Au Nord du Mali et à Kidal, la France est dans son jardin par la grâce du pouvoir de transition dirigé par Dioncounda Traoré et la résolution 2085 du 20 décembre 2012 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Elle n’entend pas quitter de sitôt, sans avoir récupéré au centuple les dividendes de son intervention extrêmement coûteuse au contribuable français. Tout le problème de Kidal est là. Forcée de partir elle laissera derrière elle le chaos et le champ libre aux groupes armés de toute nature, fusse le Mali sombrer dans la guerre civile. Pour revenir plus tard chercher son dû en terrain conquis.
La France a allégé comme promis, le dispositif militaire de la Force Serval au Mali, une année après cette intervention salutaire qui a stoppé l’offensive des troupes rebelles du Mnla et des jihadistes à Konna et permis de reconquérir les régions du Nord occupées par les suppôts du Mal. L’efficacité et la compétence des guerriers français ont été tellement mises en avant qu’on n’envisage pas leur départ définitif du septentrion, car ils seraient les seuls capables d’y assurer la sécurité. D’autant que jihadistes d’Aqmi et du Mujao dispersés dans la région et ailleurs au Nord dans le pays profond, au sein de la population même à Kidal dans les villages se sont organisés secrètement pour regrouper leurs forces. Dans un futur proche, ils envisageaient des actions terroristes spectaculaires. Qui peut les arrêter ? Pas la Minusma incapable de sécuriser une manif de bonnes femmes et d’enfants à Kidal, alors que notre armée pas tout à fait prête en mesure de moyens logistiques. Est-ce la raison pour laquelle, le président Ibrahim Boubacar Keita et le gouvernement ont voulu bruler les étapes initialement prévue pour signer avec la France un Accord Militaire le 20 janvier 2013, ensuite reporté à une date ultérieure ?
Il faut en convenir, le Mali n’a pas la capacité financière d’une telle opération comme Serval qui coûte à la France depuis janvier de l’année dernière 1 700 000 euros journellement, soit annuellement 400 milliards 597 millions 500 mille FCFA. L’Etat malien n’a pas non plus les moyens de mener des opérations aériennes d’envergure, comme la force Serval qui a mené plus de 2000 sorties aériennes pour écraser les groupes rebelles. A terre, les moyens logistiques d’une armée moderne nous font également défaut, dont les moindres ne sont pas des chars de combat de la dernière génération et les moyens de transport rapides des troupes, qu’ils soient aériens ou terrestres. Selon un expert militaire que nous avons rencontré et qui a requis l’anonymat, « ce n’est pas en cinq, six mois, ou même un an, en l’état actuel des choses qu’avec une armée opérationnelle à faire face de manière optimum à la fois aux rebelles touaregs et terroristes islamistes maliens alliés à Al qu’Aïda au Maghreb Islamique ». A son avis éclairé, il faut trop de moyens que le Mali n’a pas pour le moment. Il considère que pour maitriser réellement le Nord avec toutes les garanties, il faut quatre à cinq ans, avec des moyens adéquats.
Des moyens aériens surtout, beaucoup plus performants que ce dont le Mali a disposé qui, du reste, n’est plus qu’un souvenir.
Le Mali est quand même un Etat qui à la capacité de se fournir en armements de diverses provenance. On peut acheter l’armement qu’on veut. Le choix doit se porter prioritairement sur l’armée de l’air qui doit être équipée de plusieurs types d’avion, beaucoup d’hélicos modernes de combat ainsi qu’ en avions de transport des troupes, du matériel et des chasseurs bombardiers d’un rayon de 400 à 500 km ou plus capables de mener des opérations aéroportées à partir de Mopti, ou Tombouctou et même de Kidal. Pour cela, il faut implanter plusieurs bases aériennes modernes, extrêmement protégées. On peut choisir Gao comme ville forte, Tombouctou comme vile forte et à partir de là procéder à la sécurisation du Nord. « Kidal n’est pas un problème. Kidal en réalité c’est de la poudre aux yeux. Tout le problème de Kidal est le suivant : est ce que l’armée malienne est capable d’aller sécuriser Kidal sans éviter de commettre des exactions » ?
C’était la conviction d’un expert en la matière que nous avions interrogé, il y a quelques mois à propos de l’exception kidaloise. Depuis lors l’équation est devenue quasi insoluble sinon à plusieurs inconnues avec les derniers développements de la crise, après le voyage du premier ministre, Moussa Mara à Gao, Tombouctou et dans cette ville de Kidal devenue un nid du Mnla et de tout ce que le Mali compte de groupes armés irrédentistes, de jihadistes et de narcotrafiquants, une véritable poudrière particulièrement instable et volatile.
L’Accord de Défense avec la France devait être signée le 26 mai dernier, à une date qui tombait mal, car ce jour consacrait « La Journée de l’Afrique », une commémoration particulièrement symbolique et chargée de sens. Ce n’est sans doute que partie remise, malgré la campagne acharnée des patriotes du MP22 et d’autres structures de la société civile opposés au projet, car y voyant une forme de néocolonialisme et un abandon total de notre souveraineté nationale pour l’intérêt de la France. En effet, le pouvoir français, coupable de compromission avec le Mnla, le groupe armé indépendantiste à Kidal est très mal vu par l’opinion malienne dont la frange radicale, à travers marches et sit-in incessants, a dénoncé à volonté son double jeu. Une duplicité favorable avec Mnla et aux groupes terroristes venus en renfort à Kidal dans une occupation au su de Serval et de la Minusma, qui en fait une place forte aux rebelles au détriment de l’intégrité territoriale, de la souveraineté du Mali, de la fierté et de la dignité des Maliens qui ont fait de sa libération totale une question d’honneur.
Toute chose qui explique la sympathie et l’estime dont continue de jouir le premier ministre, Moussa Mara, malgré l’échec de l’offensive des FAMA contre le Mnla à cause des renforts jihadistes venus au secours des tenants de l’Azawad alors que vaincus ils en appelaient à l’interposition de la Minusma pour un cessez-le feu.
Le Mali, il faut en convenir, dans les circonstances actuelles, n’a pas les moyens financiers en armes, en logistiques dont ceux des transports des troupes et en technologie de transmission dernier cri, encore moins en couverture aérienne des troupes au sol et en avions et hélicoptères de combat pour anéantir des forces ennemis très mobiles et supérieures armées, comme , on l’a vu lors des dernières confrontations à Kidal. La dernière campagne de l’armée malienne à Kidal aurait coûté environ 30 millions par jour, le strict minimum alors que s’agissant de l’opération Serval les frais s’élèvent à 340 millions de FCFA par jour. Si pour Paris, l’Opération Serval a été considérée comme un triomphe ponctué par la célèbre visite de François Hollande à Tombouctou, qui a été de son aveu « le jour le plus important de sa carrière politique », en fait elle a finalement divisé le Mali et les Maliens. Kidal, n’est toujours pas dans le Mali, les bandes armées sévissent toujours à volonté dans le septentrion pour le plus grand malheur des communautés et des populations prises en otages, qui n’ont rien demandé à ceux qui massacrent, pillent et violent en leur nom.
Oumar Coulibaly