Par sa résolution 2584 (2021), le Conseil de Sécurité a demandé au Secrétaire général de lui présenter un rapport tous les trois mois sur l’évolution de la situation au Mali.
Le rapport du Secrétaire général qui couvre la période du 30 mars 2022 au 31 mai 2022, appelle de la part du Gouvernement du Mali les observations suivantes :
1. Sur la situation sociopolitique au Mali :
Les principaux faits nouveaux mentionnés dans le rapport au plan politique font état de la poursuite des efforts pour parvenir à un accord avec la CEDEAO, y compris le recours des autorités maliennes au Togo pour faciliter le dialogue avec cette organisation. Par ailleurs, le rapport fait état de l’absence de progrès tangibles dans la mise en œuvre des réformes politique et institutionnelle.
Sur ce point, le Gouvernement du Mali tient à souligner que par décret en date du 07 juin 2022, le Président de la Transition, Chef de l’Etat a fixé la durée de la Transition à 24 mois à partir du 26 mars 2022. A Ceci, il faut ajouter la prise d’un autre décret en date du 10 juin portant création, organisation et fonctionnement de la Commission de rédaction de l’avant-projet de constitution, toutes choses qui dénotent de la volonté des plus hautes autorités d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Parallèlement, les négociations continuent avec la CEDEAO, afin de parvenir à la mise en place d’un mécanisme de suivi. De ce fait, le Gouvernement du Mali, qui reste ouvert au dialogue, fonde l’espoir d’une levée très prochaine des sanctions contre le pays.
2. Sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger :
Le Secrétaire général indique que malgré l’insécurité croissante et l’absence de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord, les parties signataires continuent de respecter le cessez-le-feu et se sont engagées à renforcer la confiance mutuelle et à redynamiser les travaux du cadre de concertation inter malien.
Parlant du recrutement spécial dans l’armée, le rapport indique que les Mouvements signataires ont dénoncé l’enrôlement de 2000 nouveaux éléments devant être déployés dans les régions du nord. Dans le même domaine, les consultations continuent pour l’achèvement de l’intégration des 1235 ex-combattants restants, sur un total de 3000, dans le cadre du Programme accéléré du DDR
En ce qui concerne la présence des représentants de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, le Secrétaire général note que cette présence est de 15% dont 10% dans les régions du nord contre 12% au cours de la précédente période.
Sur l’opérationnalisation de la zone de développement du nord, le rapport signale que la mise en œuvre des 16 projets validés dans le cadre du Fonds de développement durable, demeure toujours en attente.
Concernant l’Accord pour la Paix et la réconciliation, le Gouvernement du Mali tient à préciser qu’il reste pleinement engagé dans sa mise en œuvre diligente et intelligente. A cet égard, il rappelle que de sa signature à nos jours, la mise en œuvre de l’APR a connu des avancées notoires, notamment sur le plan politique, sécuritaire, de développement et de justice et réconciliation.
Le Gouvernement du Mali est surpris que le rapport relève que les Mouvements signataires aient dénoncé l’enrôlement de 2000 nouveaux éléments devant être déployés dans les régions du nord dans le cadre du recrutement spécial, Il n’a reçu aucune plainte, d’un quelconque groupe dans ce sens.
En tout état de cause, il voudrait rassurer que le recrutement spécial initié par l’État-major général vise les éléments des groupes d’auto-défense ainsi que la récupération des armes. L’objectif final est la réduction de la violence dans leurs localités de stationnement.
En aucune manière, ce recrutement ne saurait interférer avec le processus DDR qui concerne les combattants des mouvements signataires de l’Accord, déjà enregistrés dans la base de données de la Commission nationale DDR.
Sur la baisse de la présence des Représentants de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, Le Gouvernement tient à souligner que la situation est plus positive que celle évoquée dans le rapport. Ainsi, tous les Gouverneurs des régions et les membres de leur Cabinet sont sur place.
Concernant les préfets et Adjoints sur 190 postes seulement 3 sont vacants, et sur 330 postes de sous préfets 103 sont actuellement vacants.
Par rapport au retard dans l’opérationnalisation des nouvelles circonscriptions, le Gouvernement informe que le travail technique est achevé depuis fin 2021, et que le processus d’approbation par le Gouvernement est assez avancé.
