” Kolon jugu jiri, o b’i kari a yèrè kônô ‘’. Cet adage très populaire dans la société malienne rime parfaitement avec ce que traverse la classe politique malienne dans l’affaire du choix de ses représentants au sein de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE). Ceux qui ont applaudi la loi électorale adoptée par le CNT contre avis du gouvernement pensant faire mal au Premier ministre Choguel Maïga se dressent contre la modalité du choix de leurs 4 représentants au sein de l’AIGE. Un combat perdu d’avance.
Les lettres de félicitations aux membres du Conseil National de Transition et à son président ont poussé comme des champignons de la part des partis politiques après l’adoption du projet de loi portant loi électorale contre avis du gouvernement. Le texte proposé par le gouvernement a été « dénaturé » par l’organe législatif de la transition. Mais son adoption par le CNT a été applaudie par une bonne partie de la classe politique, ceux opposés au Premier ministre en particulier.
Concernant l’AIGE, si le texte initial proposé par le gouvernement ne prévoyait pas de sièges pour les partis et groupements politiques, celui adopté par le CNT leur octroi 4 sièges. Les modalités de choix de ces 4 membres sur les 271 partis qui existent au Mali, difficile d’avoir un consensus.
Sollicités par le département en charge de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, les partis politiques ont formulé plus d’une centaine de propositions dont 5 majeures. Il s’agit de la désignation des membres suivant le poids et la représentativité des partis ; la désignation des représentants par les regroupements de partis politiques ; l’élection des représentants ; la désignation par tirage au sort ; la désignation par sélection après appel à candidature.
Face au manque de consensus, le gouvernement a proposé de faire un choix entre les 5 propositions majeures. Celle qui a été retenue, c’est le tirage au sort. Un choix contesté par les mêmes politiques, en majorité. Ils reprochent au gouvernement d’avoir fait un choix unilatéral. « Monsieur le ministre, Compte tenu de ce qui précède, je voudrais vous exprimer notre avis défavorable à votre proposition de désignation des représentants des partis politiques au collège de l’AIGE par tirage au sort. Cette position ne reflète ni les propositions majoritaires des partis politiques, ni la synthèse de la réunion du 21 juillet 2022. Aussi, viole-t-elle les dispositions de l’article 7 de la loi n°2022-019 du 24 juin 2022, portant loi électorale. En conséquence, l’alliance « EPM » voudrait vous inviter de bien vouloir privilégier des modalités politiques plus démocratiques et conformes aux dispositions de la loi électorale pour le choix des représentants des partis politiques au collège de l’AIGE », a déclaré Dr Bokary Tréta dans une lettre de protestation adressée au ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.
Les politiques ne peuvent que s’apitoyer sur leur sort
L’opposition de certains partis et groupements politiques n’a pas empêché le gouvernement à avancer avec la modalité pour laquelle il a opté : le tirage au sort. Même si certains ont refusé de soumettre leur candidature, d’autres l’ont fait.
En effet, lundi dernier, sur une liste de plus de 75 partis politiques, le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a procédé au tirage au sort pour le choix de leurs représentants au sein de la nouvelle Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE). Il ressort de ce tirage au sort que 4 hommes et 4 femmes parmi lesquels le gouvernement triera les 4 représentants de la classe politique qui siègeront au sein de l’AIGE. Il s’agit de Salomon Ongoïba de l’Alliance pour la promotion et le développement du Mali (Apdm) ; Abdrahamane Bakhaga de la Force citoyenne et démocratique (FCD) ; Harouna Cissoko du Front uni pour la démocratie et le changement (Fudec) et Youssouf Coulibaly de l’Initiative pour la République du Mali (Irma) ; Mme Dao Hawa Kanté de l’Alliance malienne pour le travail (AMAT) ; Leila Wallet Ibrahim de la Convergence pour l’émergence du Mali- Faso Jo Ton (CEM-FT) ; Oumou Dicko du Rassemblement malien pour le travail (Rahma) et Mme Coumaré Nana Konaté de la Synergie des initiatives pour la renaissance (Sira).
Certains partis politiques, pas les moindres, dénoncent sur leurs pages Facebook la décision du gouvernement. « Choisir les membres de l’autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) par tirage au sort c’est comme si on dit de choisir le Président de la République par le tirage au sort » ; « Dire aux partis politiques de trouver un consensus pour le choix de l’AIGE c’est comme dire aux différents candidats aux élections présidentielles de trouver un consensus pour le choix du Président de la République » ; «La meilleure manière d’aider la transition, c’est lui aider à corriger les tendances mauvaises et améliorer les bonnes tendances. C’est ça l’aide » ; «Pour ne pas tomber dans les erreurs précédentes, si ce n’est pas bien fait ayons le courage de dénoncer pour l’amour de notre mère nourricière. C’est ça le patriotisme ». Ce sont, entre autres, certaines publications faites sur l’une des pages Facebook, la Ruche.
Pourtant, l’Adema l’un des partis qui a beaucoup salué le CNT pour l’adoption de la loi électorale. Ne serait-il pas mieux de ne pas octroyer de sièges aux partis politiques pour plus d’équité comme a proposé le gouvernement ?
Donc, les partis politiques sont victimes de leur propre incohérence. Ils ne doivent que s’apitoyer sur leur sort.
Boureima Guindo
Source: LE PAYS