Que ce soit au Mali, en Centrafrique ou en République démocratique du Congo, la mission de l’ONU est quasiment vomie par dirigeants et populations. Le temps n’est-il donc pas venu de repenser ces missions ?
Face aux dizaines de Casques bleus tués dans des attaques au Mali ou enlevés sur le plateau du Golan, l’ONU a recruté un prix Nobel pour revoir le concept de ses opérations de maintien de la paix. Ceci, surtout dans le contexte actuel de protestations populaires dénonçant l’inefficacité de ces forces onusiennes.
C’est ainsi qu’au Mali (MINUSMA), en République centrafricaine (MINUSCA) et en République démocratique du Congo (MONUSCO), c’est le branle-bas contre les dépositaires de la marque « UN ». Ils sont envoyés dans ces pays en proie à des violences terroristes ou extrémistes de tous genres, mais nos « hommes unis » (dépêchés par les nations Unies, à coup de milliards issus de nos contributions et des donations!) ne voient que du feu ou de l’air ! tant, l’on se demande s’ils ne sont venus en touristes ou en villégiatures avec quelques appuis humanitaires aux populations locales.
Rarement les Casques bleus onusiens ont été autant la cible d’attaques, alors que le monde est embourbé dans un nombre record de crises. Face à cette situation, le précédent Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon avait fait appel au prix Nobel de la paix d’alors, José Ramos-Horta pour prendre la tête d’un groupe d’experts chargé de repenser, pour la première fois en 15 ans, les opérations de maintien de la paix.
Cet ancien président du Timor oriental s’était mis au travail et avait produit des documents sur la réadaptation du dispositif. Avec son groupe d’experts, il avait tenté de définir les moyens d’améliorer ces opérations à travers la planète et d’obtenir des donateurs –de soldats et d’argent– qu’ils renforcent encore davantage leur soutien. « La situation des opérations de maintien de la paix dans son ensemble a énormément changé, pour le pire sous certains aspects », expliquait à l’AFP José Ramos-Horta depuis le siège des Nations unies à New York. Ces nécessaires réadaptations sont dues à la problématique même du maintien de la paix. Comment peut envisager une intervention pour maintenir la paix qui n’existe pas ? Par exemple, au Mali, en RCA et RDC, la paix est un mirage sur une bonne partie de ces territoires. La force onusienne à y envoyer doit être celle prête à aller au combat contre les forces obscurantistes qui menacent cette paix.
En effet, dans les conflits qui rongent le monde, « le nombre de groupes armés voyous explose, les institutions étatiques s’effondrent et pendant ce temps les Etats membres pressent l’ONU de réduire les coûts des missions », regrettait José Ramos-Horta « Les Nations unies sont devenues le bouc émissaire de l’incapacité collective de la communauté internationale à anticiper les nouveaux défis complexes qui n’étaient pas là il y a 15 ans », disait-il.
Pour la première fois en leurs 66 ans d’histoire, en ce moment, les opérations de maintien de la paix de l’ONU ont vu leur budget grimper à plus de huit milliards de dollars, tandis que le nombre de soldats servant sous la bannière des Nations unies avait atteint un record de 130.000 hommes — contre 20.000 il y a 15 ans. Sur les 16 missions alors, huit étaient en Afrique, dont la plus grosse en République démocratique du Congo (RDC), forte de 20.000 hommes.
José Ramos-Horta indiquait que le groupe d’experts devrait essayer de convaincre des puissances émergentes –comme la Chine, le Brésil, l’Inde, la Turquie ou l’Egypte– d’apporter une plus grande contribution, que ce soit en termes financiers, logistiques ou d’apport de soldats. Il faut donc, analysaient plusieurs observateurs, donner « plus de muscles » aux missions de maintien de la paix, afin qu’elles se battent d’abord pour assurer la paix avant de déployer des efforts pour la maintenir.
Pas de substitut aux missions
Les 15 membres du panel examinaient également le déséquilibre entre les pays riches qui financent les opérations de maintien de la paix –Etats-Unis, Japon, France– et ceux, plus pauvres, qui contribuent en effectifs tels que le Bangladesh, le Pakistan et l’Inde et des pays africains. « Il faut comprendre la fatigue, le fardeau reposant sur les épaules des donateurs traditionnels », souligne le prix Nobel de la Paix, qui espérait « ranimer le soutien pour l’ONU ».
Cette année-là, les Philippines avaient retiré leur contingent stationné sur le plateau du Golan dans le cadre de la Force de surveillance du cessez-le-feu (Fnuod), à la suite d’affrontements avec des rebelles syriens et de la prise en otages de Casques bleus fidjiens.
Dans le nord du Mali, une série d’attaques violentes avaient fait 31 morts parmi les Casques bleus, depuis que la mission a été déployée en juillet 2013.
Les Casques bleus étaient déjà passés d’un rôle de surveillance des lignes de cessez-le-feu à celui de « guerriers-gardiens de la paix », qui inquiète certains pays contributeurs en hommes. Or, il est nécessaire que l’ONU soit plus audacieuse sur ce terrain ou elle risque de perdre sa crédibilité. Le groupe d’experts prévoyait ainsi de se rendre dans ces pays pour écouter leurs revendications ainsi qu’au quartier général de l’Otan à Bruxelles pour tenter de convaincre l’Alliance d’aider à renforcer les opérations de l’ONU.
Les membres du panel discutèrent également avec l’Union africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour voir comment les pays africains, dont beaucoup de soldats sont faiblement entraînés ou accusés de violations des droits de l’homme, peuvent prendre part à cette révision. Elle devrait être présentée à l’Assemblée générale de l’ONU lors de son grand rendez-vous en septembre et au Conseil de sécurité.
Selon José Ramos-Horta, « il n’existe pas de substitut aux missions de maintien de la paix (…) personne n’a encore proposé de meilleur concept », mais les populations deviennent de plus en plus hostiles à ces forces considérées, à tort ou à raison, comme des « forces d’occupation » ou des « forces impérialistes ». Si leur présence finit par être tolérée, il est plus qu’impératif qu’elles se joignent vigoureusement aux forces armées hôtes pour « faire la guerre ».
C’est pourquoi au Mali, les sollicitations répétitives pour « un mandat plus robuste de la MINUSMA » n’ayant pas eu l’adhésion de New York, les casques bleus ont fini par être déclarées persona non grata ! « Si l’ONU ne peut pas nous aider à combattre les terroristes, qu’elle quitte notre pays », rouspètent de nombreux Maliens, dont les premiers dirigeants du pays. Et cette prise de position est de mise ailleurs sur le continent et sous d’autres cieux. Aux dirigeants de revoir de fond en comble la stratégie globale de coopération internationale et particulièrement celle de l’interventionnisme onusien.
Bruno D SEGBEDJI
Mali Horizon