Un huissier commissaire priseur attribuait dans une boutade des propos imaginaires au directeur de Ozone-Mali : «on ne peut pas assainir Bamako». Mais au-delà de la farce, il voulait simplement relever le volume du travail que doit accomplir Ozone Mali pour débarrasser la capitale des immondices. C’est une tâche qui requiert d’avoir de nombreuses petites mains utiles, notamment les techniciens de surface, et de gros moyens en termes de matériels, voire de logistique.
L’espérance suscitée par Ozone-Mali chez nos compatriotes est-il en train de s’estomper ? En tout cas l’entreprise de nettoyage de la capitale qui emploie des milliers de personnes semble avoir du plomb dans l’aile, si l’on en juge par les récriminations des travailleurs. Ceux-ci n’apprécient guère d’avoir passé, cette année, quatre mois sans percevoir le moindre Kopeck. Ainsi, ils avaient enchaîné les grèves pour réclamer l’amélioration des conditions de travail et le paiement des arriérés de salaire.
Le débrayage des travailleurs de Ozone-Mali (en tout cas de ceux qui nettoient les coins et recoins des grandes artères de la capitale) a été lourdement ressenti par nos compatriotes qui souhaitent que les autorités compétentes accompagnent Ozone-Mali pour que Bamako, la Coquette, retrouve son lustre d’antan de ville propre.
L’espoir pointe à l’horizon puisque l’entreprise semble reprendre du poil de la bête avec le versement d’un milliard de Fcfa dans sa cagnotte par l’État et qui promet, selon les responsables de l’entreprise, de décaisser encore trois autres milliards de Fcfa. Ceci a été un véritable bol d’air pour Ozone-Mali qui a pu solder une partie des arriérés de salaire (les travailleurs ont perçu deux mois). C’est ainsi que les agents de Ozone Mali qui brillaient par leur absence ont repris service. On les voit sur les grandes artères et les grands carrefours de la capitale en train de nettoyer le bitume et certaines servitudes publiques.
Adama Koné, conseiller principal à la direction générale d’Ozone-Mali, explique que son entreprise est liée par une convention avec la mairie du district de Bamako et l’État depuis le 29 septembre 2014 pour assainir la capitale. Et de poursuivre que le contrat a une durée de 8 ans. Ce contrat s’achemine vers la fin puisqu’il est en exécution depuis près de 7 ans maintenant. Le conseiller a rappelé que son entreprise est une représentation du Groupe Ozone, basé au Maroc.
Selon lui, une convention renvoie juridiquement à l’engagement de deux ou plusieurs parties et qui doit être honoré pour que l’objectif soit atteint. Adama Koné estime que les difficultés ont commencé à partir du moment où l’État a failli à son engagement financier. Cette situation a eu des répercussions sur la santé financière de l’entreprise Ozone-Mali, qui s’est retrouvée dans l’incapacité d’assurer certaines charges, notamment le paiement régulier des salaires des travailleurs. Pour lui, il est clair que la 1ère année du contrat avait laissé entrevoir ces difficultés de paiement des salaires.
Parce que l’État qui devait plus de 4 milliards à l’entreprise n’avait pas décaissé le moindre sou. Depuis, Ozone Mali a commencé à vivre des jours difficiles. Mais elle bénéficiait du soutien de la représentation mère (Ozone Maroc) qui avait accepté de mettre la main à la poche et d’assurer les salaires jusqu’en 2021. Cet apport était l’arbre qui cachait la forêt.
À partir de cette année, Ozone Maroc n’a plus payé les salaires. Ce qui explique les quatre mois d’arriérés de salaire que nous devons aux travailleurs, a indiqué le conseil principal à la direction générale de Ozone-Mali. Il a aussi souligné que l’État doit un peu plus de 30 milliards Fcfa d’impayés à sa société. Mais les choses commencent à s’améliorer progressivement. Le conseiller principal à la direction de Ozone Mali invite l’État à honorer ses engagements pour que l’entreprise ne mette pas la clé sous la porte.
Le secrétaire général du comité syndical de l’entreprise, Abdramane Sanogo, relève dans la convention que l’État et la mairie du District de Bamako doivent octroyer un montant de 9,5 milliards de Fcfa par an à Ozone-Mali, soit 4,5 milliards au compte de l’État et le reste devait être apporté par l’hôtel de ville de Bamako.
Le syndicaliste déclare qu’il a fallu attendre 2016, soit deux ans après la signature de la convention, pour voir l’État commencer à payer ses 4,5 milliards de Fcfa. Il déplore «l’inertie» de la mairie du District de Bamako qui, selon lui, semble ne pas en faire une préoccupation prioritaire parce qu’elle n’a pas versé le moindre centime à l’entreprise.
Celle-ci fonctionnait sur ses propres ressources et avec le soutien financier des groupes Ozone au Maroc, à Abidjan et au Soudan, entre autres. Pour lui, les difficultés de son entreprise sont liées à une tension de trésorerie qui a eu forcément des répercussions sur les travailleurs. Ceux-ci avaient déclenché une grève depuis le 9 juillet dernier pour réclamer de meilleures conditions de travail et le paiement des salaires. Cet arrêt de travail était bien observé jusqu’au 6 octobre dernier où les agents ont repris du service.
Les travailleurs ayant perçu deux mois d’arriérés de salaire sur les quatre, ont accepté de suspendre leur mot d’ordre de grève et de se remettre au travail. Il explique que son entreprise employait au départ 1.382 agents. Mais 275 d’entre eux ont été licenciés à la suite d’un dégraissage fait par Ozone-Mali. Il espère voir son entreprise partir sur des bases plus saines et répondre aux attentes des populations, en termes d’assainissement de la ville de Bamako.
Mamadou Camara, chauffeur dans la même entreprise depuis plus de 5 ans, reste un peu réservé sur l’avenir de la boîte. Il garde à l’esprit les moments difficiles même si il y a eu un soulagement avec le paiement de deux mois d’arriérés de salaire. Le chef de famille qu’il est ne s’accommode pas d’une telle situation. Il explique clairement avoir moins souffert que d’autres de ses camarades puisque lui, il revendique son statut d’homme de caste qui lui a permis de bénéficier des soutiens de ses hôtes (ses diatigui).
Quant à Mme Fadiga Mariam Diallo, elle est employée à Ozone-Mali depuis 6 ans comme balayeuse des voies publiques. Celle qui ne sait pas utiliser la langue de bois fait remarquer clairement que les travailleurs de cette entreprise subissent beaucoup de désagréments dans l’accomplissement de leur tâche. Pour elle, le non paiement des salaires reste un vrai casse-tête. Elle pense que tout le monde (les travailleurs) avait vu venir cette situation ou plus ou moins pressenti parce que les agents percevaient les salaires 15 jours, voire plus après le mois échu. Elle appelle de ses vœux l’aplanissement des difficultés et une régularisation de la situation.
La balayeuse explique aussi à qui veut l’entendre les conditions difficiles dans lesquelles se trouvent les balayeuses des voies publiques. «On est parfois victime d’agression physique des usagers ou sexuelle par les bandits. Ces actions se passent le plus souvent très tôt le matin ou à des heures indues quand elles reprennent le chemin du retour, sans compter le risque d’accident de la voie publique.
Certains agents ont été fauchés en plein travail par des usagers de la voie publique et ont perdu la vie, rappelle la dame. Et de lancer un cri du cœur à l’administration de son entreprise pour prendre en compte les préoccupations majeures des travailleurs.
Amsatou Oumou TRAORÉ
Source : L’ESSOR