Le succès de Wagner en République Centrafricaine (RCA) s’explique par le fait que les groupes rebelles là-bas mènent une «guerre conventionnelle». Les deux adversaires s’affrontent. Le mieux entrainé et le mieux équipé et le mieux renseigné l’emporte sur l’autre. Telle n’est pas la réalité de la crise malienne.
L’adversaire ne vient pas frontalement. Il use de la ruse et de sa parfaite connaissance du terrain pour tendre des embuscades, poser des EID ou mener des attaques éclairs et disparait.
Il n’occupe pas d’espace géographique d’où il faudrait le déloger.
Pire, il se fond dans l’environnement social après le forfait. C’est souvent le voisin, le cousin, le frère qu’on côtoie en famille tous les jours.
Contre cela, Wagner ne pourra pas grand-chose, car peu adapté à ce genre de situations. Cela requiert une parfaite connaissance de la sociologie, des langues, de l’histoire, des alliances…
Face à cette crise, j’estime qu’il faut plutôt adopter une approche multidimensionnelle consistant à:
– mener une action de «containment» au plan militaire (cette technique pourrait être développée en cercle restreint par les spécialistes);
– parallèlement il faut s’attaquer aux causes profondes de la crise ( règlement des litiges selon les modes traditionnels de règlement, remettre dans leurs droits les anciens dignitaires spoliés de leurs biens par le passé, définir des aires géographiques affectées au pâturage et à l’ agriculture selon les pratiques traditionnelles, accepter que le droit islamique s’applique dans les relations sociales selon les traditions locales, à l’exception du domaine pénal. Les parties directement concernées doivent en accepter le principe);
– poursuivre l’action humanitaire en faveur des plus démunis et des plus vulnérables des zones concernées ;
– créer des projets à impact rapide au profit de la jeunesse désœuvrée dans les zones concernées en s’inspirant des réalités économiques locales;
– encadrer la jeunesse en lui assurant une formation professionnelle et l’apprentissage correspondant aux domaines d’activité économique prévalant dans les zones concernées;
– encadrer les programmes formation dans les médersas et former les formateurs;
-engager des discussions holistiques avec les leaders religieux et chefs traditionnels qui exercent encore une certaine influence morale sur les groupes armés afin de les amener à la table de discussion. Eviter les micros négociations dont l’impact est limité ainsi que la durée de vie de leurs résultats.
Dans tous les cas de figure, les appels.de détresse des populations soumises à la pression quotidienne des groupes armés ne peuvent rester sans réponse, sinon la désaffection de ces mêmes populations n’en serait que plus compréhensible.
Alors, il faut radicalement changer de stratégie et se bouger et ne pas trop miser sur l’appui extérieur, car l’appui extérieur pourrait s’estomper à tout moment, nous laissant seuls notre triste sort!
Les décideurs doivent avoir l’humilité de reconnaitre leurs propres limites et faire appel à leurs compatriotes civils et militaires qui ont accumulé les savoir et le savoir-faire. Nul ne doit demeurer à la marge.
C’est seulement ainsi que nous sauverons le bateau Mali qui est en train de nous mener à la dérive.
J’ai écrit ceci et je l’offre comme contribution au débat.
Cheick Sidi Diarra
Source : Info-Matin