La triste nouvelle a vite fait le tour de Bamako : Mme Sira Diop n’est plus. Elle est décédée dans la nuit du samedi à dimanche à l’âge de 84 ans. C’est une figure emblématique de notre pays qui vient ainsi de partir. Elle aura marqué de son empreinte, les cinquante ans du Mali indépendant.
Son parcours est exceptionnel. Ainsi, on peut être une Malinké/Kassonké, provenir d’une lignée royale et naître à Ségou en plein cœur du royaume bambara. Mme Sira Diop née Sakiliba (Sissoko) vit en effet le jour à Ségou le 31 mars 1929. Ses parents souhaitèrent pour elle, le meilleur et c’est dans l’enseignement et la vie associative qu’elle se réalisa. Institutrice diplômée de l’Ecole normale de jeunes filles de Rufisque (1947), elle fut ensuite la première bachelière soudanaise en 1950 et la première lauréate du concours des inspecteurs d’enseignement primaire en 1961. Cette carrière d’enseignante s’accompagna d’une activité syndicale intense. L’épouse de Moctar Diop devint membre fondateur de l’Intersyndicale des femmes travailleuses du Soudan, et aussi membre fondateur et présidente de l’Union des femmes travailleuses du Soudan (USF) créée en 1958. Cette fonction la conduira à la présidence du congrès constitutif de l’Union des femmes de l’ouest africain (UFOA) à Bamako en juillet 1959.
Directrice du Lycée des jeunes filles (actuel Lycée Ba Aminata Diallo) entre 1962 et 1965, Mme Sira Diop est aussi membre de la Commission de réforme des programmes de l’enseignement au Mali (1962-1964). Elle décroche plus tard un certificat de Planification de l’éducation de l’institut international de l’Unesco en 1967. En 1971, elle est chargée de mission au ministère de l’Education nationale pour les problèmes d’éducation des filles. On l’a retrouve ensuite directrice de la Division promotion féminine à la Direction nationale de l’Alphabétisation fonctionnelle et de la linguistique appliquée (DNAFLA, actuel Centre national de recherche en éducation non formelle) de 1976 à 1978. Fonctionnaire internationale, elle a servi l’Unesco, l’Unicef, l’Oms dans plusieurs pays africains dans les années 70 et d’autres organismes hors du continent.
Au début des années 80, la militante et la syndicaliste lèveront le pied pour laisser plus de place à la promotrice d’œuvres sociales telles la coopérative multifonctionnelle de Kabala, la Mutuelle des travailleurs de l’éducation et de la culture (MUTEC), l’Association malienne pour la protection et la promotion de la famille (AMPPF) et surtout l’Association des villages d’enfants SOS (Vesos Mali).
Membre du Conseil économique, social et culturel (2004-2009), elle a présidé l’Association malienne pour le retour à la terre (à partir de mars 2008). Mme Sira Diop était membre et administratrice de l’ONG Appui à la promotion des aides familiales et à l’enfance « Muso Dambé » (à partir de 2002).
Au cours de sa longue et riche carrière, Mme Sira Diop a reçu de nombreuses distinctions honorifiques : Chevalier de l’Ordre national du Mali (1980), Officier de l’Ordre national du Mali (1995), Commandeur de l’ordre national du Mali (2000), Grand officier de l’Ordre national du Mali (2005).
A l’extérieur, elle était Chevalier de l’Ordre national du lion du Sénégal et Chevalier de l’Ordre national du mérite de la Guinée. L’illustre disparue était par ailleurs citoyenne d’honneur de deux villes américaines : Indianapolis (Indiana) et Hazard (Kentucky).
L’institutrice et féministe engagée jouissait de deux privilèges rares : celui de l’âge qui lui permettait de dire sans détour son fait à chacun, et celui de l’acteur engagé qu’elle fut dans tous les évènements de notre pays.
Elle laisse derrière elle 6 enfants, 17 petits enfants et toute une nation éplorée.
Dormez en paix Doyenne !
Source: L’Indicateur du Renouveau