Dans le cadre de l’opérationnalisation de la zone de développement du Nord, le Gouvernement précise que les 16 projets approuvés ont bien démarré et se trouvent actuellement à la phase de passation de marchés.
L’inclusivité dans les instances de l’Accord a toujours été une préoccupation du Gouvernement. C’est pourquoi, il a accepté l’inclusion d’un nombre de 24 femmes dont 15 au Comité de Suivi de l’Accord (CSA) et 12 dans les Sous-Comités du CSA. Toutefois, pour assurer une participation pérenne de ces femmes, il y a lieu de trouver le relais du Fonds fiduciaire de la Norvège qui pour servant à prendre en charge les 12 femmes initiales et expire très prochainement. Et aucune inscription n’est pas prévue sur le budget national pour la circonstance.
Faut-il le rappeler que contrairement au rapport avancé du Secrétaire général de l’ONU sur la situation au Mali, la mise en place d’un Observateur indépendant des femmes n’est ni prévu par l’Accord, et ni volonté partagé par le Gouvernement.
Enfin, en vue de relancer la mise en œuvre de l’Accord avec les Mouvements signataires, le Gouvernement compte réanimer très prochainement la tenue régulière des sessions du Cadre de Concertation Inter malien. Aussi, une Réunion de Niveau Décisionnel (RND) est envisagée courant juin 2022 avec les Mouvements signataires afin de parvenir à un consensus sur certaines questions de blocage notamment celles de défense et de sécurité.
2. Sur la situation sécuritaire au Mali et le renouvellement pour un an supplémentaire du mandat de la MINUSMA :
le Secrétaire général a rappelé que la MINUSMA continue à fournir un soutien intégré au Secrétaire permanent du Cadre politique de gestion de la crise au Centre. Toutefois, il demeure préoccupé par l’intensification des opérations militaires et des présumés violations des droits humains notamment à Moura où l’Armée malienne lors d’une opération a annoncé la mort de 203 terroristes.
Les principaux faits nouveaux sur le plan sécuritaire se rapportent à la détérioration et la complexité du climat sécuritaire particulièrement dans la zone tri-frontalière Liptako-Gourma affectant les régions de Ménaka et de Gao. Il est fait mention des relations intercommunautaires qui se sont également détériorées. Cela a déclenché le déplacement d’environ 32 000 personnes assistées par les acteurs humanitaires. La MINUSMA continue d’opérer dans un environnement de menaces asymétriques de plus en plus dangereux, douze (12) casques bleus de la MINUSMA ont été tués et 73 blessés, par rapport à 7 tués et 87 blessés au cours de la période du mandat précédent.
Le rapport anticipe sur les effets négatifs du retrait des forces internationales dont Barkhane. Il s’agit du vide créé dans certaines zones mais aussi la fermeture des voies d’approvisionnement. Il explique que la MINUSMA a besoin de Barkhane pour les vols de réassurance et le Mali devrait accorder des droits spécifiques de survol de son territoire. La découverte du charnier de Gossi est mentionnée sans aucun commentaire particulier dans le rapport.
Concernant l’Etat de Droit, le rapport souligne la nécessité de renforcer les capacités des forces de sécurité maliennes, pour mieux lutter contre l’impunité et promouvoir le respect des droits de l’homme.
Sur la situation sécuritaire, le Gouvernement indique qu’avec la montée en puissance des forces armées maliennes (FAMa), des résultats probants ont été enregistrés sur le terrain notamment : la neutralisation d’importants membres de Katibats terroristes, la récupération des matériels, la libération des localités du joug des terroristes, la destruction des sanctuaires terroristes et le retour de populations déplacées.
Sur la dégradation de la situation sécuritaire dans la région de Ménaka, dont fait cas le rapport, il convient de signaler que ces actions, dues à l’infiltration de l’EIGS, sont circonscrites dans la zone des trois frontières.
Quant à l’impact du retrait des forces internationales, le Gouvernement tient à rassurer qu’avec leur montée en puissance, les forces armées maliennes sont à mesure de prendre en compte les changements de la situation sécuritaire. Les dispositions sont prises afin qu’il ne se crée un vide sécuritaire à la suite du départ des forces françaises et de la Task- force Takuba. Le gouvernement du Mali est conscient que la sécurité de la Mission est de la responsabilité du pays hôte, qui mettra tout en œuvre pour assumer cette responsabilité. Afin de faciliter cette phase transitoire, nous invitons la MINUSMA à achever son plan d’adaptation en collaboration avec le Mali.
