La surexploitation menace les poissons de disparition aussi bien en mer que dans les fleuves du continent. L’UA met la presse a contribution pour sensibiliser sur le danger
La ville d’Elmina située à 380 km d’Accra, la capitale ghanéenne, accueille depuis hier un atelier destiné à « exploiter le pouvoir des médias pour sensibiliser sur les questions du secteur des pêches en Afrique ». Cet atelier de 4 jours est destiné à une centaine de journalistes de divers médias audiovisuels, presse écrite et en ligne venus de presque tous les pays africains. Il est conjointement organisé par le Bureau interafricain des ressources animales de l’Union africaine (UA-BIRA), basé à Nairobi (Kenya) et la Banque mondiale en collaboration avec l’USAID et la Commission sous-régionale des pêches en Afrique de l’ouest.
L’atelier est destiné à sensibiliser les journalistes aux défis et opportunités du secteur de la pêche et à la manière dont ce secteur peut contribuer à la croissance économique et à l’amélioration des moyens de subsistance en Afrique. Les organisateurs entendent bâtir un réseau de journalistes africains et d’équipes de communication couvrant le secteur de la pêche.
Le Dr Mohamed Seisay, fonctionnaire principal chargé des pêches à l’UA-BIRA, Peter Kristensen, spécialiste de l’environnement à la Banque mondiale, et Marieme Talla Diagne, secrétaire permanente par intérim de la Commission sous-régionale des pêches en Afrique de l’ouest ont co-présidé la cérémonie d’ouverture de l’atelier.
Il faut rappeler que le Bureau interafricain pour les ressources animales de l’Union africaine est un bureau technique spécialisé du département de l’économie rurale et de l’agriculture de la Commission de l’Union africaine. Il a pour mandat de soutenir et de coordonner l’utilisation de l’élevage, de la pêche et de la faune comme ressources à la fois pour le bien-être des populations et le développement économique des États membres de l’Union africaine.
UN PUBLIC INFORME. En prélude à l’atelier, les journalistes ont visité trois sites de communautés de pêcheurs à Elmina, Moree et Apam. Ainsi les participants ont pu mesurer les difficultés rencontrées par les différentes communautés et apprécier les obstacles au plein épanouissement de ces hommes et femmes. De façon générale, ces communautés de pêcheurs ghanéens connaissent les mêmes difficultés que leurs homologues du continent, qu’ils vivent à l’intérieur des terres sur les cours d’eau ou sur les côtes africaines.
Les maux qui assaillent le secteur de la pêche africaine sont, entre autres, la surexploitation des ressources, le non respect des matériels de pêche, la pêche illégale ou clandestine, la pêche des petits poissons qui n’ont pas atteint la taille légale, la pêche des espèces protégées, le manque ou l’insuffisance d’infrastructures de traitement ou de conservation, l’épuisement des ressources halieutiques, les accords de pêche qui ne profitent pas aux communautés de pêcheurs, ni à la population en général.
Marieme Talla Diagne a rappelé que la promotion de la transparence et de la participation dans le secteur des pêches est en train de prendre une place centrale dans le monde. C’est ainsi qu’elle a relevé les résultats tangibles obtenus dans le cadre du Programme régional des pêches en Afrique de l’ouest, comme par exemple les nouvelles politiques sectorielles de la pêche développées dans certains pays, le système d’immatriculation qui permet d’enregistrer la flotte maritime, la transparence dans la procédure d’autorisation des licences et la publication des revenus des licences sur le site internet. Par ailleurs, l’appui à la transition pour les moyens alternatifs de subsistance à la pêche artisanale, le système de surveillance par satellite des navires pour les flottes de pêche industrielle, l’intégration régionale pour lutter contre la pêche illégale et le système régional d’information sur les pêches sont devenus des pratiques courantes.
Le fait de tenir le public informé, grâce notamment à des journalistes mieux outillés, permet de mieux véhiculer les politiques gouvernementales et les procédures de gestion des ressources halieutiques en rendant plus efficaces les actions engagées et qui sont gages de stabilité sociale. Car, les journalistes, à l’image de ce qu’ils ont vu sur les sites visités au Ghana, ont reconnu que les communautés de pêcheurs comptent parmi les plus démunies des couches vulnérables de nos pays. Quand bien même les spécialistes reconnaissent le rôle du poisson dans l’alimentation des communautés comme un apport inestimable de protéines animales notamment pour les femmes enceintes et les enfants en bas âge.
LE PARADOXE AFRICAIN. Dans le village de Moree, situé à 115 km d’Accra, le groupe de journalistes a été accueilli par Nana Farnyi Kweigya, le chef de la communauté des pêcheurs de la localité, qui a souhaité la bienvenue à la mission, avant d’expliquer brièvement que les pêcheurs de sa localité sont confrontés à nombre de difficultés dont la surpêche due à l’activité industrielle menée en mer qui a eu comme conséquence la diminution drastique de la ressource. « Les captures connaissent une baisse de volumes et les espèces sont menacées de telle sorte que les pêcheurs sont obligés de pêcher des poissons de petit calibre », a détaillé le pêcheur John Adayesi. « C’est juste une obligation pour nous d’assurer la survie de nos ménages », ajoutera son collègue Kofi Kwamé. Tous les pêcheurs rencontrés accablent la pêche industrielle qui est, selon eux, la source de tous leurs malheurs et des menaces qui pèsent sur la ressource.
Comment rompre le paradoxe africain qui admet que les côtes africaines sont parmi les plus poissonneuses du monde et que nos populations puissent souffrir du manque de ressources halieutiques et frôler la carence en protéines animales ? Comment expliquer que l’Afrique exporte du poisson dans le monde entier pour 5 milliards de dollars et est, dans le même temps, obligée d’en importer pour 10 milliards de dollars pour nourrir sa population avec cette source de protéine animale indispensable au maintien d’une bonne et saine alimentation ?
Comment inverser cette tendance afin que les pêcheurs africains puissent vivre du produit de leurs pêches ? Comment assurer un repas quotidien à base de poisson à chaque Africain sans mettre en péril la ressource ? Cela est possible, à condition, expliquent les spécialistes, que chaque pays passe à une gestion transparente et durable des ressources halieutiques. Il a été reconnu que le poisson est le produit alimentaire le plus commercialisé dans le monde, loin devant la viande, le lait, le cacao ou les fruits par exemple. Alors assurer sa survie n’est-il pas assurer notre propre existence ? Le poisson renferme beaucoup de vertus, de vitamines et de protéines, c’est pourquoi c’est un produit essentiel pour la vie et la survie. L’Union africaine mise sur journalistes réunis à Elmina pour véhiculer les messages idoines de changement de comportement pour une bonne gestion des ressources halieutiques.
M. COULIBALY
Source : Essor