Etaient présents autour de l’invité du jour, Mohamed Ali Bathily, Chahana Takiou du groupement patronal de la presse écrite, Aliou Djim de l’Union des radios et télévision libre du Mali et Seydou Oumar Traoré de l’Ortm qui assurait la police du débat. Le débat était porté sur la gestion des domaines de l’Etat et le sempiternel problème foncier.
A la question de faire la différence entre les domaines de l’Etat et les biens de l’Etat, Mohamed Ali Bathily dira que les domaines c’est l’ensemble des biens de l’Etat, à savoir les biens fonciers, meubles. C’est un ensemble des choses qui appartient à l’Etat. Selon lui, les biens relèvent du terme juridique et le domaine est relatif au politique. La catégorisation des domaines sur le plan juridique serait le bien.
Détournement des biens de l’Etat par les agents en fin de service
Au sujet du cadre réglementaire relatif à l’appropriation des biens de l’Etat par les fonctionnaires de l’Etat, il a fait savoir que les biens de l’Etat sont régis par un régime juridique qui s’acquiert selon des procédures ,qui relève au départ, des fonctionnaires des marchés publics et qui situe l’affiliation du bien par rapport au service de l’Etat. Selon lui, il existe normalement une comptabilité matière qui prend en compte le bien dans le patrimoine de l’Etat, de son entrée à sa sortie. Cette comptabilité matière est menée sous la responsabilité des directions financières et du matériel, et le compte rendu final est transmis au ministère de l’économie et des finances.
Toutefois, souvent les gens affirment qu’un tel est parti avec les biens de l’Etat, et quand on prend les procès-verbaux des passations de services publics, dit-il, il n’y a nulle part un bien manquant et qui aurait été enlevé par le responsable partant. Si le président de la République l’a soulevé lors de la remise du rapport du vérificateur, c’est suite à la vérification faite par le vérificateur.
Mais c’est un contrôle a posteriori. Car celui qui a effectué la passation de service aurait du révéler cela. Le phénomène est, peut- être, bien réel parce que la faiblesse des procédures de passation de service et la mise en œuvre de la comptabilité matière ont probablement ouvert le boulevard.
Par ailleurs, il soutiendra qu’aucune passation de service ne se fait sans des contrôleurs externes. « Celui qui est chargé d’effectuer le contrôle est le coupable et à défaut d’être coupable il est complice », a-t-il commenté. Avant d’ajouter que si la comptabilité matière est mal tenue, cela relève non seulement de l’existence des textes mais aussi d’un principe qui n’est pas induit des textes. Et qui s’attache à la moralité de celui qui applique les textes. C’est le principe de la loyauté dans l’application des textes. « Dès que le seuil moral de celui qui applique la loi s’affaisse, l’application de la loi s’en ressent », a-t-il précisé.
Par rapport aux ministres qui logent chez eux disposant ainsi des biens de l’Etat qu’ils ne restituent pas au terme de leur fonction, Mohamed Aly Bathily répondra que ce n’est pas normal. Il a souligné qu’il n’est pas aussi normal qu’un ministre ne soit pas logé, meublé dans une résidence de l’Etat, mais il y a manifestement une insuffisance des habitations pouvant abriter les ministres. « La réalité de l’Etat n’était-elle pas la copie d’un vrai Etat ? Les moyens et les pouvoirs de l’Etat étaient transférés dans des réseaux privés. Ces réseaux privés utilisaient les moyens de l’Etat à des fins personnelles », a-t-il soutenu.
Toutefois, il a précisé qu’il n’a aucune connaissance des ministres qui ont exproprié les biens de l’Etat. Mais une enquête, dit-il, pourrait le montrer. Par rapport à la gestion du parc automobile de l’Etat, dont certaines voitures de l’Etat deviennent très souvent des propriétés privés et le plus souvent d’usages abusifs. Il a estimé que ce volet de la gestion du parc automobile de l’Etat a été confié au ministre de l’Economie et des Finances. Néanmoins, il a indiqué que la gestion des voitures de l’Etat nécessite de la transparence et de la réglementation. Pour l’utilisation des véhicules de l’Etat en dehors des heures de service, il a noté que le gouvernement est déterminé pour que cela cesse. Et de préciser que le décret 10-681 P-RM du 30 décembre 2010 qui détermine la durée de vie des véhicules de l’Etat, variant de quatre à cinq ans.
Et après, ils seront soumis à la reforme. Pour la cession des bâtiments publics, il a fait savoir que la vente des bâtiments ne vient pas par hasard. L’administration a été cannibalisée par le développement du marché. Le marché s’est étendu et comme de façon tentaculaire a empêché toutes les autres structures de fonctionner normalement dans leur rationalité propre.
