Une cinquantaine de journalistes était à l’école de l’OCLEI. C’était au cours d’une journée d’information et de sensibilisation, le 7 juillet dernier, à Maeva Palace, dans le cadre de la célébration de la journée internationale de lutte contre la corruption. L’ouverture de la cérémonie a été présidée par le président de l’OCLEI, Dr Moumouni Guindo, en présence de la représentante de la Maison de la Presse, Madame Dado Camara et une cinquantaine de Directeurs de publications, des rédacteurs en chefs et chefs de desks.
La corruption est l’un des plus grands tabous et souvent l’un des sujets les plus dangereux auxquels un journaliste puisse s’attaquer. Dans certains pays, l’alerte et le suivi assidu de la presse ont contraint les autorités à faire des réformes institutionnelles et législatives majeures pour renforcer les dispositifs anti-corruption de leur pays.
Toutefois, au Mali, regrette le patron de l’OCLEI, Moumouni Guindo, l’apport des journalistes dans la lutte contre la corruption est jugé plutôt en-deçà des attentes par de nombreux observateurs. Cette insuffisance s’explique selon lui, par la faiblesse de la collaboration entre les médias et les structures chargées de lutter contre la corruption mais aussi par le déficit de formation des hommes et femmes de média sur les concepts de la corruption et l’enrichissement illicite.
C’est conscient de ce rôle des médias, que l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI) a, dans le cadre de la célébration du 11 juillet, journée africaine de lutte contre la corruption, initié un cadre d’échanges avec les journalistes de la presse nationale, toutes catégories confondues. L’initiative mise en œuvre en collaboration avec les organisations faitières des médias (ASSEP, UNAJOM, APPEL-Mali, UJRM, URTEL et AFPM) a été l’occasion pour la cinquantaine de journalistes d’échanger avec les membres du conseil de l’OCLEI dans les moindres détails sur l’enrichissement illicite, la corruption, ses effets sur le développement, les mesures de préventions et les mécanismes de dénonciations etc.
La rencontre a été marquée par trois exposés à savoir le cadre juridique international et national de lutte contre la corruption ; la mission de prévention et de sensibilisation de l’OCLEI et enfin la présentation du pôle enquête de l’OCLEI.
S’agissant du cadre juridique international et national de lutte contre la corruption, Dr Adama Coulibaly (magistrat), chef du service juridique de l’OCLEI, a indiqué que dans le préambule du code de transparence dans la gestion des finances publiques du Mali, l’argent public est au cœur de l’Etat et de la démocratie.
Les institutions de l’Etat gardiennes du dénier public, ont chacune leurs missions et responsabilités dans sa préservation et son usage dans l’intérêt général. Selon lui, le fléau de l’enrichissement illicite a d’abord été criminalisé en 1964 par l’Argentine3 et l’Inde4. Depuis, des dispositions similaires ont été mises en oeuvre à Brunei, en Colombie, en Equateur, en Egypte, en République Dominicaine, au Pakistan et au Sénégal pour criminaliser l’enrichissement illicite.
Il a ensuite rappelé les conventions signées par le Mali à savoir : la convention des nations unies contre la corruption du 9 décembre 2003 ; la convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption signé le 11 juillet 2003, le Protocole de la CEDEAO sur la lutte contre la corruption signé le 21 décembre 2001, la Directive n°01/2009/CM/Uemoa portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’Uemoa adoptée en mars 2009. A en croire le Dr Adama Coulibaly, ces instruments juridiques promeuvent la prévention et la répression de la corruption et des autres formes de la délinquances économique et financière.
« En conformité avec ses engagements internationaux, le Mali a adopté la loi n°2013-031 du 23 juillet 2013 portant code de transparence dans la gestion des finances publiques, la loi n°2014-015 du 27 mai 2014, portant prévention et répression de l’enrichissement illicite, l’ordonnance n°2015-032/P-RM du 23 septembre 2015 portant création de l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI) ainsi que le decret n°2015-0606/P-RM du 5 octobre 2015 fixant les modalités d’application de la loi n°2014-015 du 27 mai 2014 et le décret n°2015-0719/P-RM du 9 novembre 2015 portant organisation et modalités de fonctionnement de l’OCLEI.
Pour le chef du service juridique, l’adoption de ces testes montre la volonté du Mali à lutter contre les infractions économiques et financières de manière générale et spécifiquement contre l’enrichissement illicite.
