Son nouvel album «Kanawa» (Ne partez pas !) est un cri de cœur à l’adresse de la jeunesse malienne. Ce 14è album de sa brillante carrière est sorti officiellement dans notre pays le 13 décembre 2020. Un somptueux opus de 8 titres qui aborde divers thèmes (immigration, cohésion sociale, pitié, tolérance, indulgence, mariage et un hommage aux défunts artistes maliens) véhiculés par des rythmes très entraînants. La reine du «Didadi» signe donc un retour remarquable dans les bacs avec sa singulière voix à la beauté inoxydable.
Si la silhouette commence à être marquée par le poids de l’âge (n’empêche qu’elle est toujours une bête de scène), sa voix reste inoxydable. Cette voix d’une beauté exceptionnelle fait encore merveille sur «Kanawa» (Ne partez pas), le nouvel album de Nahawa Doumbia. Un véritable chef d’œuvre de huit titres (Yirini, Ntamayon, Ndiagneko, Djougoh, Hinè, Kanawa, Adjorobena et Foliwilen) dont un (Adjorobena ; autrement ça nous inquiète) interprété en duo avec son héritière, Doussou Bagayoko. Des titres superbement arrangés par l’inépuisable Ngou Bagayoko.
Dans cette œuvre, la fille des regrettés Moussa Doumbia et Térénan Coulibaly parle de l’immigration, de la cohésion sociale, de la tolérance, de l’indulgence, du mariage… Elle n’oublie pas non plus ceux et celles qui ont quitté la scène pour l’autre monde ces dernières années.
« Kanawa » (Ne partez pas), le titre générique de l’album, est une sensibilisation contre la migration irrégulière aux drames multiples. «Beaucoup de nos enfants meurent dans l’océan et certains d’entre eux pendant la traversée du Sahara. Certains grimpent sur les barbelés qui traversent les frontières et ils se font tirer dessus. Je demande donc à nos enfants de ne plus partir et de rester à la maison», explique le prodige de Mafélé.
«Au lieu d’aller mourir dans le Sahara ou dans la Méditerranée pour fuir les difficultés ici, nos jeunes doivent se battre dans leur pays pour changer les choses et réaliser leurs rêves», confie-t-elle à propos de ce titre. Mais, ajoute-t-elle, «il est aussi crucial que le gouvernement et ses partenaires prennent réellement à bras le corps le problème du chômage des jeunes. Cela peut prévenir les drames humains auxquels nous assistons depuis des décennies».
«Que les jeunes diplômés comprennent aussi qu’ils ne peuvent pas tous travailler dans un bureau. Nous devons tous œuvrer à aider notre jeunesse, à lui faire comprendre que l’avenir c’est ici en Afrique, notamment au Mali», conseille l’indétrônable Reine du didadi. Le souhait de Nahawa est que la jeunesse malienne, voire africaine renonce à ses «rêves macabres» et se battre pour contraindre les décideurs à créer les conditions de leur épanouissement dans le pays. «Nahawa veut que la jeunesse malienne prenne en main le destin de son pays avant qu’il ne finisse à jamais entre des mains armées.
Sous ses airs un peu dur, son discours est un message d’espoir et d’amour unificateur», commente un critique. Pour cet autre critique, «Kanawa est un album qui capture de manière concise les réalités maliennes du moment». La star exhorte aussi les décideurs à s’inspirer des initiatives comme celles de Mme Aminata Dramane Traoré qui s’est investie non seulement dans la sensibilisation des jeunes contre les risques de la migration clandestine, mais aussi dans l’accueil et la réinsertion des rapatriés de gré ou de force.
évocateurs, si les thèmes exhortent à la réflexion, les rythmes sont souvent une véritable invitation à la danse. Difficile par exemple de se retenir de bouger en écoutant «Foliwilen», une très mélodieuse «Doson fôly» dédiée aux forces armées et de sécurité ainsi qu’à des personnalités qui se sont illustrées par leur courage, leur bravoure, leur générosité et leur sens de la fraternité. Difficile aussi de ne pas frissonner en écoutant la très acoustique «Yirini» qui permet à Nahawa de bercer les mélomanes avec sa superbe voix mélodieuse qui continue à défier le temps par sa beauté. Une voix magique et inimitable.
On sent l’expérience et le talent de Ngou Bagayoko dans cet arrangement magnifique. Une savante symbiose entre le ngoni et le kamalen ngoni, une variété de percussions, de programmation de batterie, de karignan (grattoir métallique) et de guitares acoustiques et électriques.
Née à Mafélé avec une enfance passée à Manankoro dans la famille maternelle, Nahawa est cette révélation des Semaines et des Biennales artistiques et culturelles qui continue d’imposer son univers authentique entre tradition et modernité, en gardant toujours l’essence du rythme didadi. Et cela lui réussit merveilleusement bien. Ainsi, «Kanawa» sort après des rééditions de ses premiers albums et une longue tournée européenne. Elle reconnaît d’ailleurs qu’elle a fait 1.700 concerts avec «Kabako», le précédent opus sorti le 24 mai 2011 chez «Camara Production».
La soixantaine assumée avec charme et prestance, la Première lauréate du Prix découverte RFI en 1981 prouve non seulement qu’elle reste l’incomparable «Reine du didadi», mais aussi qu’elle reste l’un des plus grands artistes du Mali, une véritable ambassadrice de la culture malienne très sollicitée dans le monde.
Moussa BOLLY
Source : L’ESSOR