Alors que l’heure est à la mobilisation générale et à la solidarité de toute la nation face au péril du COVID-19, l’opportunité et la pertinence de certaines décisions, furent-elles des plus hautes autorités du pays, doivent être remises en cause. Pour cause ! En plus de la polémique suscitée par le maintien de la date du second tour des législatives (19 avril), le blocage des salaires des enseignants constitue, sans conteste, un acte qui va à l’encontre de la volonté exprimée par le chef de l’État de voler au secours de ses concitoyens durement touchés par les conséquences des mesures prises contre la propagation du COVID-19.
Sans faire l’avocat du diable, nous estimons que le Premier ministre serait bien conseillé de revenir sur sa décision face au nouveau contexte marqué par cette pandémie du COVID-19 qui se propage depuis quelques semaines dans notre pays.
Au-delà du fait que cette décision pose un problème de société, nous pouvons aussi constater que même sur le plan du pur droit, elle n’est pas au-dessus de tout reproche.
En effet, à la place de précompte sur les salaires des enseignants grévistes, le gouvernement en violation flagrante de la loi N°87-47/AN-RM du 10 août 1987 relative à l’exercice du droit de grève dans les services publics décide de bloquer les salaires de ces chefs de famille depuis plus deux mois.
Tout est parti autour de l’application d’une loi votée à l’Assemblée nationale du Mali, à savoir Loi N°2018-007 du 16 janvier 2018, portant statut du personnel enseignant de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale. Notamment l’Article 39 qui stipule : ‘’toute majoration des rémunérations des fonctionnaires relevant du statut général s’applique de plein droit au personnel enseignant de l’Enseignement secondaire, de l’Enseignement fondamental et de l’Éducation préscolaire et spéciale’’.
Les nombreuses négociations entre le Gouvernement et le Collectif des syndicats d’enseignants de l’éducation se sont soldées par des échecs et les deux camps campent sur leur position.
Faute d’entente entre les deux parties, les classes sont restées fermées et le gouvernement semble dans une certaine logique de vengeance. Pour ce faire, le Premier ministre et ministre de l’Économie et des Finances, Dr Boubou CISSE, a ordonné les précomptes des jours de grève sur les salaires des mois de février et mars 2020.
Malheureusement, en lieu et place des précomptes, les salaires de tout le personnel enseignant sont restés bloqués. De février à nos jours, les enseignants n’ont toujours pas eu leurs salaires.
Cette pratique du gouvernement viole le code de travail, précisément la loi N°87-47/AN-RM du 10 août 1987 relative à l’exercice du droit de grève dans les services publics et dont la liste des services, emplois et catégories de personnel est fixée par le décret N°90-562/P-RM du 22 décembre 1990.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que si la loi autorise le Gouvernement à faire des retenues sur les salaires, mais aucune loi ne lui dit de bloquer les salaires.
De nos jours, nombreux sont les observateurs qui dénoncent l’abus du Premier ministre, le Dr Boubou CISSE qui semble être au-dessus des lois et des autres Maliens.
Dans la matinée de ce mercredi, une missive circulant sur les réseaux sociaux indiquait que le chef du gouvernement ne bloque pas les salaires des enseignants grévistes.
Le même message disait que le ministre de l’Économie et des Finances a adressé une lettre au ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour diligenter le paiement de salaires des enseignants en fournissant d’abord la liste des enseignants grévistes afin de faire le prélèvement. ‘’Suite aux difficultés rencontrées dans le processus de retenue sur les salaires des enseignants pour fait de grèves par les services financiers liés à la non-transmission des listes des enseignants grévistes nécessaires à l’établissement des ordres de recette, je vous demande d’instruire aux directeurs d’écoles, directeurs des centres d’Animation pélagiques et Directeur d’académie d’enseignement de fournir sans délai lesdites listes conformément aux lettres n°00778/MEF-SG du 25 février 2020 et 00357/MEF-SG du 23 mars 2020. J’attache une importante particulière à l’exécution correcte et diligente de la présente lettre’’, peut-on lire dans cette correspondance en date du 10 avril du locataire de l’Hôtel des finances à son collègue de l’Éducation nationale.
Quoi qu’il en soit, nous pouvons constater que le droit des enseignants a été violé à travers cette décision qui n’a aucun fondement juridique.
Par Abdoulaye OUATTARA
INFO-MATIN