En ce qui Concerne le renouvellement pour un an supplémentaire du mandat de la MINUSMA, il est à préciser que le Gouvernement du Mali attend de ladite Mission la nécessité de mettre l’accent sur la protection des populations civiles et d’aider véritablement au rétablissement de l’autorité de l’Etat du Mali sur l’ensemble de son territoire.
De même, dans le cadre du renouvellement sus-évoqué du mandat de la MINUSMA, le Gouvernement du Mali exprime son opposition ferme à l’intervention sur son territoire de la force française Barkhane, après l’annonce unilatérale du retrait de ladite force et la dénonciation par le Mali des Accords de défense avec la France. Nous en appelons au respect de la souveraineté du Mali et des décisions prises par les autorités maliennes à cet égard.
Ensuite, le Gouvernement du Mali reste demandeur d’une meilleure coordination des actions de la MINUSMA avec les siennes, de manière à assurer une pleine efficacité dans l’accomplissement de son futur mandat. Le Gouvernement du Mali souligne également la nécessité pour la MINUSMA de travailler étroitement et véritablement avec les autorités et les parties prenantes maliennes pour aider le Mali à protéger ses populations civiles et à restaurer son autorité sur l’ensemble de son territoire.
Sur les allégations de restrictions imposées à la MINUSMA, il est à préciser que les mesures prises font suite à une série d’évènements préjudiciables à la sécurité nationale du Mali. Nous avons constaté des violations répétées de notre espace aérien, y compris la surveillance de nos camps et de nos opérations militaires. Le Gouvernement du Mali s’est ainsi vu obligé de procéder à la redéfinition du protocole sécuritaire du trafic aérien et leur objectif n’est pas d’imposer des restrictions à la MINUSMA avec laquelle le dialogue se poursuit et dont les demandes sont traitées avec attention et bienveillance.
Le Gouvernement du Mali est conscient des difficultés dans lesquelles évolue la MINUSMA, de l’insuffisance des ressources mises à sa disposition et appelle le Conseil à lui fournir les moyens adéquats pour la mise en œuvre pleine et entière de son mandat.
Sur la dimension régionale et la question du retrait du Mali du G5 Sahel, y compris la Force conjointe, il y’a lieu de rappeler le retrait du Mali du G5 sahel, y compris de sa force conjointe. Il s’agit là d’une décision souveraine du Mali en réponse aux violations des traités fondateurs de l’organisation, à la politique de deux poids deux mesures et aux ingérences extérieures hostiles à l’égard d’un Etat membre fondateur. Le retrait du Mali a été formellement notifié aux instances du G5 Sahel. Le Conseil de Sécurité est invité à prendre acte de cette décision et en tirer toutes les conséquences dans la mise en œuvre du mandat de la MINUSMA. De ce fait, le G5 Sahel n’a plus vocation à intervenir au Mali, et aucun appui à cette organisation ne doit être mené à partir du territoire malien.
Cependant, le Gouvernement de la République du Mali reste fidèle à son attachement à l’intégration et à la coopération régionale pour la réalisation d’objectifs qui servent les intérêts des peuples africains, et le Mali va poursuivre sa coopération bilatérale avec les pays de la région.
3. Sur la situation des droits de l’homme et la situation humanitaire :
Le rapport souligne une augmentation significative des violations et des abus des droits humains dont des violations graves à l’encontre des enfants. A cela s’ajoute l’accroissement de la censure croissante des médias et les tentatives de suppression de la liberté d’expression. Le rapport fait état de 1731 écoles fermées en raison de l’insécurité (touchant 519 300 enfants et 10 032 enseignants) dans les régions de Mopti (43 %) et de Ménaka (39 %).
Le rapport décrit une situation humanitaire alarmante avec pour prévision 7,5 millions de personnes qui auront besoin d’une assistance humanitaire ; plus de 960 000 enfants de moins de cinq ans sont exposés à un risque de malnutrition aiguë.
