Dans l’interview qu’il a nous accordée, le candidat du Parti pour l’Action Civique et Patriotique (PACP) en l’occurrence Niankoro Yeah Samaké revient largement sur les sujets qui dominent l’actualité nationale et internationale. A savoir, la tenue de la présidentielle du 29 juillet prochain, ses priorités pour le Mali, la mise en œuvre l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, l’insécurité, les conflits intercommunautaires et les différentes pistes de solutions pour aller à une paix durable, beaucoup plus rentable pour les maliens.
JOURNAL L’HUMANITE : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : Je suis Niankoro Yeah Samaké, candidat à l’élection présidentielle de juillet 2018 au nom du Parti pour l’Action Civique et Patriotique (PACP).
JOURNAL L’HUMANITE : L’élection présidentielle du 29 juillet prochain approche à grand pas, comment voyez-vous ces élections ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : Je vois cette élection avec incertitude. Nous y préparons, le gouvernement tente tant bien que mal à assurer la classe politique malienne, l’opinion nationale et internationale sur sa capacité de tenir l’élection présidentielle à bonne date. Malgré cela, des inquiétudes planent, des inquiétudes sont là mais, le plus important, c’est que nous souhaitons réellement et vivement que le gouvernement parvienne à organiser ces élections à bonne date. Et que ça soit une élection crédible, paisible et juste qui sera appréciée et respectée par tous les maliens.
JOURNAL L’HUMANITE : Parlant toujours de l’élection présidentielle, comment le parti se prépare pour affronter ces joutes à venir ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : Nous avons mis en place notre stratégie de conquête du pouvoir. Nous attendons avec enthousiasme juste la validation des candidatures par la Cour Constitutionnelle (chose déjà faite) sinon d’ores et déjà l’appareil de campagne s’organise. Donc, nous sommes implantés, nous avons des cellules dans toutes les régions fréquentables du Mali aujourd’hui ainsi que la mobilisation des ressources et aussi l’inventaire des ressources humaines. Donc, le PACP se prépare.
JOURNAL L’HUMANITE : Toujours en rapport avec l’élection présidentielle de juillet prochain, pouvez-vous nous citer quelques activités menées par le parti dans ce sens ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : Bien sûr que oui. Pour préparer l’élection nous nous sommes engagés dans les visites de terrain, nous avons visité certains cercles ainsi que certaines régions du Mali. Notamment, nous avons fait des visites à Sikasso, à Ségou, à Koulikoro. Il y’a aussi, des visites à Mopti et dans les régions du Nord. Donc, les activités vont bon train. Le parti a déjà son message que nous allons adresser à toute la nation pendant la campagne. Ce message est que les maliens doivent être beaucoup vigilants et que le choix nous incombe d’élire un président, un homme ou une femme qui a déjà fait ses preuves avant d’accéder au pouvoir, aux ressources du pays. Donc, nous sommes prêts pour ce combat, nous savons que le PACP a une chance d’aller au deuxième tour si les maliens jugeaient les candidats de façon un peu plus pragmatique. Et c’est ce que nous nous engageons à faire pendant les trois semaines à venir.
JOURNAL L’HUMANITE : Au cas où vous êtes élu président de la République, quelles seront vos priorités pour le Mali ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : Nos priorités pour le Mali, c’est d’abord la sécurité alimentaire, nos priorités, c’est aussi la stabilisation et la paix. C’est-à-dire, le règlement définitif du conflit intercommunautaire non seulement au nord mais aussi au centre. Nous allons rassurer les maliens que l’Etat est là pour résoudre les problèmes. Nul besoin aujourd’hui de se replier sur sa communauté pour la recherche des solutions. L’Etat sera aux côtés du citoyen malien, aux côtés des communautés pour la résolution de leurs problèmes. Nous allons transférer les pouvoirs et les ressources dans les collectivités à tel enseigne que les besoins fondamentaux des maliens seront satisfaits.
