Dans les moindres rassemblements, en famille comme lors de la prestation de serment du nouveau président Emmerson Mnangagwa, on chantait Kutanga Kwaro, de Jah Prayzah, l’hymne du coup d’Etat qui avait renversé Robert Mugabe quelques mois plus tôt. La chanson était supposée avoir annoncé le changement avant qu’il n’ait lieu, et décrit en termes mystérieux le nouveau chef, qu’on surnommait encore « le crocodile » avec tendresse. L’histoire du Zimbabwe, tout à coup, redevenait une chose merveilleuse à vivre, et à raconter.
La vie de tous les jours promettait d’être meilleure. Les policiers harceleurs avaient été priés de ficher le camp des routes, où ils rançonnaient en essaims serrés, et d’aller bouder dans leurs casernes. Les prix n’avaient pas baissé, les attentes devant les banques pour retirer des dollars n’avaient pas disparu, mais chacun était décidé à tout mettre en œuvre pour passer un Noël mémorable : dans les supermarchés, les queues s’étendaient au rayon des boissons, et ce n’était que le reflet de l’engouement général pour ce moment de suspension. Il va sans dire que ce Noël-là fut sérieusement arrosé.
Pénurie et inflation
En comparaison, comme la fête est amère, cette année. Dans les mêmes supermarchés, certains rayons sont vides. On peine à trouver, selon les moments, des produits aussi simples et répandus que certains sodas. L’huile de friture est un luxe. Le sucre une folie. Pour cause de pénurie, la bière ou les boissons sucrées sont limitées à une ou deux bouteilles par personne. Et les prix se sont envolés. L’inflation n’est en théorie que de 30 %, mais les étiquettes disent une autre réalité. Même le Mazoe, ce sirop d’orange qui est la boisson nationale modeste, manque dans les rayons.
Dix ans après l’hyperinflation de 2008-2009, le pays semble à nouveau sur une pente inflationniste glissante. Ceci, en raison d’une menace d’effondrement financier. Depuis la mise à mort des dollars zimbabwéens pour stopper la hausse des prix, le pays s’est tourné vers le dollar américain. Mais les billets verts manquent, et le gouvernement, en 2016, a mis en circulation des bond notes, sortes de bons du trésor portables (on dirait surtout des billets de Monopoly), garantis par la banque centrale du Zimbabwe. En parallèle, le gouvernement a entrepris de procéder à ses paiements (notamment les salaires, l’essentiel de ses dépenses), en monnaie électronique, créant une masse toujours plus importante de dollars virtuels, mais non convertibles en dollars physiques…..Lire la suite https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/28/noel-sec-et-amer-au-zimbabwe_5402853_3212.html