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Oumou Sangaré : “Je venais de trouver mon combat”

Oumou Sangaré est l’une des grandes voix qui fait résonner, au nom des femmes, la chanson malienne, à travers le monde entier. Terriennes a pu la rencontrer lors de son concert à Montréal.

Oumou Sangaré nous accueille dans sa loge, resplendissante, quelques heures avant de monter sur scène, le 21 avril 2024, à Montréal. Elle arrive de Toronto, et repart ensuite pour New York puis la Nouvelle-Orléans, pour présenter au public Timbuktu, son dernier album qu’elle qualifie de particulier parce qu’écrit en pleine pandémie.

La souffrance faite aux femmes m’inspire beaucoup… Et ça a commencé chez moi très jeune, quand je voyais ma maman souffrir, je chantais pour la soulager.Oumou Sangaré

Un album qui, comme les précédents, nous parle des femmes africaines et de leurs conditions de vie. Car les femmes sont la principale source d’inspiration d’Oumou Sangaré : “La souffrance faite aux femmes m’inspire beaucoup, quand je vois qu’une femme souffre beaucoup, ça me touche. Et ça a commencé chez moi très jeune, quand je voyais ma maman souffrir beaucoup, je chantais pour la soulager…”

De la petite chanteuse à la carrière internationale

Oumou Sangaré, qui vient de fêter ses 56 ans, est née dans le Wassoulou, une région du sud du Mali. Contrairement à beaucoup d’artistes maliens, elle n’est pas griotte, mais sa grand-mère chantait et sa mère aussi, elle était d’ailleurs très connue au Mali. La mère d’Oumou a été abandonnée par son époux, alors elle emmène sa fille avec elle dans les mariages et les baptêmes où elle chante, c’est comme ça qu’Oumou a commencé à chanter, dans ces cérémonies traditionnelles.

En 1989, Oumou part au Sénégal enregistrer son premier album, Mossoulou, ce qui lui met le pied à l’étrier d’une carrière internationale qui va l’emmener sur tous les continents au cours de plusieurs tournées mondiales. Une carrière également couronnée de prix prestigieux comme le Prix de la musique de l’Unesco/Conseil International de la Musique, reçu en 2001 pour sa contribution à “l’enrichissement et au développement de la musique, ainsi qu’à la cause de la paix, de la compréhension entre les peuples et de la coopération internationale”.

Au nom des femmes

Elle nous raconte qu’un jour, elle chantait dans une cérémonie une chanson qui parlait de sa mère, de tout ce qu’elle avait vécu et “quand j’ai chanté la souffrance de ma mère, autour de moi, j’ai vu toutes les femmes de la cérémonie pleurer. Là, j’ai compris que j’avais touché un point sensible pour toutes ces femmes qui souffrent en silence. J’ai parlé pour ma mère, mais c’est comme si j’avais parlé pour toutes les femmes qui m’entouraient dans cette cérémonie, ça m’a donné à réfléchir, je me suis dit : ‘Oumou, il y a quelque chose, là, les femmes souffrent beaucoup’… Je venais de trouver mon combat”.

Je parle à la place des femmes qui n’ont pas la possibilité de parler. Si c’est ça être féministe, alors oui, je suis féministe.Oumou Sangaré

Se considère-t-elle comme féministe ? “Je parle à la place des femmes qui n’ont pas la possibilité de parler. Si c’est ça être féministe, alors oui, je suis féministe, répond Oumou Sangaré. Mais le côté agressif, je ne suis pas d’accord. Voilà pourquoi je chante avec douceur, avec la musique, pour raconter la vérité, mais dans la douceur. Je pense que l’homme et la femme, sur la terre, sont appelés à se compléter. On n’est pas là pour se faire la guerre, mais pour se compléter. Tu es un homme, tu n’es rien sans une femme. Tu es une femme, tu n’es rien sans un homme. Si on se complète, la vie sera agréable”.

L’artiste malienne dénonce dans ses chansons le mariage précoce, les mariages forcés et la polygamie, mais toujours en douceur : “Je veux mettre de la joie dans le cœur de tout le monde en chantant et dire la vérité dans la douceur”. Elle se dit optimiste pour que les conditions des femmes africaines évoluent positivement au cours des prochaines années, car elle constate que la mentalité des hommes issus des nouvelles générations évolue, mais elle sait qu’il y a encore bien des progrès à faire.

Artiste et femme d’affaires…

Oumou Sangaré veut aussi être un exemple pour les femmes de son pays et pour toutes les Africaines : en parallèle de sa carrière internationale, elle est une femme d’affaires qui a notamment ouvert un hôtel à Bamako en 2002 et qui a lancé, en 2006, la commercialisation d’un véhicule 4X4 qu’elle a fait construire à partir de voitures importées de Chine et des moteurs du Japon, des voitures qu’elle a baptisées Oum Sang.

