Candidat à sa propre réélection lors du scrutin d’hier, 14 mai 2023, le président Recep Tayyip Erdogan n’a pas, après vingt et un an au pouvoir, la faveur des sondages. Lesquels ont prédit sa défaite face au désormais candidat unique de l’opposition turque. Un pronostic à prendre au sérieux avec le retrait du troisième candidat à la présidentielle. Ainsi, plus que jamais, le ‘’Tous contre Erdogan !’’est incarné par Kemal Kilicdaroglu.
Désormais soutenu par l’ensemble de l’opposition, celui-ci a toutes les chances de remporter la majorité absolue dès le premier tour. Lorsque nous mettions sous presse, le vainqueur n’était pas encore connu. Toutefois, une chose est évidente : ce scrutin est le plus disputé en Turquie depuis que le président sortant a les rênes du pouvoir. Car, lors de cette Présidentielle (largement disputée) six partis d’opposition (dont un d’extrême droite et violemment anti-kurde) ont choisi de s’unir pour soutenir le candidat Kemal Kilicdaroglu.
Cet ancien fonctionnaire a juré que s’il gagnait, il restaurerait l’indépendance des Institutions de la République, libérera les prisonniers politiques et renforcera les normes démocratiques. Mais qu’en serait-il des relations extérieures de la Turquie ? Les observateurs politiques ne prévoient pas de grand bouleversement quel que soit le vainqueur, tous les deux candidats étant nationalistes.
Avec Erdogan, la Turquie s’est comportée comme un Etat non aligné, ce qui a parfois déconcerté ses alliés de l’OTAN. En l’occurrence, les USA. Le dossier ukrainien a permis au Président Erdogan de se révéler en «faiseur de paix» et en négociateur hors-pair. La Turquie est le seul pays qui est parvenu à entretenir des relations confiantes tant avec l’Ukraine qu’avec la Russie. Ainsi, c’est notamment sous la médiation d’Ankara que la Russie et l’Ukraine ont signé, fin juillet 2022 à Istanbul, un accord pour l’exportation de céréales ukrainiennes.
Pour calmer les tensions avec ses voisins régionaux, le président turc est allé en visite officielle en Égypte. Un pays qui s’oppose pourtant à Ankara en Libye par alliés interposés. Ensuite en Arabie saoudite avec laquelle la Turquie dispute le leadership de l’Islam dans les pays arabes. Il a eu des entretiens Sa Majesté royale et le Prince héritier, Mohammed Ben Salmane. Cette rencontre a été qualifiée par les analystes d’historique.
Le Président Erdogan a aussi tiré profit de la position de la Turquie dans l’OTAN pour poursuivre le combat de l’Etat contre les séparatistes kurdes soutenus par le PKK. La Turquie s’est ainsi opposée à l’adhésion de la Suède qui offrait un généreux asile à des militants kurdes aux visées radicales.
Si Erdogan perdait la présidentielle, il n’y aurait pas forcément de changement majeur dans la politique extérieure de la Turquie. En revanche, l’on s’attend à un bouleversement à l’interne.
Gaoussou Madani Traoré
Source : Le Challenger