Une singulière proposition des Mouvements armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger (Coordination des mouvements armés et Plateforme des mouvements du 14 juillet), relativement aux Collectivités territoriales réveille de vieux soupçons, si ce n’est un réveil des vieux démons.
À l’instar d’autres composantes de la communauté nationale, lesdits mouvements ont été saisis d’un questionnaire adressé par la Commission des lois constitutionnelles, des législations, de la justice, des droits de l’homme et des institutions de la république questionnaire à la faveur de la révision constitutionnelle.
Dans leur réponse commune, ils suscitent des interrogations en proposant, dans le cadre de la solidarité et la coopération décentralisée, des relations avec des collectivités territoriales étrangères, et de favoriser la coopération transfrontalière, d’ajourer un article tel que : ‘’Les Collectivités Territoriales ont une personnalité juridique internationale limitée, leur permettant de passer des accords transfrontaliers en relation avec les nécessités de leur développement’’ ». Ils argumentent leur demande en évoquant les articles 12, 13, 15 et 43 de l’Accord pour la paix et la réconciliation, selon lesquels, les collectivités territoriales peuvent établir des relations avec les collectivités territoriales étrangères frontalières, y compris dans les domaines suivants : la réalisation des projets de développement, et la fixation des taxes, redevance et impôts.
Pourquoi une telle demande, d’autant plus que la loi constitutionnelle devant être soumise à référendum consacre déjà en son article 25 : ‘’Le Mali est une République indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque et sociale.
Son organisation est déconcentrée et décentralisée’’ ?
Cette même loi dispose : ‘’ Les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions définies par la loi’’.
Autant dire que du point de vue de la gestion administrative des Collectivités, il n’y a pas matière à se disputer. Mieux, le Mali s’est résolument engagé dans une logique de décentralisation poussée ou régionalisation.
Par contre, là où il y a anguille sous roche, c’est le statut de ‘’personnalité juridique internationale limitée’’. Parce que cela implique d’empiéter sur un domaine de souveraineté. Et là aussi, tout l’enjeu : permettre à des collectivités de contracter des engagements à l’international sur des questions qui relèvent des prérogatives du chef de l’État ou du Gouvernement.
En fait, il s’agit juste d’avoir de la suite dans les idées. Du moins, pour ce qui est la Coordination des mouvements armés (CMA). En effet, a-t-on appris de sources dignes de foi que ce mouvement avait initié des missions à l’étranger en quête d’éventuels partenaires pour l’exploitation de ressources naturelles et du sous-sol (qui sont la propriété du peuple malien).
Dès lors, l’on comprend aisément que les Mouvements préconisent comme Titre à insérer : ‘’Des relations entre l’Etat et la Région
L’État et la Région déterminent d’un commun accord :
– Les schémas d’aménagement du territoire et les grands projets de développement, sans préjudice des prérogatives des collectivités territoriales en matière développement ;
– Les conditions de l’exploitation des ressources naturelles, notamment minières ;
– Les critères de rétrocession aux Collectivités territoriales concernées des revenus issus de cette exploitation’’.
Il s’agit aussi pour les contributeurs de contourner un point phare de la Conférence d’entente nationale portant sur le consensus obtenu sur le concept de ‘’l’Azawad’’. ‘’Des débats et échanges, il est ressorti les trois éléments principaux suivants :
– le terme Azawad ne renvoie plus à aucun projet politique ;
– l’appellation Azawad, au plan administratif, ne peut englober de fait toutes les régions dites du Nord ;
– l’appellation Azawad recouvre une réalité socioculturelle, mémorielle et symbolique partagée par certaines populations du Nord du Mali’’.
C’est donc en toute logique qu’ils reviennent à la charge, dans leur contribution en objectant : ‘’Une autre question qui se pose concerne la prise en compte de la charte d’entente nationale. Celle-ci doit constituer un des socles fondamentaux de la résolution de la crise malienne et inspirer la réforme constitutionnelle. C’est aussi un préalable pour évacuer certaines problématiques, dont l’appellation Azawad’’.
In fine derrière des suggestions anodines se cache une réelle ambition politique et économique qui serait une remise en cause implicite des acquis de l’Accord pour la paix et la réconciliation ‘’ gage de paix, d’unité’’ et de la Conférence d’entente nationale tenue dans la capitale du 27 mars au 2 avril 2017.
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin