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Moctar Ouane, Premier ministre de la transition: Le M5-RFP victime de sa soif du pouvoir

C’est chose faite maintenant ! Le Mali s’est doté le dimanche 27 septembre 2020, d’un nouveau Premier ministre. Le choix du président de la transition, Bah N’Daw, s’est porté sur Moctar Ouane. L’homme est âgé de 64 ans et était jusqu’à sa nomination, Délégué général à la paix et à la sécurité à la Commission de l’UEMOA (Union économique et monétaire Ouest-africaine).

 

Avant ce poste, il avait servi comme ministre des Affaires étrangères de 2004 à 2009, sous Amadou Toumani Touré. Cette nomination est intervenue alors qu’au M5-RFP (Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques), des candidats se battaient, comme des chiffonniers, pour arracher le poste. Ils étaient en effet 14 à avoir acheminé leur CV au M5 pour dépôt à Kati. La première question que l’on peut se poser est de savoir : quelle sera maintenant la réaction du M5 ?

Le M5-RFP, grand perdant

À ce que l’on sache, ce haut fonctionnaire n’est pas issu de ses rangs. De ce point de vue, l’on peut se demander si le M5-RFP n’est pas le grand perdant dans le casting des 3 personnalités en charge de piloter la transition.  En effet, le choix du président de la transition, le civilo-militaire, Bah N’Daw, s’est opéré par la junte sans la moindre participation du M5. Et cela, on se rappelle, avait suscité l’ire de certains dirigeants du mouvement. Il était notamment reproché à la junte de travailler à l’accaparement du pouvoir. Après ce coup de froid entre la junte, et le M5, les putschistes avaient donné l’impression de se rattraper. Ainsi ont-ils demandé au M5 de leur proposer les CV de leurs cadres pour une éventuelle nomination au poste de Premier ministre ?  Ce qui fut fait avec promptitude. Et tenez-vous bien, ils étaient 14 au sein du Mouvement à avoir déposé leur CV. Cette pléthore de candidatures illustre à souhait, par ceux qui en doutaient encore, la boulimie du pouvoir au sein du M5-RFP. Et pendant qu’ils se piétinaient pour déposer leur candidature, voilà que la junte, pardon le tout nouveau président de la transition, se joue de tout ce monde, pour in fine, porter son choix sur Moctar Ouane. À l’analyse donc, on peut dire que le grand perdant est le M5-RFP. Et l’on peut se permettre de dire aussi que c’est bien fait pour ce mouvement. En effet, le M5 doit s’en prendre à lui-même d’abord pour avoir manqué de cohésion face à la junte et pour avoir laissé apparaître au grand jour, qu’il s’est battu pour les postes et non pour le Mali. 

En tout cas, cette posture était la chose la mieux partagée au sein du M5. Même le porte-parole de l’Imam Mahmoud Dicko, Issa Kaou N’Djim, pour ne pas le nommer, n’a pas résisté à cette course effrénée et fratricide vers le poste. Bien avant la nomination du nouveau Premier ministre, l’on notait déjà une fracture au sein du M5. En effet, d’un côté, l’on notait des gens qui militaient pour que le M5-RFP ne postule pas pour le poste. Et ils motivaient leur avis par la crainte de voir le futur Premier ministre jouer le rôle de marionnette aux  mains de la junte. Et le chef de file de cette ligne n’est autre que l’ancien ministre, Dr Choguel Kokala Maïga. De l’autre, l’on a les gens qui  ne jurent que par les postes. Et le poste de PM est à leurs yeux, l’un des « morceaux les plus viandés de la République », pour reprendre l’expression de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma dans « Les soleils des indépendances ». Maintenant que ce « morceau viandé » de la République vient de leur échapper, l’on peut s’attendre à ce qu’ils jettent désormais leurs dévolus sur les maroquins ministériels. Et ils n’y mettraient pas un minimum de dignité pour parvenir à leurs fins. Car, pour eux, seule pourrait compter la jouissance des privilèges de la République. Sans compter que pour certains d’entre eux, le gouvernement du nouveau Premier ministre représente certainement la dernière chance de leur vie pour devenir ministre. Elle n’est donc pas à gâcher, même si pour cela, ils doivent rompre avec  le M5-RFP. L’autre question  que l’on pourrait se poser est la suivante : que va faire maintenant la CEDEAO ? L’on peut s’attendre à ce qu’elle lève ses sanctions. Car, cette fois-ci, c’est une personnalité 100% civile qui a  été  nommée au poste. Et c’était une exigence de la structure communautaire.

Est-ce la fin du choc des ambitions ?

Pour ce choix purement civil, le suspense a été total dans une longue attente où le choc des ambitions l’a disputé aux incongruités d’une classe politique incapable de consensus même devant les grandes urgences qui assaillent le Mali : urgence sécuritaire, urgence de la cohabitation communautaire, urgence à restaurer l’autorité de l’État, etc.

Parlant d’incongruité et de choc des ambitions, on a le regard tourné vers les chamailleries au sein du Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5/RFP). Cette plateforme des principales composantes de l’opposition a été incapable de se mettre d’accord sur 3 personnalités à proposer au poste de Premier ministre. Les ambitions sont allées dans tous les sens au sein de ce Mouvement au point que c’est 14 CV qui ont atterri au camp de Kati sur le bureau du désormais vice-président du Mali, le colonel Assimi Goïta. Il faut du reste souligner qu’un 15e candidat au Poste de Premier ministre, non membre du M5-RFP, a aussi fait parvenir son CV à la junte.

Finalement, l’heureux élu est Moctar Ouané, 64 ans, ancien ambassadeur auprès des Nations unies, ministre des Affaires étrangères de 2004 à 2009 et actuel Délégué à la Paix et à la Sécurité au sein de la Commission de l’UEMOA.  Finalement, ce ne sera pas un candidat proposé par le M5. Ses dissensions internes expliquent-elles le choix d’un candidat en dehors de ses 14 propositions ?

Quoi qu’il en soit, les Maliens peuvent pousser un ouf de soulagement ! La Transition va enfin se mettre sur les rails avec la formation du gouvernement. Mais que l’attente fut longue, non sans éclaboussures sur la crédibilité de la classe politique malienne ! De fait, ce choc des ambitions pour occuper les postes les plus en vue de l’appareil d’État donne à penser que les détracteurs d’IBK, une fois son régime occis, se disputent la dépouille de l’hippopotame, Mali en langue bambara.

Maintenant que tous les postes au sommet de l’État sont pourvus, le choc des ambitions fera-t-il place au consensus autour des urgences qui attendent le pays ? Ou assisterons-nous à sa prolongation au sujet de la formation du gouvernement ?

En tout cas, il y a fort à parier que sur le décret de nomination de Moctar Ouane, le président Bah N’Daw n’aura fait qu’apposer sa signature, avalisant le résultat du casting des militaires.

Jean Pierre James

SourceLe Nouveau Réveil

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