Sur les allégations de violations graves des Droits de l’Homme, faites par la MINUSMA, notamment les exécutions sommaires ou arbitraires, les disparitions forcées, les enlèvements, les détentions illégales, voire d’autres abus contre les enfants, lesquels seraient imputables aux Forces de Défense Maliennes, le Gouvernement déplore que le rapport n’indique aucune preuve ou tout au moins des indices concordants pouvant fonder cette imputabilité et orienter les enquêtes dans ces cas.
Le Gouvernement tient à préciser que les allégations d’exactions rapportées contre les forces armées maliennes (FAMa) par la Division des Droits de l’Homme et de la Protection de la MINUSMA (DDHP) sont surévaluées et ne reflètent aucunement la réalité du terrain.
Ces allégations sont très souvent tendancieuses, non recoupées, rapportées selon des témoignages, généralement recueillis à distance, non contradictoires et ne s’appuyant sur aucune preuve tangible.
Le Gouvernement du Mali reste très attaché à respecter et à faire respecter les droits de l’homme, aussi bien pour les forces nationales qu’internationales. Il demeure également important de réaffirmer qu’il n’y a aucune volonté délibérée des autorités maliennes d’accorder des primes à l’impunité s’agissant des cas avérés de violations des droits de l’homme. Ainsi, la justice malienne est systématiquement saisie chaque fois que des cas de violation des droits de l’homme sont signalés, y compris lorsque ces allégations sont portées contre les Forces de défense et de sécurité maliennes. C’est dire l’engagement du Gouvernement du Mali, malgré les nombreux défis, à ne ménager aucun effort pour lutter contre l’impunité.
Sur la liberté d’expression et d’opinion, le Gouvernement du Mali rappelle qu’elles ont, toujours, été des droits constitutionnels garantis en République du Mali. C’est pourquoi, les acteurs de critiques politiques, dans le cadre du débat politique, ont, toujours, bénéficier d’une certaine immunité.
En revanche, tous les acteurs politiques poursuivis par la justice malienne sont présumés avoir dévié de la liberté d’expression, de la liberté d’opinion et de la courtoisie que doit revêtir le débat politique pour s’adonner à de véritables injures obscènes, de troubles à l’ordre public, et d’incitation à la violence, de surcroit en temps de guerre.
A ce niveau, il faut faire une distinction entre propos, politiquement, tolérés et propos injurieux, contraires aux exigences de la démocratie et de l’Etat de droit, tombant sous le coup du droit commun, en la matière.
Le Gouvernement du Mali tient à rappeler que l’amélioration de la situation des droits de l’homme est étroitement liée au progrès sur le plan sécuritaire, ainsi qu’au retour des représentants de l’Etat et des services sociaux de base au profit des populations. Et c’est pour réaliser ces objectifs majeurs que le Mali a fait appel à l’appui de la communauté internationale.
Le Gouvernement du Mali reste profondément préoccupé par la dégradation de la situation humanitaire, due aux effets conjugués de plusieurs facteurs, notamment les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA, les changements climatiques, la pandémie du COVID19, et la Guerre en Ukraine.
Le Gouvernement soutient le plan de réponse humanitaire du Secrétaire général pour le Mali et regrette qu’il ne soit financé qu’à hauteur de seulement 11%. Il appelle l’ensemble des partenaires à fournir les ressources nécessaires pour faire face à cette situation humanitaire préoccupante.
Conclusion
Le Gouvernement demeure conscient que la résolution durable de la crise malienne reste la responsabilité principale des Maliennes et des Maliens. La partie malienne reste donc déterminée à jouer toute sa partition pour le retour de la paix et de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, en faisant recours aux leviers politique, sécuritaire, du développement socio-économique, de la justice et de la réconciliation.
Cependant, la réalisation de ces chantiers ambitieux requiert la compréhension et l’accompagnement de l’ensemble des partenaires du Mali. C’est pourquoi, je voudrais demander, ici, leur compréhension et leur soutien.
Le peuple et le Gouvernement du Mali réitèrent leur appréciation et leurs remerciements pour l’énorme contribution des Nations Unies aux efforts de stabilisation en cours dans mon pays, à travers notamment la MINUSMA.
Le Gouvernement du Mali rend hommage à la mémoire de toutes les victimes de cette crise, civiles comme militaires, étrangères comme maliennes, tombées sur le champ d’honneur au Mali.
Koulouba, le 13 juin 2022