Ce 5 octobre 2019, nous avons baigné dans un jeu d’histrion politique. Nous avons vu à quel point il est difficile de s’élever au-dessus de la mêlée dans les sphères de Koulouba. Doit-on en rire ou pleurer ? La question est très sérieuse pour l’avenir du Mali.
Si personne ne sait, pourquoi le Chef de l’Etat ouvre le débat sur la fin prochaine de son règne, il est certain que sa déclaration a un lien avec la tragédie de Mondoro et de Boulkessi. Une tragédie sur laquelle le peuple attend toujours de savoir toute la vérité, en particulier les dessous militaires et politiques doivent être portés à la connaissance des Maliens en termes de responsabilité.
Sentant monter la grande colère dans le pays contre son pouvoir, une grande peur s’est semble-t-il emparée du Palais. C’est à la façon d’un exercice d’exorcisme verbal pour se rassurer, que le Chef de l’Etat a déclaré qu’un coup d’Etat n’est pas à l’ordre du jour. Une intervention semble-t-il tombée comme un cheveu dans la soupe. Il est vrai que dans notre longue histoire militaire en la matière, les conjurés n’ont jamais pris l’habitude de venir demander la permission de renverser le pouvoir contesté.
De toute façon, coup d’Etat ou pas, il y a une obsolescence programmée sur 4 ans pour tout pouvoir fondé sur le mensonge, le vol et la triche. Passé ce délai, la survie d’un tel système est fonction du contexte, mais ne repose sur aucune légitimité.
C’est pourquoi, nous écrivions il y a deux ans que le fait pour IBK d’envisager un 2e mandat pour un président qui avait du mal à terminer le premier, était en soi une provocation et un mépris pour le peuple. Cette conviction procédait du constat que le Pouvoir IBK avait atteint toutes ses limites. Le pays était en train de vivre 5 années blanches perdues pour le développement et la sécurité.
C’est naturellement qu’aujourd’hui, du haut de l’ivresse du pouvoir, on atterrit brutalement dans l’angoisse d’une fin de règne précipitée.
Qui peut-il lui faire peur à ce point ? Il a peut-être ses raisons, mais en ce moment pleurnicher sur le sort d’un pouvoir factice ne semble pas être la meilleure des solutions. La crise libyenne qu’il invoque aujourd’hui dans nos problèmes existe en 2011. Il l’a utilisé contre son prédécesseur, lui était plus préoccupé à occuper un fauteuil, qu’à mûrir une ambition pour le Mali.
Il est clair maintenant que nous avons besoin des idées qui répondent aux urgences du moment et non celles qui trouvent une réponse aux menaces du passé. La description faite de la situation libyenne est sans effet sur l’absence d’intelligence collective à même de gérer notre présent.
C’est en raison de cette absence d’intelligence collective organisée que le pays est bloqué, que les Maliens ne peuvent plus supporter 4 ans de plus d’un règne aussi prédateur qu’inefficace, tant la gouvernance actuelle a organisé la faillite du pays.
Après Boulkessi, la preuve est faite que « l’homme de la situation » et son clan ne peuvent plus continuer à diriger notre pays à moins que nous soyons des adeptes du suicide collectif.
Il est temps de mettre fin à cette humiliation permanente de notre nation et de son armée. La seule alternative crédible qui s’offre au pays est une transition ordonnée, parce que procédant d’un pacte national scellé par toutes les forces vives. Il est de notoriété publique maintenant que le candidat IBK a perdu les élections, que cette illégitimité le poursuivra jusqu’au jour où le peuple se donnera une nouvelle légitimité.
Somme toute, au regard du tableau sombre de l’état du Mali, le chef de l’État doit, à froid sérieusement tirer les conséquences de son échec à la tête du pays.
Autant son ami, François Hollande qualifié « Président des temps perdus» en France, autant le règne de IBK aura été celui des vies perdues tant les morsures de l’incompétence auront inoculé les venins de la mort à tous les niveaux de notre société.
Plus de 6000 morts civils et militaires de 2013 à 2018. Les organisations humanitaires, dénombrent 120 000 personnes déplacées, alors que plus de 179 000 enfants sont privés de leur droit fondamental à l’éducation parce que 926 écoles sont restées fermées du fait des violences liées à l’insécurité ; 3,8 millions de personnes sont touchées par la famine.
Le pays est bloqué, la gouvernance est en panne, l’effondrement devient chaque jour un peu plus apparent. En instaurant lui-même le débat le 5 octobre dernier, il pourrait envisager de rendre sa démission avant que le peuple ne l’y oblige, faute d’avoir pu imiter son ami François Hollande, de ne pas se représenter à la présidentielle de 2018.
En tout état de cause, contrairement à ses prédictions, les Maliens ne supporteront plus une réédition de Mondoro et de Boulkessi.
Souleymane Koné
Ancien Ambassadeur
Source: L’Aube