Au Mali si une maladie connaît une recrudescence fulgurante, faisant de nombreuses victimes en silence, c’est bien le cancer. Il s’agit d’une maladie occasionnée par la transformation des cellules qui deviennent anormales tout en se démultipliant de façon exponentielle. Ces cellules déréglées finissent parfois par former une masse qu’on appelle tumeur maligne.
Dans notre pays, tous les spécialistes du domaine de la santé s’accordent à reconnaître l’expansion inquiétante de cette grave et dangereuse maladie. La preuve, selon le registre national, en 2020, sur 100 patients consultés 40 avaient le cancer. À en croire également l’étude statistique de l’agence internationale de recherche sur le cancer il existe plus de 13.000 nouveaux cas de cancer au Mali actuellement.
Lors de la commémoration de la journée mondiale de lutte contre les cancers, tenue le 4 février 2018 m, l’ex ministre de la santé, Samba Sow, sonnait le tocsin en affirmant que les femmes étaient les plus touchées notamment par le cancer du col de l’utérus suivi de ceux du sein, de l’estomac, du foie et du côlon rectum – tandis que chez les hommes il existe une prédominance du cancer du foie, de l’estomac, de la prostate, de la vessie du côlon et du rectum.
Ce constat amer nous amène à une interrogation fondamentale : pourquoi le développement brusque et inopiné de cette maladie ? Si on s’en tient à l’analyse des oncologues, qui sont les spécialistes en étude des tumeurs cancéreuses, les facteurs de risque et causes favorisant l’accroissement du cancer sont surtout inhérents à nos comportements : le tabagisme, la consommation excessive d’alcool et d’autres drogues, le stress, l’alimentation déséquilibrée, le surpoids et l’obésité, etc.
Les causes peuvent également être génétiques, mais à l’évidence les facteurs ci-dessus énumérés touchent au moins 70% de la population malienne.
Pour endiguer ce mal bourgeonnant, les hautes autorités maliennes ont agi par l’adoption d’une palette de mesures dont la subvention ou la gratuité de certains médicaments anticancéreux et des séances curatives (chimiothérapie et de radiothérapie), même si la biopsie (prélèvement en vue d’examen), les consultations, le scanner (l’imagerie) ainsi que les bilans entre chaque chimiothérapie demeurent payants. Ces facilités sont toutefois nuancées par beaucoup de tares parmi lesquelles les insuffisances de stocks qui interrompent souvent les cures contraignantes des patients à la prise en charge des produits très coûteux.
Sur un autre plan, le cancer étant considéré comme une maladie du blanc ou du riche, sa méconnaissance par le grand public malien pose des difficultés liées aux diagnostics tardifs qui explique son taux de mortalité élevé. Un patient sexagénaire, qui dit avoir sillonné cliniques et hôpitaux sans connaître la raison de son mal, confié que son échographie avait montré une anomalie au niveau du colon et l’interprétation des docteurs voltigeait entre inflammation intestinale, gaz intestinal, problème d’appendice etc. Il a donc fallu un scanner à 100.000 FCFA et une biopsie pour découvrir qu’il s’agissait d’un début de cancer du côlon. Financièrement nanti, il a pu aisé a pu ainsi s’offrir une prise en charge adéquate dont une intervention chirurgicale et une chimiothérapie de 7 mois pour 3.000.000 FCFA. Cette autre dame qui habite à Diatoula n’a pas eu la même chance de s’en remettre. Souffrant d’un cancer de sein, elle n’avait aucun soutien pour lui assurer les frais de son traitement : 3 mois de chimiothérapie pour réduire la taille de la tumeur cancéreuse, une intervention chirurgicale puis une autre chimiothérapie d’au moins 8 mois. Désemparée, elle finit par tirer sa révérence à 46 ans après une médecine traditionnelle infructueuse. Des cas similaires continuent de faire légion au Mali, quoique les guérisseurs traditionnels n’aient jamais réussi à stopper la progression de cette maladie qui ronge ses victimes à petit feu. L’implication de tous (Etat, professionnels de la santé, citoyen lambda) est vivement souhaitée : d’abord pour sensibiliser à travers les campagnes d’informations et de démystification du cancer comme une fatalité mortelle. Il faudra également un cadre approprié dédié à ce problème sanitaire plus que nocif et surtout l’établissement convenable et effectif d’une subvention conséquente pour les traitements loin d’être à la portée d’une majeure partie de la population.
Ousmane Tiemoko Diakité
Source : Le Témoin