Cela fait 60 ans, jour pour jour, que le Mali créa sa propre monnaie sous feu le Président Modibo Keita. La monnaie a été remplacée par le Franc CFA au bout de cinq ans de mise en circulation. La célébration de cet anniversaire soulève des interrogations sur la politique monétaire que devrait adopter le Mali pour assurer son développement.
Le Mali, nouvellement indépendant, sort de la zone Franc et crée sa propre monnaie, le 1er juillet 1962. Ce sera le Franc malien.
La création du Franc malien visait à « financer le plan de développement économique et social pour une période de 5 ans », rappelle l’économiste Modibo Moa Makalou. « Si vous avez votre monnaie, cela vous donne plus de marge de manœuvre, mais la monnaie c’est d‘abord la discipline et la rigueur. Evidemment, toute monnaie doit être adossée à des avoirs. C’est très important en matière de gestion monétaire », soulignera l’économiste.
Au bout de cinq ans de mise en circulation du Franc malien, le Mali demande à réintégrer la zone Franc. Une demande qui ne sera effective qu’en 1984. C’est au cours d’une conférence débat que l’Association pour la Promotion des Idéaux des Pères des Indépendances africaines (Api-Pia) a commémoré, le samedi 20 août, au Mémorial Modibo Keïta, le 60e anniversaire de la création du Franc malien.
La conférence débat a été animée par un panel d’experts, dont Djonké Diarra, ancien ministre, Douada Tékété, journaliste chercheur, Gaoussou Diarra H., Modibo Mao Makalou, économiste.
A tour de rôle, les experts ont tiré les enseignements de la création du Franc. Selon les conférenciers, plusieurs difficultés ont poussé le Mali à réintégrer la zone Franc quelques années après. Sa non-convertibilité est le principal obstacle qui a manqué au Franc malien, a noté l’économiste. Pour qui, « il fallait que nous ayons encore recours à la France pour assurer notre convertibilité ».
« Le prix d’une monnaie par rapport à une autre est fixé en fonction des échanges mais, si votre monnaie n’est pas consommée en dehors du pays, il va falloir des devises pour acheter à l’extérieur. Mais, il faut aussi vendre à l’extérieur pour avoir des devises. Si vous ne transformez pas, évidemment ça va être très compliqué », a expliqué le conférencier.
60 ans après, quelle politique monétaire alors pour le Mali ? Sur la question les avis sont partagés. Pour l’Association pour la Promotion des Idéaux des Pères des Indépendances africaines (Api-Pia), les évènements politiques et économiques qui ont secoué la sous-région ces derniers temps, l’acuité de la question monétaire et leurs « impacts négatives et néfastes sur notre pays nous obligent à penser à la nécessité de la posséder une monnaie ».
De l’avis de l’ancien directeur général du trésor, des banques et des assurances et gouverneur suppléant de la banque mondiale pour le Mali, Dr. Abdoulaye Amadou Sy, si le Cap-Vert a créé sa monnaie et arrive à la gérer pour son développement, tout autre pays devrait pouvoir le faire. Mais encore, précise le président de la Coalition des forces patriotiques pour le Mali, « la création monétaire repose sur la confiance et cette confiance c’est le développement à la base ou bien des garantis solides qui amènent les autres à avoir confiance aux biens que vous émettez ».
Avoir une monnaie nationale n’a pas tellement de sens, aux yeux Modibo Mao Makalou. L’économiste a défendu sa position aux cours des débats. « Aujourd’hui, l’inflation est fixée à 2 % par la banque centrale des Etats-Unis mais, elle est à 9 % aux Etats unis… Dans les huit pays de l’Uémoa, la Bceao a fixé le seuil de l’inflation à 3 %, mais nous sommes à 7,5 %. Donc toutes les banques centrales ont des difficultés pour faire face à l’inflation. Plus un petit pays a sa propre monnaie, plus il aura des difficultés », a souligné le conférencier.
- Makalou soutient l’idée selon laquelle, il nous faut aller vers de grands regroupements. « L’avenir du F CFA se trouve au sein de l’Eco, dont le lancement est reporté en 2027. Les 15 pays de la Cédéao pourront se projeter en ce moment ».
A l’encore, si cela se fait, « l’Afrique de l’ouest pourrait être la 18e puissance économique au monde ». Mais, pour que les pays aient la même monnaie, précise l’interlocuteur, il faut une convergence économique, de la rigueur et qu’on puisse harmoniser les politiques monétaires et fiscales. « C’est ça la principale difficile parce que les pays n’ont pas le même niveau de gouvernance », notera le conférencier.
A l’ouverture de la conférence débat, les membres l’Api-Pia ont rendu un hommage à la mémoire des combattants de l’indépendance et des victimes de la crise actuelle.
Aux dires de sa présidente, Mme Maïmouna Diakité, l’association a pour mission de défendre les valeurs et actions des combattants pour l’émancipation sur le continent africain.
« Après 60 ans d’indépendance, les idéaux et les solutions qu’ils préconisaient demeurent d’actualité aux regards de la nature et de l’ampleur des défis à relever », a-t-elle laissé entendre.
Kadiatou Mouyi Doumbia
Source: Mali Tribune