Je peux parler des activités spécifiques, notamment dans le cadre de la sécurité alimentaire. Il s’agit de doter les agriculteurs maliens d’équipements agricoles, notamment les tracteurs, les batteuses mais aussi l’initiative eau qui va améliorer très rapidement l’accès à l’eau pour que le Mali ne dépende pas uniquement de l’eau de pluie pour la culture. Quant à l’éducation, nous sommes prêts à investir dans l’éducation supérieure, secondaire. Surtout au niveau de l’éducation supérieure, nous sommes prêts à créer des universités dans chaque région du Mali. Il y’a aussi le désengorgement de l’université de Bamako, mais aussi de faire en sorte qu’il n’y ait pas besoin de quitter sa région pour trainer tous les cerveaux des régions du Mali vers la capitale.
Sur le plan de la santé, nous avons ambition de construire au niveau des chefs-lieux de région, des hôpitaux de standing international et aussi des CSCOM en grand nombre dans les différentes communes du Mali. La santé n’a pas de prix. Et nous voulons nous investir pour ça. Une partie spécifique de notre plan audacieux pour la paix, la stabilité et la prospérité des maliens, repose aussi sur la prise en compte des moins entiers mais des personnes âgées. Il s’agit de faire en sorte que les familles qui n’ont pas beaucoup de ressources ne soient pas laissées pour contre ou abandonnées. Et donc, nous allons inclure un budget de 90 milliards de FCFA pour la prise en charge des familles démunies. Donc, il y’a un certain nombre d’éléments que nous voulons innover quand il s’agit de lancer ou de garantir les bases du développement économique et durale pour notre pays.
JOURNAL L’HUMANITE : Avez-vous quelque chose à reprocher au pouvoir en place ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : A reprocher non, j’observe que le pouvoir n’a pas tenu ses promesses de stabiliser le pays. Ils n’ont pas tenu leurs promesses de création d’emplois décents, ils n’ont pas tenu leurs promesses d’équiper les paysans. Donc, l’observation montre que les faits indiquent qu’ils ont failli à leurs missions. Et l’espoir fondé sur le président Ibrahim Boubacar Keita s’est brisé. Et donc le Mali se trouve à un tournant décisif aujourd’hui. Ce n’est pas des reproches que je fais mais, ce sont des constats objectifs et il faut redresser cette situation. Ce ne sont pas ceux qui ont failli qui pourront le faire. Ils ont bénéficié de cinq ans et ils n’ont pas pu livrer les promesses faites et nous ne pourrons plus nous permettre de leur donner un autre mandat.
JOURNAL L’HUMANITE : La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale tarde encore, d’après plusieurs maliens, selon vous où se trouve le blocage ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : Ce n’est pas une question de blocage. C’est une question de manque de vision politique. Les dirigeants actuels n’ont pas compris l’urgence de la résolution de cette crise. L’accord dont, vous parlez, nous avons été peut-être l’un des premiers partis politiques sur l’échiquier à donner une attitude positive. Nous avons soutenu cet accord-là. Parce que nous savions que c’était le seul instrument positif contrairement à beaucoup qui ont critiqué, qui sont farouchement opposés à cet accord-là qui nous rejoignent sur le fait que c’est le seul instrument dont nous disposons.
Maintenant, l’institution de cet accord tient beaucoup du peuple malien que les gouvernants mais, les gouvernants n’ont pas compris çà. Ils se sont acharnés et précipités sur la communauté internationale, comme si la solution résidait à ce niveau. C’est avec le peuple malien, c’est avec l’adhésion totale du Mali et du peuple à l’accord que nous pourrions exécuter. En tant président, nous allons évaluer et réévaluer et même faire un audit de l’accord et de son application. Et nous allons immédiatement insister pour que toutes les parties maliennes sachent que l’Etat malien est engagé résolument pour l’application correcte de l’accord. Et le point de départ sera toujours le désarmement et la réinsertion des groupes armés. Il faut que les armes soient déposées. Et à ce point-là, la bonne foi de tous sera reconnue et aussi la crédibilité de toutes les parties prenantes sera exigée. Donc, nous prendrons la communauté internationale à témoin mais.
JOURNAL L’HUMANITE : Autre sujet qui préoccupe les maliens, c’est bien l’insécurité grandissante et récurrente dans le pays. Quelle analyse faites-vous là-dessus?
