison des pluies est devenue un moment moins apprécié par les pêcheurs, car les périmètres de maraichage sont inondés. Cependant, l’occupation des périmètres de maraichage par les cours d’eau n’est pas la seule amertume de Yacouba et ses collègues.
Il y a également le fait que la pêche soit moins fructueuse en cette période. «Quand il y a la crue, les poissons s’enfouissent sous les herbes. Nous n’attrapons qu’au maximum 5 kilogrammes de poissons contrairement à la saison sèche, qui est plus intéressante», explique notre interlocuteur.
Malgré toutes ces difficultés, cette communauté de pêcheurs s’investit pour que leurs enfants soient instruits. Un avantage que Yacouba et sa génération n’ont pas eu. « Nos enfants vont à l’école. Nous les embarquons dans les pirogues pour les déposer sur l’autre rive. Ils font l’auto-stop pour atteindre l’école», dit-il, avant d’ajouter qu’ils les encouragent constamment à persévérer. Mais, ceux qui réussissent à décrocher leurs diplômes se comptent sur le bout des doigts.
Ces pêcheurs souhaitent avoir des matériels adéquats, mais aussi des appuis pour mener le maraichage et l’élevage, une manière pour eux d’éviter le chomage.
Mohamed D. DIAWARA
L’Essor