Sortant de l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako, section Lettres modernes, Moriba Diawara est un jeune journaliste et téléconseiller. Amoureux des lettres, le natif de Kollé, village situé dans cercle de Kati (région de Koulikoro) au Mali vient de publier son tout premier ouvrage intitulé “Le péché de la chair” chez Innov Editions. Nous avons pu échanger avec l’auteur autour de son roman qui parle du mariage précoce et forcé et aussi de la violence sur la gent féminine dans notre société, à travers l’histoire tragique de Nagnouma, l’héroïne du livre mettant à nu une vieille réalité qui continue de sévir dans notre société.
Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous nous présenter votre ouvrage ?
Moriba Diawara : “Le péché de la chair” est un roman. Un cri de cœur, une dénonciation pure et simple du viol et du mariage précoce. C’est pourquoi, je l’ai écrit dans un langage expressif et très révélateur, en m’attaquant ouvertement aux agresseurs sexuels de filles ou de femmes. D’abord, je voudrais éclairer la lanterne des lecteurs sur un point prépondérant, à savoir que l’histoire de Nagnouma se passe dans une Siby totalement imaginaire, puisqu’il s’agit du roman. Une ville historique, proche de mon village natal Kollé, à laquelle j’accorde une grande considération historique.
Mon village faisant partie de son arrondissement, j’ai transporté certaines réalités de Kollé dans la ville de Siby. Donc, toutes les données développées dans le roman ne sont pas forcément les réalités de la ville, les clans, etc. A travers l’histoire de Nagnouma, j’incite la jeunesse malienne à prendre conscience de sa situation et des maux qui l’engorgent à et opter pour le bon sens des choses. En effet, ce qui est arrivé à Nagnouma est un péché grave, injustement et brutalement commis par un homme pervers dénommé Fafré, l’époux de Kadia, la fornication au sens religieux, sur une petite fille de treize (13) ans.
Pourquoi le choix de ce tire “Le péché de la chair” ?
Je voudrais d’abord expliquer la sémantique des mots du titre. “Le péché de la chair” contient deux mots majeurs, “péché et chair”. “Péché” renvoie à l’état de celui qui commet un péché, religieusement bien sûr ; et Chair, c’est la chair de l’homme, Homme avec grand H. Donc, le péché que pourrait regorger le corps ou la chair de l’homme, c’est le péché de la chair, qui renvoie très clairement à l’adultère et la fornication. Comme pour dire que la chair de l’Homme est sacrée, surtout celle de la gent féminine.
Le choix de ce titre “Le péché de la chair” m’est venu après la fin du roman. Je me suis dit, pourquoi ne pas choisir un titre en rapport avec la religion et plus mystérieux pour montrer l’ampleur du drame. C’est justement pour que le lecteur se sente vexé à première vue.
En échappant au mariage forcé, Nagnouma tombe sur pire, c’est-à-dire le viol. Ne serait-ce pas mieux, dans son cas, d’accepter la proposition de ses parents ?
Le respect de nos coutumes et des paroles de nos parents sont deux éléments primordiaux dans l’évolution d’un enfant, en tout cas pour sa réussite dans notre société. Le cas de Nagnouma est une réalité qui sévit dans nos campagnes car à travers le mariage précoce et forcé, les jeunes filles fuient les villages pour venir dans les grandes villes, surtout à Bamako où elles seront des aide-ménagères. Compte tenu de ces réalités, “Le péché de la Chair” intervient auprès de nos vieux parents habitant au village pour leur faire comprendre que nous sommes au 21è siècle, que la force ne résout rien, absolument rien. L’Islam dont nous sommes des pratiquants n’admet pas le mariage forcé, la majorité, bien sûr.
Pensez-vous que si elle avait accepté la proposition de son père, cela ne serait pas arrivé ?
Même si elle acceptait la proposition de son père, son mariage avec Bréhima, le fils du marchand, elle aurait accouché d’une atroce manière au vu de son âge. Il faut reconnaitre que plusieurs jeunes filles de son âge ont péri lors de leur accouchement et continuent de rendre l’âme. Selon elle, sa fuite pouvait éviter qu’elle soit à la merci de l’injustice face à son immaturité sexuelle.
Nagnouma, très éveillée malgré son jeune âge, au regard des verbes qu’elle utilise, avait tenté de faire comprendre à ses parents, en essayant de convaincre sa mère d’intercéder en sa faveur. Chose qui paraissait impossible car une femme n’accorde pas la main de sa fille à un homme.
Comment jugez-vous le personnage de Tante Kadia dans votre livre ?
Humble, honnête et forte de caractère, Kadia est un personnage érigé à l’image d’une femme battante, défenseuse des femmes et pourfendeuse de l’injustice. Elle est juriste de formation, mais cela ne l’a pas empêché de pratiquer d’autres activités contraires à son profil. Renoncer à l’amour conjugal au profit de la justice pour les femmes est un acte qui fait d’elle un personnage exceptionnel. Honnête, elle sacrifia son mariage pour défendre sa domestique. Chose lui ayant permis de fonder un mouvement féminin contre le viol et le mariage précoce et forcé.
Quel est votre regard sur le phénomène du mariage précoce et la violence sur le genre dans notre société ?
Dans notre société actuelle, nous perdons nos valeurs et nos sens de compréhension. Et la nouvelle génération a une grosse part de responsabilité sur le devenir de cette Nation. En effet, selon les statistiques de l’Onu-femmes, plus de 35% des femmes maliennes sont victimes de violences sexuelles au moins une fois dans leur vie ; et 35% dans le monde. Si ces chiffres sont réels, alors c’est inquiétant. A l’heure actuelle, 650 millions de femmes et de filles dans le monde ont été mariées avant l’âge de 18 ans, toujours selon Onu-femmes.
Des chiffres très interpellateurs. Je pense que nous devons multiplier les actions afin de réduire ces violences dans notre société.
Un mouvement est créé pour combattre le mariage précoce, forcé et la violence sur le genre, le coupable du viol sur la petite Nagnouma est en liberté provisoire…Peut-on s’attendre à une suite de l’histoire ?
Je suis en voie pour faire une trilogie avec ce roman car en se référant à la fin de Nagnouma, le lecteur se lance dans le suspense. Aïcha, fille de Nagnouma, aura son histoire à elle car elle grandira chez Tante Kadia à Bamako. La suite de l’histoire suivra.
Quel sera votre mot de la fin ?
Je lance un appel à la jeunesse, à ceux qui se livrent à ces actes, à être conscients de la gravité du viol et tout ce qui s’en suit comme conséquences. Je vous remercie aussi pour l’intérêt que vous portez à mon livre.
Réalisé par Youssouf KONE