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Nigeria: la lutte contre le vol de bétail dope le business du kidnapping

Abdulaziz Umar pensait qu’il était victime d’un vol quand 16 hommes à moto, lourdement armés, l’ont sorti de sa voiture, alors qu’il se rendait à Abuja, la capitale du Nigeria, depuis Kaduna, plus au nord.

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C’est une fois en pleine brousse qu’il a compris qu’il avait été enlevé. M. Umar a retrouvé la liberté 12 jours plus tard, après le versement d’une rançon d’un million de nairas (4.400 euros) par sa famille.

L’ex-otage de 37 ans sait qu’il a eu de la chance d’en sortir indemne, d’autant que ses ravisseurs, tous équipés d’armes automatiques, installés sous des huttes en paille, dans une épaisse forêt, demandaient 25.000 dollars (près de 22.000 euros) pour sa libération.

« Ils n’ont jamais un comportement hostile vis-à-vis de leurs victimes, mais ils vous tuent sans réfléchir une fois qu’ils sont convaincus qu’ils n’arriveront pas à obtenir d’argent de votre famille », confie-t-il à l’AFP.

Au Nigeria, les enlèvements contre rançon étaient jusqu’ici cantonnés au sud pétrolier, mais ont gagné récemment les Etats du nord.

Selon des sources sécuritaires, les forêts des Etats de Kaduna, Kano, Sokoto, Kebbi, Zamfara et Niger sont désormais infestées de camps de ravisseurs.

Plus de 200 enlèvements ont été recensés dans cette région depuis janvier, selon un responsable de la police. Et ce « n’est qu’une fraction du véritable nombre d’enlèvements, parce qu’il y a de nombreux cas qui ne sont jamais rapportés » à la police, poursuit-il.

La police nigériane a même décrété l’état d’urgence à Kaduna en avril, après le meurtre d’un colonel de l’armée qui y avait été enlevé.

– Peuls contre Peuls –

Les nomades peuls sont derrière ces enlèvements, affirment les autorités et la plupart des anciens otages. Comme Emmanuel Dziggau, un pasteur pentecôtiste enlevé en mars avec deux coreligionnaires en périphérie de Kaduna. Il a été gardé pendant neuf jours. Pour lui, cela ne fait aucun doute: « à leur accent », les ravisseurs étaient peuls.

Les camps de Peuls sont souvent attaqués par des bandits armés dans cette région. On leur vole leur bétail, les femmes sont violées, les maisons brûlées et les nomades sont alors contraints de trouver refuge plus au sud, ou dans les pays voisins.

Pour riposter, de jeunes peuls se sont mis à voler eux aussi du bétail à travers l’Afrique de l’ouest, selon l’Association Miyetti Allah des éleveurs de bétail du Nigeria (Macban), qui réunit les éleveurs peuls du Nigeria.

Ces jeunes peuls se sont retournés contre leur propre communauté qu’ils accusent de les avoir abandonnés lors de conflits entre nomades et sédentaires sur les droits de pâturage, explique Saleh Bayeri, le secrétaire national de la Macban. Or ces conflits, dit-il, ont mené à des pertes importantes de bétail et donc accéléré la pauvreté des jeunes peuls.

En juillet 2015, les sept Etats touchés ont décidé de créer une force conjointe de la police et de l’armée, pour lutter contre le vol de bétails. Mais cette répression a créé un nouveau démon: les rapts.

« Les enlèvements sont une conséquence de cette répression contre les voleurs de bétail », déclarait ainsi en janvier le gouverneur de l’Etat de Katsina, Aminu Bello Masari. « Les brigands ont sans doute décidé de s’orienter vers les kidnappings, comme on les empêchait de voler du bétail ».

Les éleveurs peuls continuent à être les plus visés par les ravisseurs, selon Aliyu Harazimi, le chef de Dogwa, une localité proche de la réserve de Falgore, où près de 100 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été enlevés depuis février.

« Au lieu de voler du bétail, les voleurs kidnappent des membres des familles de bergers et les libèrent contre rançon, ou bien ils envoient une lettre proposant de payer une taxe assurant leur protection, une somme énorme », explique-t-il.

Les kidnappeurs ont aussi des « indics » au sein même des communautés, poursuit-il.

Environ une cinquantaine de kidnappeurs présumés ont été arrêtés dans le parc national Kamuku et dans la réserve de Falgore, selon les autorités locales. Mais pour M. Bayeri, les forces de l’ordre ne peuvent endiguer ce nouveau fléau.

« Nous connaissons certains de ces criminels et leurs complices parmi les chefs de communautés », assure-t-il. Alors, c’est à nous, les communautés locales, d’agir ».

 

Source: AFP

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