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Moussa AG Acharatoumane, secrétaire général du MSA : « Nous ne sommes les supplétifs de personne »

Si les affrontements entre les combattants du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) de Moussa Ag Acharatoumane ne sont plus fréquents, les exactions contre les civils sont quant à elles toujours d’actualité. Des hommes armés font régulièrement des descentes dans les campements et tuent en masse les civils. Le patron du MSA, Moussa Ag Acharatoumane, a accepté de nous recevoir pour parler des derniers développements de la situation sécuritaire dans sa région, mais aussi de la situation des droits de l’homme dans laquelle son groupe est cité. Interview

Nord sud journal : On entend de moins en moins parler d’affrontements entre le MSA et d’autres groupes opérants dans la région de Ménaka. Est-ce la fin de la guerre entre vous et les djihadistes?

Moussa Ag Acharatoumane : Le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) aujourd’hui, en tant que mouvement politico-militaire, se porte bien. Nous avons fait le gros du travail en détruisant, avec l’appui des armées malienne et nigérienne, l’opération Barkhane et leurs partenaires, la plupart des bases des malfrats et aujourd’hui, dans la région de Ménaka, on peut dire sans risque de se tromper qu’il n’y a plus de base de cette organisation. Il y a toujours du banditisme et de l’insécurité (des braquages ou des individus isolés qui s’en prennent à des civils). Le MSA avec l’armée malienne, le GATIA, l’opération Barkhane et la MINUSMA font de leur mieux pour essayer de réduire au maximum ce phénomène d’insécurité, qui commence à prendre une nouvelle forme.

La ville de Ménaka était épargnée jusqu’à peu, mais maintenant on voit des actes de tuerie et de vandalisme. Est-ce que ce sont des tensions entre communautés ?

La menace était à l’extérieur, de la ville, dont la capacité a été réduite. Maintenant, il y a les brebis perdues réfugiées à l’intérieur de la ville de Ménaka qui sont malheureusement derrière toute la situation qu’on est en train de vivre. C’est quelque chose dont on a pris conscience. Le gouverneur Daouda Maiga a instauré un certain nombre de normes auxquelles tout le monde sera soumis. Le souhait est que la ville de Ménaka soit une ville sans armes. Nous sommes prêts, en tant que partenaires, locaux, autochtones, à accompagner le gouverneur et les forces armées maliennes pour réussir cette mission et je pense que des mesures sont en train d’être prises pour trouver une solution rapide à cela.

 

La sécurité à la frontière entre le Mali et le Niger est plus stable. Est-ce que c’est dû à vos opérations tout au long de cette frontière, considérée autrefois comme poreuse ?

Cela est dû au fait que les bandits y opérant n’ont plus la force qu’ils avaient avant. Ils ne sont plus bien organisés, ils ne sont plus bien présents. Ils sont dispersés, une bonne partie a été arrêtée, certains mis hors d’état de nuire. D’autres ont complètement changé de zone et ont traversé vers le Gourma ou le Burkina. Aujourd’hui, la RN 20, la route qui relie Ménaka et Ansongo, autrefois impraticable, est redevenue fluide. Les gens circulent et la vie économique commence à reprendre. Les populations doivent être vigilantes. Une présence accrue de l’État est nécessaire. On doit réconcilier les communautés et promouvoir le développement.

Les combattants du MSA sont très souvent qualifiés de milice ou de supplétifs des armées opérant de part et d’autres de la frontière Niger – Mali…

Nous ne sommes les supplétifs de personne. Nous ne sommes supplétifs ni de l’armée nigérienne, ni de l’opération Barkhane. Nous sommes dans une zone où nous avons des populations, des villages, des marchés, des biens et nous nous battons pour protéger nos communautés, qui vivent dans ces espaces-là. Que cela soit très clair pour tout le monde. Nous sommes aussi des populations nigéro-maliennes, autant Nigériens que Maliens et on essaie d’apporter le peu qu’on peut en territoire malien. Du côté nigérien, il y a un État qui est là et qui n’a heureusement pas connu la crise que le Mali a connue. Côté nigérien, il y a une armée qui est là et qui arrive à subvenir aux besoins élémentaires des populations, notamment en termes de sécurité. Le Niger a une politique qui tisse des relations avec les communautés qui vivent le long de la frontière. Pas forcément le MSA, mais toutes les communautés qui vivent dans cet espace et qui ont des relations avec l’État nigérien autant qu’avec l’État malien.

 

Dans un rapport de la MINUSMA daté du début de l’année, votre mouvement est accusé de violation des droits de l’homme…

C’est farfelu. Le MSA n’a jamais pris part aux exactions ou crimes sur des civils. Il y a un problème datant de plus d’un quart de siècle le long de cette frontière Mali – Niger et certains profitent de la prolifération des armes pour régler leurs comptes. Des familles Idaksahak entières, mais aussi Imghad et Idourfane ont été exterminées par des bandits dans la zone et personne n’en parle. Le MSA ne cautionnera jamais ce genre de pratiques. Tout bandit, qui qu’il soit, ayant été pris en train de s’en prendre à des civils sera remis aux autorités compétentes. Comme je l’ai dit auparavant, le MSA se tient à la disposition de toutes les organisations humanitaires indépendantes pour aider à améliorer la situation des droits humains dans la zone.