“C’est important pour moi, ma vie d’entrepreneure, précise-t-elle, parce que j’ai passé ma vie à encourager les femmes, à leur dire : oui, vous pouvez être autonomes, pour être libres dans la vie, il faut être autonomes et ne dépendre de personne. Donc travaillons pour notre liberté. Je l’ai chanté pendant des années. Après mes tournées mondiales, j’ai vu des artistes lancer des entreprises, alors je me suis dit que j’allais faire la même chose. J’essaie de faire mon maximum pour montrer aux femmes que c’est possible”.

« Apolitique »

Oumou Sangaré ne veut pas commenter la situation politique difficile que vit son pays depuis des années : “Je suis apolitique, précise l’artiste, j’aime mon pays, j’aime le peuple de mon pays et tout ce que je peux faire pour le peuple de mon pays, je vais le faire avec mon cœur”.

En 2012, elle décide malgré tout de se joindre au groupe d’artistes africains participant à la chanson pour la paix Mali Ko.

Le festival qu’elle a mis en place dans sa région natale du Wassoulou depuis 2016 et qui rassemble chaque année des centaines de milliers de personnes venues notamment de pays africains voisins, n’a pas été annulé à cause de ces turbulences politiques . “On n’a pas voulu céder à la peur, on n’a pas voulu être terrorisé”, déclare la chanteuse, qui se dit très fière de son festival où viennent jouer de grands noms de la musique africaine mais aussi de jeunes talents.

Cela fait plaisir de savoir que ton travail dépasse les frontières, que tu es suivie par la nouvelle génération. J’ai un sentiment de fierté, mais c’est aussi porteur de lourdes responsabilités.Oumou Sangaré

Car s’il y a bien quelque chose qui tient aussi au cœur d’Oumou Sangaré, c’est d’aider les jeunes artistes à percer : elle a joué un rôle clé dans la carrière de celle qui a été sa choriste, Fatoumata Diawara, tout comme pour l’artiste française d’origine malienne Aya Nakamura, qui lui a d’ailleurs dédié une chanson. Alicia Keys, Beyoncé font aussi partie de ses fans assumés. “Cela fait plaisir de savoir que ton travail dépasse les frontières, de savoir que tu es suivie par la nouvelle génération, j’ai un sentiment de fierté mais c’est aussi porteur de lourdes responsabilités”, souligne la chanteuse.

Et Oumou Sangaré de conclure par un dernier message, lancé aux femmes du monde entier : “Je n’arrêterai jamais de dire à la femme de croire en elle, d’avoir confiance en elle, de ne jamais se minimiser. On est capable de tout, tout ce que l’homme peut faire, la femme peut le faire”.

 

Djely Tapa, l’hommage d’une héritière

Le soir du spectacle d’Oumou Sangaré, une artiste montréalaise d’origine malienne est montée sur la scène avec elle : Djely Tapa. Celle-ci considère Oumou Sangaré comme une mère, car elle la connait depuis toujours puisque sa mère est une grande amie de la chanteuse : “Elle nous aime comme ses propres enfants, je suis comme sa fille”.

Elle est aussi impliquée pour aider les femmes dans différentes cultures, donc elle donne cette chance à des femmes d’être autonomes, de pouvoir s’en sortir par elles-mêmes.Djely Tapa, chanteuse québéco-malienne

“Quand je veux parler d’Oumou, je veux parler d’elle sur quatre facettes : en tant que femme artiste, en tant que femme entrepreneure, en tant qu’artiste engagée et en tant que mère. D’abord comme artiste, c’est une femme qui a fait son chemin, qui a défriché beaucoup de choses pour la nouvelle génération ; elle est très engagée auprès de la jeunesse musicale, dans la musique du monde, et auprès des artistes du Mali. D’où son festival, ses duos avec des jeunes artistes, ses chansons engagées aussi en faveur de la paix”, confie Djely Tapa

La jeune artiste la considère comme un exemple pour elle, “Sur le plan de l’entreprenariat, elle est dans l’immobilier, elle est aussi impliquée pour aider les femmes dans différentes cultures, donc elle donne cette chance à des femmes d’être autonomes, de pouvoir s’en sortir par elles-mêmes. De ce côté-là, c’est une femme d’affaires redoutable à qui toute jeune artiste ou toute femme comme moi aimerait ressembler”.

Djely Tapa salue le féminisme tel que le pratique Oumou Sangaré : “Elle ne fait pas que des chansons dédiées aux femmes africaines, les actes suivent, tout ce qu’elle fait est relié à son engagement envers les femmes. Plus féministe qu’elle, pour moi, ça n’existe pas. Pour la jeune chanteuse, on peut défendre les droits des femmes, on peut s’engager dans le combat des femmes sans pour autant dénaturer notre culture et c’est ce que j’essaie de faire en prenant Oumou comme exemple, elle prend les bonnes valeurs de notre société pour les valoriser et l’intégrer dans son combat pour les droits des femmes“.

“Oumou est dans mon top dix des plus grandes voix des femmes, les personnes âgées écoutent sa musique, on ne peut pas la mettre dans un cadre ou lui apposer une étiquette, conclut Djely Tapa, c‘est une femme qui tend toujours la main vers les autres, elle partage son succès avec les autres, quand elle peut donner un coup de main à quelqu’un, elle le fait”. 

Source: tv5

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