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Note de lecture “Le Devoir de violence” de Yambo Ouologuem

Yambo Ouologuem fut ce jeune écrivain malien qui après des études de sociologie, de philosophie et d’anglais, obtint en 1969 le prestigieux prix littéraire Renaudot pour son roman “Le Devoir de violence” qui connut un destin mouvementé en raison des passions et des controverses qu’il souleva.

La France était gaulliste à l’époque et Senghor doublé d’Aimé Césaire, avec leur mouvement de la Négritude, tenaient le haut du pavé littéraire africain à Paris et même en Europe occidentale.

Cette Négritude avait comme vocation de chanter et de sublimer l’Afrique ancienne qui aurait été une société sans problème, et donc comparable à un petit paradis terrestre. Tous les Français et même des Européens avaient lu “L’Enfant noir” de Camara Laye et s’imaginaient que c’était ainsi la vie dans l’Afrique ancienne, précoloniale, s’entend.

La bande à Senghor, épaulée par des écrivains antillais nostalgiques de leur passé, ne voulait pas de concurrent de la plume en tout cas sur le débat africain dont ils croyaient détenir le monopole en Europe et, voilà qu’en ces années de néocolonialisme et de recolonisation, un jeune auteur issu des falaises de Bandiagara, osait écrire un roman qui relatait le contraire de tout ce que chantaient les dieux de la négritude.

Le premier choc vint de là, d’où le procès en plagiat fomenté contre lui par la classe littéraire française motivée par les barons de la Négritude qui se sentirent égratignés par cette version contraire de l’histoire africaine. Il faut reconnaître que Yambo Ouologuem, étudiant en anglais, avait été profondément influencé par les auteurs anglais férus d’horreur et cette tendance est parfaitement perceptible dans son œuvre sans que cela soit capable de la disqualifier.

On lui reprocha d’avoir reproduit dans son roman des extraits des romans de certains auteurs anglophones comme Graham Green auteur de “C’est un champ de bataille” ou d’André Schwartz-Bart dans “Le Dernier des justes”. D’autres critiques encore relevèrent dans son roman des traces de Guy de Maupassant sans que cela soit vérifié.

Quoi qu’il en soit, “Devoir de violence” est une véritable saga sur l’Afrique noire musulmane du haut moyen âge à la pénétration coloniale de la fin du XIXe siècle, soit environ 7 siècles d’histoire et d’esclavagisme. Vers l’an 1202, une famille d’origine arabo-berbères, des Saïf, aurait fondé en Afrique noire un royaume appelé Nakem au sud du Fezzan et dont la capitale était Tillabéri-Bentia.

Le nom du fondateur de la dynastie n’est pas précisé dans l’œuvre mais c’est surtout le règne de Saïf Issac El Héit qui a retenu l’attention de l’auteur. La splendeur et la puissance de la cour de ce monarque sont brillamment mises en relief par l’auteur comme s’il y avait assisté lui-même.

Saïf El Issac meurt en 1498 et sa succession est assurée par des héritiers plus criminels que lui et vivant de l’esclavage et des opérations de prédation. Puis, vinrent les féodalités peules qui prirent le relai des Saïf aux XVII et XVIIIe siècles et qui continuèrent avec les mêmes pratiques cette fois-ci sur les Dogons. L’empire du Nakem était déjà dispersé à la fin du XIXe siècle quand les Européens se présentèrent avec la puissance de feu qu’on sait.

Les rejetons des Saïf durent composer avec ces nouveaux maîtres du territoire et tous se liguèrent pour dominer et exploiter le peuple dogon. Dans la foulée, l’aryen dut mettre sa fierté et sa supériorité supposée dans sa poche et faire lit avec les négresses, madame étant en métropole.

L’œuvre est complexe et bizarre comme l’auteur lui-même, d’où l’étonnent des grands auteurs français de l’époque qui ne purent admettre qu’un africain pût écrire une telle œuvre en prose mieux qu’un français de France.

Facoh Donki Diarra

Ecrivain

Source : Aujourd’hui-Mali

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