Depuis août 2014, des troupes françaises sont déployées au Sahel pour lutter contre les groupes terroristes.
Nom de code : Barkhane. Le terme désigne ces dunes du Sahara qui prennent la forme d’un croissant sous l’effet du vent. C’est aussi celui de l’épineuse opération que mènent les forces armées françaises dans le Sahel, cette bande désertique qui barre le continent africain d’est en ouest. La plus importante «opex» – opération extérieure – conduite par la France. Avec un double objectif : lutter contre les groupes terroristes qui sévissent dans la région et faire en sorte qu’ils soient à la portée des armées locales pour que ces dernières puissent, un jour, prendre le relais. Un pari éminemment complexe. À ce stade, il est loin d’être gagné.
Héritière de Serval
Barkhane a été déclenchée par François Hollande en août 2014. À l’époque, les militaires français se trouvent déjà dans la région. Au Mali, où ils mènent l’opération Serval et sont parvenus à stopper l’avancée de djihadistes en direction de Bamako. Ils se trouvent également au Tchad, depuis 1986. Ces deux forces sont fusionnées pour donner naissance à Barkhane, conçue pour aborder la menace terroriste sous une approche régionale, plus adaptée aux mouvements transfrontaliers des différents groupes. Dans le même temps, Paris pousse à la création d’une force conjointe, le G5 Sahel, entre les cinq armées locales (Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Niger et Tchad) pour coordonner leur action. Censée être opérationnelle à l’été 2016, sa mise en place est très compliquée.
Un bilan mitigé
« Comme en toute chose, il y a du positif et du négatif », soupire un gradé avant d’énumérer les chefs djihadistes tués, les importantes saisies de matériels réalisées. Au ministère, à l’hôtel de Brienne (Paris VIIe), on se félicite d’être parvenu à porter un coup à ces groupes qui n’ont plus la capacité de contrôler des territoires et qui peinent désormais à mener des combats d’ampleur en face-à-face. Problème : les djihadistes se sont adaptés. Ils esquivent, adoptent des modes d’action plus « sournois » dixit un militaire, qui exigent plus de travail de renseignement. Pas question, dans ce contexte, d’envisager un retrait. « Barkhane n’est pas éternel, lâche un militaire de haut rang. Mais on s’installe dans la durée. » Florence Parly a prévu de s’y rendre après les européennes. La ministre des Armées s’est déjà déplacée sur ce théâtre à neuf reprises, signe de l’importance que cette « opex » revêt aux yeux de l’exécutif.
Les Français, une poignée de sable
Si les Français multiplient les missions sur place, le contexte d’insécurité grandit. Rien d’étonnant à entendre de nombreux observateurs. « Avec 4500 soldats pour 5 millions de km2, Barkhane, c’est mission impossible », lâche ainsi Antoine Glaser, spécialiste du continent africain*, qui appuie son propos en comparant la présence française sur ce territoire grand comme presque dix fois la France avec celle des Américains au plus fort de la guerre d’Afghanistan (100 000 soldats pour 600 000 km2). « Certes, Barkhane neutralise un certain nombre de djihadistes. Mais parallèlement, la situation économique de la région se dégrade. Les Etats sont faillis et n’assurent pas leur pouvoir régalien, notamment en matière de sécurité », poursuit le même. Les groupes armés prospèrent sur ce chaos en essayant de se substituer à l’absence de services étatiques de ces pays, parmi les plus pauvres de la planète. De leur côté, les partenaires européens ne participent que très modérément à cet effort de lutte antiterroriste. Les moyens engagés sont-ils suffisants ? « Abandonner ces pays à leur sort représenterait un risque pour nos intérêts, et cela favoriserait l’expansion du djihadisme », souffle un diplomate. Mais comme on dit en bambara, on ne pile pas le mil avec une banane molle.
*Antoine Glaser avec Thomas Hofnung, « Nos chers espions », éditions Fayard
Source: leparisien