Un convoi de plusieurs voitures blindées traverse les rues sablonneuses du village isolé de Dangatene, dans zone dangereuse qu’est devenue le sud-est de la région de Mopti. Des dizaines de villageois, en particulier des enfants, se précipitent pour regarder et saluer chaleureusement les soldats de la paix de l’ONU.
« Notre déploiement (celui de la force de réaction rapide (FRR)), permet aux troupes de maintien de la paix de patrouiller plus profondément, pour atteindre les villages reculés où la violence se produit. Ceci, pour créer une présence protectrice et dissuader d’éventuelles attaques », a déclaré Dennis Gyllesporne, Commandant de la Force de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
Depuis le renouvellement de son mandat par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 28 juin dernier (par la Résolution 2423 (2018)), l’obligation de la MINUSMA de protéger les civils et leurs biens a été étendue au Centre du Mali. Ainsi, les opérations militaires régulières sont intensifiées pour sécuriser différentes zones inaccessibles et isolées.
Du 14 au 22 décembre, des Casques bleus sénégalais ont mené une opération de protection des civils et de leurs biens dans le cercle de Koro, dans la région de Mopti, à la frontière avec le Burkina Faso. Appelée “FADEN 6”, cette opération a organisé des activités civilo-militaires, notamment des consultations médicales gratuites, des séances de sensibilisation et d’éducation sur la cohésion sociale, les droits de l’homme, la justice et la donation de biens à la communauté.
Régler les conflits locaux : clé pour la paix
Les villageois se sont réveillés tôt et se sont rassemblés à l’ombre d’un arbre dans ce village malien de plus de 3 000 habitants, composé d’une poignée de maisons construites en banco, pour échanger avec des responsables des Nations Unies sur la promotion de la paix, de la justice et de la cohésion sociale.
« L’objectif du projet de réconciliation pour la paix et la justice est de ramener une certaine cohésion sociale dans les villages d’Am, Yourou et Dangatene, qui vient d’être touchés par une vague de violence intercommunautaire, et de contribuer à faciliter les rencontres entre communautés afin de permettre aux gens de se parler, » a expliqué Fatou Thiam-Dieng, la Cheffe du bureau régional de la MINUSMA à Mopti.
L’équipe de la MINUSMA s’est rendue dans les trois villages touchés par la crise pour écouter chaque communauté afin de stimuler une dynamique de dialogue et de reconstruire le tissu social. Depuis le début du projet, il y a six mois, les affrontements ont cessé entre ces trois villages, où des comités de conciliation ont été créés. Une des méthodes traditionnelles de résolution des conflits.
Mais, pour ces gens ordinaires, la faim et la sécurité sont des préoccupations pressantes. Pour Badoumou Dara, un agriculteur de 48 ans, cette année ne peut être comparée à l’année dernière : « Je n’ai jamais rien vu de tel. Nous n’avons pas été capables de cultiver toute l’année. Qu’est-ce que nos familles vont manger ? », s’est-il interrogé.
La recrudescence de la violence intercommunautaire entre les éleveurs peuls et les agriculteurs dogon et bambara a contribué à aggraver l’instabilité dans le centre du Mali, qui était autrefois pacifique. Les conflits ont fait plus de 200 morts et près de 1 500 déplacés des deux côtés, peuls et dogons, depuis le début de l’année. Deux communautés qui coexistent depuis des siècles dans une cohésion exemplaire.
Mais ce matin à Dangatene, les villageois ont salué l’initiative comme une “véritable lueur d’espoir” et ont affirmé qu’ils étaient prêts à tout faire pour retrouver cette compréhension et cette cohésion qui les caractérisaient autrefois. « Tout ce que nous voulons, c’est vivre en paix, » a déclaré Abdramane Sayi, un vieux Chef de village.
Actions concrètes, pas juste des mots
Pendant trois jours, le lieutenant Tafsir Gueye, médecin-chef de la Force de réaction rapide sénégalaise, a consulté plus de 200 personnes dans les villages de Yorou, Am et Dangatene. Un travail qui exige le sacrifice de soi, du professionnalisme et surtout de la patience. « Les problèmes de santé les plus courants sont les” maladies négligées “telles que la malnutrition chez les enfants et les maladies oculaires des personnes âgées comme la cataracte », a-t-il déclaré.
Les consultations médicales gratuites ont drainé de nombreux villageois. Parmi les bénéficiaires figurait Kouny Werne, une femme de 62 ans. Après consultation, les médicaments sont prescrits et offerts. Extrêmement heureuse, elle confie : « Je suis venue ici à cause de mes yeux. Je vois les images floues, alors je me suis fait mal à l’intérieur des yeux. Ces médecins viennent de mettre dans mes yeux des produits qui m’ont fait du bien. L’effet a été immédiat. C’est beaucoup mieux et soulageant : ils ont fait du bon travail. »
La MINUSMA est déterminée à intensifier ses efforts pour contribuer à la protection des civils et atténuer les tensions intercommunautaires dans ces lointains villages où la réconciliation ne doit pas être un moment, mais demeurer une façon de vivre.