NIANKORO YEAH SAMAKE : Je pense que là il y’a un manque de vision politique, un manque de leadership. La situation que nous connaissons aujourd’hui, ce sont des replis identitaires. Hier, c’était le nord aujourd’hui, c’est le centre. Quand les gens n’ont rien à perdre, ils perdent tout. Je crois qu’il faut changer cet état de fait. Nous ne sommes pas là à justifier la rébellion, nous sommes là à dire que l’insécurité est grandissante et récurrente. Cet état de fait est un manque crucial de volonté politique et de vison politique. Nos partenaires de façon énergétique se sont plaints de cette situation, notamment Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères. Aujourd’hui, le Mali qui avait bénéficié d’un soutien extraordinaire de la communauté internationale n’a pas pu transformer cet enthousiasme là en résolution de la crise. Parce que, ce qui se passe, les ténors qui sont là, n’ont pas pu, ils ont atteint leurs limites et ils ont échoué sur pratiquement tous les plans.
JOURNAL L’HUMANITE : Quelles sont selon vous, les différentes pistes de solution pour une sortie définitive de la crise ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : Il y’a trois composantes. La première composante c’est le peuple. La deuxième composante, c’est le processus de stabilisation. Il faut réellement faire adhérer le peuple par la vertu et le leadership des chefs de l’armée. Il faut aussi renforcer notre armée moralement et réarmer notre armée. De faire en sorte que, le peuple malien ait plus de sympathie et plus de respect pour son armée. Il faut un engagement total du Mali dans la résolution de ces crises. La crise, elle n’est pas liée à une religion, elle est liée à un manque de vision. Il faut faire en sorte que les maliens se sentent inclus dans le processus développement dans les processus de prises de décisions. Il faut redistribuer les pouvoirs, il faut faire en sorte que le pouvoir ne soit plus concentré entre les mains d’une petite frange de la population. Il faut que chaque région et chaque composante se reconnaissent dans les instances de prises de décisions. J’en réfère ici au modèle Singapourien, qu’il faudrait examiner de près et faire en sorte que les maliens puissent être de façon représentative inclus dans les prises de décisions. Bien entendu, il faudrait faire avancer la décentralisation de telle sorte que les ressources soient utilisées localement et que le budget national affecte la vie du citoyen. C’est pourquoi, je dis qu’il faut aller vers des politiques publiques qui mettent les maliens au centre et au-devant.
JOURNAL L’HUMANITE : En vous voyant, vous ressemblez à un homme politique engagé pour la cause du pays, populaire et à la fois charismatique. Quel est votre secret ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : Merci pour ces bons mots, mon secret, c’est l’amour du pays. Je suis motivé uniquement et seulement par l’amour du pays. Je ne suis pas venu des Etats-Unis pour aller m’installer à Ouelessebougou à la recherche d’un bien être personnel. Je suis venu parce que, le Mali a besoin de ses fils. Et chaque malien doit consentir un peu de sacrifice. Il ne reste qu’aller se consacrer à sa région natale, à sa commune natale, à son village natal. C’est là que nous pouvons faire des impacts. C’est pourquoi, je suis revenu chez moi, dans mon village, dans ma propre commune en ne me souciant pas du tout de mon propre confort. C’est surtout l’impact que je peux avoir sur les concitoyens. Donc, voilà pourquoi si je populaire, si je suis charismatique, c’est peut-être lié au fait que mon engagement pour le Mali, mon amour et surtout mon sens élevé de service me guide plutôt que la cupidité sur certaines choses.
JOURNAL L’HUMANITE : Et le mot pour clore ?
NIANKORO YEAH SAMAKE : C’est avec un réel plaisir que je communique avec les maliens à travers, le journal l’humanité. J’appelle chaque malien au sens élevé du service. En cette période électorale où les tensions sont élevées, j’invite chaque malien à se mettre au-dessus des lignes partisanes. Il ne faut en aucun cas que les différences partisanes constituent un obstacle à l’union, que nos différences partisanes nous divisent parce qu’unis, nous gagnons.
Propos recueillis par Baba Dembélé
Source: L’Humanité