Le « M’polon » est un instrument rythmique à trois cordes, composé d’une caisse (une calebasse couverte d’une peau d’antilope ou de chèvre), surmontée d’une manche en bois et parfois en bambou, légèrement recourbée et sur laquelle sont fixées trois cordes torsadées. La manche se termine par un bout de tôle sur lequel sont fixés de petites boucles en métal dont le cliquetis accompagne le son guttural des cordes. Il se joue à l’aide d’une baguette en bois en forme de V que l’on tient avec la main droite.
Mais le «M’polon» n’a pas eu la même aura que la kora dont les notes suaves ont porté au firmament de l’univers musical Toumani Diabaté et son fils Sidiki, ainsi que Madina N’diaye et d’autres artistes du Mandé
Aujourd’hui, les joueurs de M’polon ou M’bolon se comptent sur le bout des doigts d’une main et ils sont, très souvent, du troisième âge (60 ans et plus). On imagine le devenir de cet instrument dans les prochaines décennies puisque la relève est vraiment loin d’être assurée. Légitimement, les gens sont donc en droit de s’inquiéter d’une éventuelle disparition de ce vieil instrument traditionnel de musique du terroir parce que les générations actuelles s’intéressent moins, en dépit de son utilité avérée.
Aux dires des chercheurs, le M’polon existe depuis le XIè siècle et serait originaire du Mandé. Il a, ensuite, été adopté par les communautés bambara, sénoufo et minianka.
La particularité de cet instrument réside dans son utilisation, notamment pendant l’hivernage dans les champs, pour encourager les braves cultivateurs dans les travaux champêtres et la jeune génération à intégrer les valeurs du travail. Mais au-delà de cet objectif, le M’polon était, aussi, utilisé à d’autres fins, notamment martiales, funéraires ou dans certaines cérémonies sociales.
A titre d’illustration, cet instrument était joué pendant les périodes de guerre pour alerter et galvaniser les guerriers, notamment en leur rappelant le sens de l’honneur, du don de soi pour la bonne cause, celle de la communauté, du terroir et de la patrie. Aujourd’hui, son existence est menacée, nonobstant les efforts de certaines bonnes volontés à le pérenniser et le conserver dans notre patrimoine musical. Ceux qui œuvrent à la conservation de cet instrument s’accordent sur l’urgence d’agir, et rappellent son rôle important dans notre culture.
Seydou Koné dit M’polon Seydou est l’un des rares jeunes joueurs de cet instrument. Le fait est très rare pour être signalé. Ce natif de Zantiébougou, dans la Région de Sikasso (Sud) est un chanteur compositeur et spécialiste du M’polon. Il explique que cet objet est destiné à chanter la bravoure, le courage et l’abnégation des hommes au travail. Pour lui, il est clair que le son du M’polon renvoie à la dignité humaine.
Il confirme que l’existence de cet instrument remonte bien à des siècles. « Il n’était pas perçu comme instrument sacré dans notre société traditionnelle puisque tout le monde pouvait en jouer à condition de s’y intéresser », explique Seydou Koné. Le M’polon n’était pas non plus exclusivement réservé aux griots, dépositaires des savoirs ancestraux, ou à d’autres hommes de caste.
Pour notre interlocuteur, le M’polon avait très vite séduit les paysans. « Le M’polon ne doit pas être joué pour celui qui ne peut se nourrir de ses propres efforts et subvenir aux besoins alimentaires des siens », fait-il remarquer.
Nansouba Thiéro éprouve une grande admiration pour cet instrument qui, selon elle va au-delà de la simple musique. « Il représente un signe de reconnaissance pour le grand cultivateur. Toutes les femmes, en tout cas dans le monde rural, souhaiteraient voir leurs conjoints honorés au rythme de cet instrument », dit cette passionnée.
Oumou Konaré est une jeune dame, la trentaine, que nous avons rencontrée au cours d’une rencontre festive à Zantiébougou. Elle avoue n’avoir pas entendu parler du M’polon. Evidemment, cet instrument ne lui dit rien. «Je ne le connais pas. Certainement, cet instrument est trop ringard », relève la jeune dame avec une pointe d’humour.
Le président de l’Association voix et musique pour l’intégration culturelle, Abdoul Berthé, pense que cet instrument doit être pérennisé. Il appelle aussi à agir et vite pour lui redonner son lustre d’antan. Pour lui, cela passe préalablement par la création de centres de formation sur certains instruments traditionnels de musique afin de perpétuer leur utilisation.
Parce qu’au-delà du M’polon, d’autres instruments traditionnels comme le «donzo ngoni», le «djembé», la flûte, le «didadi», le M’bourou, les tambours et tambourins, le «Yôbôsso», le «Yaah bara» courent le même risque de disparition, si l’on ne prend pas garde.
Le Festival international de M’polon, organisé à Kolondiéba, est de toute évidence une bonne chose.
AS (AMAP)