La persistance des atteintes à la sécurité dans le Centre et le Nord du pays, notamment pendant l’élection présidentielle, montre combien de fois la crise sécuritaire reste profonde dans la notre pays. Déjà fragile, le tissu social se détériore sous l’effet des conflits interethniques aggravés par l’activité des groupes extrémistes violents. Ce qui est extrêmement préoccupant. La spirale de violences, qui se poursuit à l’heure actuelle dans les Régions du Centre et du Nord du pays, a fait trop de victimes. Ce sont, entre autres, les tristes réalités exposées par Antonio Guterres dans son Rapport trimestriel sur la situation sécuritaire et humanitaire au Mali, rendu public, le 25 septembre dernier.
Inimaginables sont les faits étalés dans ce Rapport faisant état de la situation sécuritaire et humanitaire au Mali pendant ces trois derniers mois. Depuis le janvier 2018, au total, il y a eu 58 cas d’attaques terroristes, 42 explosions, 287 morts et plus de 5000 déplacés enregistrés. Soit 21 contre les Forces de défense et de sécurité maliennes ; 16 contre la MINUSMA et 1 contre un organisme des Nations Unies ; 17 contre des Groupes armés signataires ; 1 contre l’opération Barkhane ; 1 contre la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel ; 1 contre un convoi commun à la Force conjointe, aux Forces de défense et de sécurité maliennes, au Groupe d’autodéfense des Touaregs Imgad et leurs alliés et au Mouvement pour le salut de l’Azawad. Les attaques les plus nombreuses ont eu lieu à Mopti (16) et à Gao (15), puis 10 à Kidal, 10 autres à Tombouctou, 5 à Ménaka et 2 à Ségou. Aux dires du Secrétaire Général de l’ONU, les Forces de défense et de sécurité maliennes ont été la cible privilégiée de ces attaques: « Elles ont été touchées principalement à Mopti (13 attaques), mais aussi à Gao (4), Ségou (2) et Tombouctou (2) », a-t-il précisé.
Au chapitre de la protection des populations civiles, le Secrétaire Général a expliqué que les conditions de sécurité ont continué de se dégrader considérablement à cause, principalement, des attaques ciblées et des affrontements intercommunautaires opposant des groupes d’autodéfense et des groupes extrémistes violents. «Au cours de la période considérée, le bilan, de 287 morts parmi la population civile, dont 14 femmes et 10 enfants, 38 blessés et 67 personnes enlevées, est le plus élevé qui ait été enregistré depuis le déploiement de la MINUSMA. Plusieurs communes rurales situées dans les cercles de Djenné et de Koro ont été prises dans une spirale de violences et de représailles ayant conduit à des massacres et au déplacement de plus de 5000 civils », rajouta-t-il.
Dan Nan Amanssagou et Dogon Ambassagou sont cités comme les auteurs
La pullulation des groupes d’autodéfense demeure un des germes instigateurs des violences intercommunautaires qui se sont vues généralisées dans les Régions du Centre ces derniers temps. «Les auteurs des violences récentes sont principalement des groupes d’autodéfense autoproclamés, à savoir Dan Nan Ambassagou et Dogon Ambassagou, tous deux, affiliés aux chasseurs traditionnels « Donzo » qui prétendent protéger la communauté dogon. Également, l’Alliance pour le salut du Sahel déclare agir en soutien à la communauté Peulh. Certaines attaques, les plus meurtrières ont eu lieu le 23 juin, lors d’un accrochage qui a opposé des groupes d’autodéfense dans le Cercle de Djenné qui a fait 24 morts, tous des civils dont 5 enfants, ainsi que le 1er juillet, dans le village de Bombou (Cercle de Koro) où 16 personnes ont été tuées; 5 femmes et un jeune garçon qui en est suivi un large déplacement de populations. Le 8 juillet, 14 corps de membres présumés de la communauté peule ont été retrouvés dans un puits du village de Tagari (Cercle de Koro). Le même jour, des membres de l’Alliance pour le salut du Sahel auraient attaqué des Dogon à Dioungani (Cercle de Koro), tuant quatre civils. Le 25 juillet, 17 civils peulhs ont été tués dans le village de Somena (Cercle de Djenné). Au cours de la période considérée, 21 civils ont été tués et 21 autres blessés dans dix attaques perpétrées à l’aide d’engins explosifs artisanaux, 3 dans la Région de Kidal, 5 dans la Région de Mopti, 1 dans la Région de Tombouctou et 1 dans la Région de Ségou. Il s’agit pour tous ces incidents, de véhicules de particuliers détruits par l’explosion d’engins artisanaux », précise-t-on dans le Rapport.
De graves violations de droits de l’Homme
Selon le Rapport trimestriel de l’ONU rendu public le 25 septembre dernier, la situation des Droits de l’Homme est toujours très préoccupante au Mali. Pendant ces trois derniers mois, environ 129 cas de violence et de violation des Droits de l’Homme faisant 518 victimes dont 68 femmes et 32 enfants, contre 344 cas et 475 victimes au cours de la période précédente ont été constatés. 54 cas d’exécutions extrajudiciaires et arbitraires ; 15 cas d’enlèvements ou de disparitions forcées ; 18 cas de tortures ou de mauvais traitements et 8 cas de détentions illégales. Les Forces de défense et de sécurité maliennes ont été impliquées dans 18 cas de violations, dont 4 exécutions extrajudiciaires. Le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans et d’autres Groupes similaires ont porté la responsabilité de 47 cas d’atteinte aux Droits de la personne ; les Groupes locaux d’autodéfense, de 49 cas, et les Groupes signataires, non signataires ou dissidents, de 15 cas. Au total, 64% des cas de violences et des violations des Droits fondamentaux de l’Homme ont été commis dans les Régions de Mopti et de Ségou ; 13%, dans la Région de Tombouctou ; 7%, à Bamako ; 6%, dans la Région de Gao ; 5%, dans la Région de Kidal et 4%, dans la Région de Ménaka», a déploré le Secrétaire Général avant d’ajouter que la MINUSMA a enquêté sur d’autres graves cas d’accusations de violations des Droits de l’Homme et du Droit international humanitaire dont l’exécution sommaire de 25 civils du village de Nantaka (Région de Mopti), le 13 juin.
Aussi, selon les détails donnés par le Patron de l’ONU, les Groupes extrémistes violents ont été responsables de l’exécution arbitraire d’au moins 32 autres civils dans les Régions de Gao, Ménaka et Tombouctou. L’État islamique du Grand Sahara a continué de s’en prendre aux populations civiles dans les Régions de Gao et de Ménaka, à la frontalière du Mali avec le Niger, où il aurait tué au moins 22 civils.
Le Groupe d’autodéfense des Touaregs Imgad et leurs alliés et le Mouvement pour le Salut de l’Azawad ont été impliqués dans l’exécution arbitraire d’au moins cinq civils dans ces mêmes Régions de Gao, de Ménaka et de Tombouctou.
Seydou Konaté
LE COMBAT