Les attaques contre les civils continuent, même si les affrontements ne sont plus aussi récurrents qu’avant…

Il y a effectivement des exactions sur des civils. La dernière est celle qui a coûté la vie à vingt-sept personnes. C’était un problème communautaire entre Idarfane et Iboghallitane, deux communautés de la région de Ménaka. Il y a eu des gens qui ont été assassinés parce qu’ils avaient de l’essence, des voitures et d’autres biens. Ils furent malheureusement tués dans une embuscade. C’est vrai que ces exactions existent, mais cela a beaucoup diminué depuis un certain temps. L’alliance GATIA – MSA a demandé dans plusieurs de ses communiqués que les civils soient épargnés par les malfrats et les groupes armés qui sont en collusion avec les GAT (Groupes armés terroristes). Il y a aussi des règlements de comptes. Mais également des initiatives pour rapprocher les communautés afin de trouver une solution entre elles.

 

Aux dernières nouvelles, les combattants du MSA ont du mal à entrer à Kidal pour participer au processus de DDR accéléré ?

Le Pacte qui a été signé récemment entre les Nations Unies et le gouvernement malien a tranché cette question de l’inclusivité et convenu de la nécessité de l’inclusion des mouvements, notamment ceux qui sont une réalité dans une partie du territoire. Il est vrai que nous avons envoyé des combattants pour le MOC de Kidal, mais aussi à Gao et à Tombouctou, puisque la communauté internationale l’a décidé. À Kidal, il y a eu une incompréhension, mais c’est en train d’être résolu par la MINUSMA et le Secrétaire général de la CMA. On n’a aucun intérêt à être responsables d’entraves à la mise en oeuvre de l’Accord.

À Tombouctou, les hommes du MOC sont très généralement la cible des groupes djihadistes. Il y a eu plusieurs officiers tués…

Tombouctou, c’est comme Gao et Kidal. On a vu ce qui s’est passé en plein jour à Gao, où on a assassiné un richissime homme d’affaires en pleine ville. On a vu ce qui s’est passé à Kidal, où encore deux notables ont été assassinés en pleine ville. C’est un phénomène qui touche tout le monde. À Tombouctou et à Gao, il y a un manque de collaboration entre les forces présentes dans ces villes. C’est déplorable. Je n’ai pas connaissance de patrouilles mixtes entre les mouvements, les FAMA, l’opération Barkhane et la MINUSMA. C’est la même chose à Kidal. Il faut la collaboration et la participation de tout le monde. Les patrouilles ne doivent pas être partielles. Je ne comprends pas qu’il y ait des mouvements qui soient acteurs et qui ne soient pas associés au maintien de l’ordre. C’est ce qui manque aujourd’hui et tant qu’on ne le fera pas, on ne pourra pas s’en sortir. En outre, la sécurisation ne se limite pas aux patrouilles mixtes, elle peut se faire à travers le renseignement, l’information, la connaissance des acteurs, l’identification des gens… Ce sont tous ces mécanismes qu’il faut pour maitriser une ville.

On a comme l’impression que l’insécurité s’est déplacée de la frontière Mali – Niger à la frontière Niger Burkina. Qu’est-ce qui explique cela ?

C’est simple ! Nous avons traqué les bandits chez nous et comme il n’y avait pas au même moment une opération de sécurisation de la frontière Niger – Burkina, les bandits sont partis se cacher là-bas et font des attaques maintenant dans cette zone. À chaque fois qu’il y a une pression côté nigérien, ils vont du côté burkinabé. Quand vous mettez la pression côté burkinabé, ils descendent vers le Gourma. Il est important que nos États et leurs partenaires comprennent qu’il faut un mouvement d’ensemble pour canaliser et traiter la menace.

Malgré les frappes contre la Katibat Macina, les attaques contre l’armée burkinabé continuent. Ce week-end encore, 5 soldats ont été tués par une mine…

Le Burkina est attaqué à partir du Mali, ce qu’on ne dit pas assez. Les frontières sont poreuses. Ceux qui attaquent le Burkina sont associés à un certain Abdel Hakim, qui est dans le Gourma, et bien évidemment la mouvance d’Amadou Kouffa, qui a été récemment neutralisé par l’opération Barkhane et qui sévissait au centre. Les opérations menées par Barkhane avec l’armée malienne vont avoir un impact positif, même sur la sécurité du Burkina.

Justement, c’est pour cela que le G5 Sahel a été créé. Mais sa force de 5 000 hommes met du temps à mener des opérations conjointes…

À la création du G5 Sahel, nous étions pleins d’enthousiasme, mais aujourd’hui chacun est resté sur sa faim. Nous parlons du G5 Sahel, mais on ne l’a jamais vu concrètement sur le terrain. Il ne faut pas oublier que si le G5 Sahel doit s’appuyer sur ces armées, il faut que ces armées soient fortes. Je sais qu’au Mali on est en train de fournir des efforts, mais il faut que la nouvelle armée soit reconstituée d’abord. Je pense que c’est ensuite que cette armée sera à mesure d’accomplir cette mission.

 

L’Algérie est une puissance régionale, mais elle ne fait pas partie du G5 Sahel. Est-ce que vous pensez que c’est à déplorer ?

Sur les 5 pays du G5 Sahel, trois ont des frontières avec l’Algérie, un pays qui a une grande expérience dans la lutte contre le terrorisme. L’Algérie est l’un des pays les plus aptes à apporter des réponses à ces menaces et son implication est une priorité dans la résolution de la menace que tout le Sahel est en train de vivre. Mais il y a bien une coopération entre l’Algérie et les États voisins.

Propos recueillis par Baba Ahmed

Figaro Mali

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