L’Etat s’est donc retrouvé sans bâtiments. Car certains bâtiments sont impropres à l’usage administratif et l’Etat les vend tout en faisant un cahier de charge, une expertise. Toutefois, il a précisé que juridiquement l’annulation de ces ventes obéit à des critères, entre autres : la qualité du vendeur, la valeur économique (la lésion).
Après l’annulation de 50 titres fonciers, 600 hectares encore dans le cercle de Kati annulés
En abordant la problématique foncière, Mohamed Ali Bathily a précisé qu’il a lui-même été confronté à un problème d’acquisition de titre foncier sur sa parcelle et son champ dans le bureau des domaines de Kati. « Chaque fois que j’ai voulu immatriculer mes propriétés foncières datant de 1989, on m’a donné les tarifs de l’Etat et les autorités en charge me demandent de payer des pots-de-vin. Ceux qui viennent frapper à la porte de la légalité n’ont pas de titres fonciers, mais ceux qui passe au travers des moyens extrajudiciaires ont leur titre », a-t-il dit.
Curieusement, dit-il, trois experts de la banque mondiale ont séjourné dans notre pays, ils ont écrit à la suite de leur mission un ouvrage sur la gestion foncière de la terre. L’un s’est consacré à observer le phénomène et à écrire l’ouvrage .Un autre a contourné les voies légales pour accéder aux titres, il l’a eu au bout de trois mois. Et le troisième est passé par les voies légales, il y a de cela six ans, il n’a toujours pas son titre foncier. Ce qui atteste que tout ce qui entoure la gestion foncière au Mali est universellement connu de tous.
Au sujet du bien fondé de l’annulation de 50 titres fonciers appartenant à des sociétés immobilières, il a indiqué que c’est après une enquête approfondie, ponctuée de visites de terrain, qu’il a annulé. Les terrains ont été cédés sur la base des concessions rurales à 80F le mètre ; au moment de payer, ils ont basculé dans le code des investissements pour chercher des facilités. Au lieu de 80 F, on leur a donné à 40 F le mètre.
En outre, au moment de payer, ils ont demandé la facilité de payement au lieu encore de 40F, il a été cédé à 20 F. Comme si cela ne suffisait pas, ils se sont engagés à construire des maisons sur trois ans. Les titres ont été donnés de 2006 à 2009. Et on a largement dépassé les délais de mise en valeur sans qu’aune brique ne soit posée. L’autorité qui a délivré les titres a dépassé leur seuil de compétence. « C’est par la fraude qu’ils ont acquis ces titres et la fraude ne peut pas créer un droit », a-t-il soutenu.
Avant d’ajouter qu’une plainte a été déposée contre les administrateurs qui ont été à la base de ces situations. Cela est qualifié de crime contre la sûreté intérieure de l’Etat. Il a saisi cette occasion pour annoncer qu’il a annulé en plus de 50 titres, 600 hectares dans le cercle de Kati. Le titre foncier doit incarner la vérité et la réalité d’une situation foncière.
Conformément aux textes en vigueur, celui chargé d’établir un titre foncier doit utiliser tous les outils de vérification de la situation juridique de cette terre à savoir : demander, enquêter et s’assurer que ces terres n’ont aucun autre propriétaire que celui qui en demandé l’immatriculation.
Partant, il a fait savoir que le mode d’appropriation traditionnel de la terre est qu’il n’y a pas de propriété individuelle de la terre. La terre appartient à des familles, à des regroupements de communautés. Qu’un seul se détache pour vendre une terre signifie que celui-là n’a pas la qualité de vendre. « Il ne peut pas vendre un bien indivis. Cette vente n’est pas valable », a-t-il souligné.
S’agissant des servitudes ferroviaires, il affirme que pour l’heure, le Mali n’a pas les moyens de développer son chemin de fer, mais personne ne pourra parier sur l’avenir.
Par conséquent, les servitudes ont été créées pour le développement du chemin de fer. Mais elles ont été phagocytées par la gourmandise de certains élus. Alors qu’il est prévu dans les dispositions règlementaire que les servitudes à l’intérieur des villes est de 20 mètres et 50 mètres à l’extérieur des villes.
En dépit de tout, les gens ont construit à quatre mètre des rails. « Certains maires ont vendu ce qui était invendable. La vente n’existe pas. Si la loi dit qu’un tel domaine est incessible et inaliénable, nul ne peut le vendre, y compris le Maire. Vous ne pouvez pas vendre ce qui ne vous appartient pas. Tous ceux qui ont violé la loi reviendront dans la loi. » Le fait pour un Etat de violer sa propre loi est le début de la guerre civile.
« Toutes les guerres de l’humanité ont eu pour fondement la mauvaise gestion du foncier », a-t-il martelé.
Boubacar SIDIBE
Source: Le Prétoire