Ainsi, l’article 2 de la loi n°2014-015 du 27 mai 2014 définit l’enrichissement illicite comme étant «…soit l’augmentation substantielle du patrimoine de toute personne, visée à l’article 3 ci-après que celui-ci ne peut justifier par rapport à ses revenues légitimes, soit un train de vie menée par cette personne sans rapports avec ses revenus légitimes ».
Il a aussi énuméré les services de contrôle que sont : les pôles économiques et financiers, le contrôle général des services publics, le bureau du vérificateur général, la cellule nationale de traitement des informations financières et les inspections des départements ministériels. Toutefois, précise-t-il, les poursuites judiciaires sont de la compétence exclusive des pôles économiques et financiers conformément aux dispositions du code de procédure pénale. Aux termes de l’article 8 de la loi de 2014, la Cour Suprême, par l’organe de son Président assisté par la section des comptes, veille à la mise en œuvre de l’obligation de déclaration des biens.
Il a aussi rappelé que l’enrichissement illicite qui était un crime dans la loi de 1982 a été institué en tant que délit depuis 2014.
Il a également entretenu les journalistes sur l’article 3 et l’article 9 de la Loi de 2014 qui, respectivement pose un encadrement général des personnes susceptibles d’être poursuivies pour enrichissement illicite (art3) et donne une liste de personnes assujetties à la déclaration des biens (art9).
Le second volet de la présentation du cadre juridique a porté sur les enquêtes administratives.
Aux termes de l’article 20 du décret n°2015-0719/P-RM du 9 novembre 2015 portant organisation et modalité de fonctionnement de l’OCLEI, en cas de doute sur l’authenticité d’une déclaration de biens en l’absence de tout compléments d’information fourni par le responsable concerné, peut faire recours aux organes compétents de l’Etat ou à toute structure du secteur privé, dans le but de déterminer la situation patrimoniale réelle de l’intéressé.
L’article 21 dispose que l’OCLEI se saisit d’office de tout fait d’enrichissement illicite dont il a connaissance. Il peut en outre être saisit par toute personnes physique ou morale.
Pour éclairer la lanterne des journalistes, il est longuement, au cours des débats, revenu sur les aspects procéduraux de la lutte contre l’enrichissement illicite à travers les actes posés par l’OCLEI.
Les Missions de prévention de l’enrichissement illicite ont été présentées par le commissaire divisionnaire Badji Coulibaly, membre du conseil de l’OCLEI. Se fondant sur l’adage qui dit que « Prévenir vaut mieux que guérir », l’OCLEI a réalisé plusieurs activités d’information et de sensibilisation des citoyens dans différents domaines. Il ressort de son exposé que les déclarations de biens de 2018 à 2020 vont crescendo. De plus de 600 en 2018, elles ont chuté à un peu plus de 200 en 2020.
Quant au pôle Investigation de l’OCLEI, ses missions ont été déroulées par Dribril Kane (magistrat), membre du conseil de l’OCLEI. Selon lui, le Pôle Investigation met spécifiquement en œuvre la mission de contribution à la répression. Il mène des actions ciblant toute personne agissant au nom ou pour le compte de la puissance publique et/ou avec les moyens ou les ressources de celle-ci. Il a expliqué les modes de saisine pour les investigations. Il s’agit : Exploitation des déclarations de biens; Saisine par plainte/dénonciation; Pouvoir d’auto-saisine; Exploitation des rapports des structures de contrôle. M. Kane a aussi entretenu les journalistes sur les préalables des enquêtes, l’équipe d’investigation et le mode opératoire de celle-ci.
Les débats suscités par ces présentations ont permis aux hommes de médias de se familiariser avec les missions, la compétence et les actions de l’OCLEI dans le cadre de la lutte contre l’enrichissement illicite.
Comme difficultés, M. Kane a évoqué le difficile accès à l’information, la mauvaise organisation des services, la non informatisation des éléments, la mauvaise foi etc.
A la fin des travaux, le président de l’UNAJOM, Fakara Faïnké, a, au nom des participants félicité et remercié l’OCLEI pour l’organisation de cette rencontre. Il a invité le conseil de l’OCLEI a davantage eouvrer pour une collaboration étroite avec la presse pour lutter efficacement contre la corruption.
Il faut ajouter que durant ces trois dernières années, 60 dossiers ont été ouverts par l’OCLEI à la suite des coupures de presse.
Source: L’Investigateur