Le rassemblement du vendredi du M5-RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces patriotiques) a été différent des précédents de par l’ambiance, l’organisation, la présence remarquée des forces de sécurité et, surtout, la grosse équipe de la protection civile déployée sur les lieux où régnait la liesse.
Pour ceux qui sont venus du Quartier du Fleuve à l’intersection des anciens locaux du ministère de l’Economie et des Finances, le constat était frappant. Des éléments de maintien d’ordre régulaient la circulation à ce carrefour dès 14 heures. C’était le même dispositif sur la voie du côté Est du Monument de l’indépendance.
Moins ordinaire. Du moins comparativement aux autres manifestations du M5-RFP. Sur le Boulevard de l’Indépendance, dans les deux sens, des pick-up de la gendarmerie et de la garde nationale avec des éléments qui assuraient la sécurité des manifestants. Une présence très remarquable des forces de l’ordre. Ils étaient même parmi les militants.
D’autre part, le changement apporté à l’organisation a surpris plus d’un. Cette fois-ci, seuls ceux qui détenaient une carte d’invitation ont eu accès aux alentours de la loge, sous le monument. Des grilles délimitaient le passage pour l’accès à cette place. L’entrée, habituellement réservée aux journalistes et autres animateurs des réseaux sociaux, était condamnée. Les hommes de médias, nationaux et internationaux, ont été dirigés vers un autre accès, en face du podium. Des drones survolaient la foule.
Le podium avait pris une autre disposition. Il a été superposé. Il y avait une loge au milieu, en hauteur, réservée aux leaders et deux autres sur les ailes, un peu en contrebas, consacrées aux personnalités du deuxième rang. Près du podium, d’autres militants assis sur des chaises regardaient l’écran géant, vers le côté sud du monument, qui diffusait l’image des intervenants. L’installation de cet écran a été aussi une innovation.
Des éléments de la sécurité civile étaient présents dans cette zone. Ils portaient des gilets orange, pour certains, et des brassards, pour d’autres. Sur cette place, s’étaient regroupés des hommes enturbannés, regroupés dans la Plateforme du 10 juillet et membres de la Coordination des mouvements et associations de soutien à l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS), venus de Tombouctou. « Nous faisons confiance au Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Cette révolution du peuple malien est légitime et nous souhaitons qu’elle aboutisse aux aspirations », espère Chiaka Sylla.
EUPHORIE – Les manifestants étaient de tous les âges. Des vuvuzelas agressaient les tympans. Le préposé à l’animation jouait la musique d’artistes révolutionnaires comme Tiken Jah Fakoly, Alpha Blondi, des rappeurs locaux. Des morceaux des artistes maliens, comme Djénéba Seck, sur la gloire du peuple et la bravoure de l’armée sont joués, rejoués. Les manifestants n’ont pas pu tenir sur place. Ils ont dansé, joué et ont fait les chœurs, les bras en l’air. Tout ce monde s’est émerveillé. « C’est une cérémonie de célébration de notre victoire, celle du peuple malien débout et digne », s’est réjoui un quinquagénaire, emporté par l’ambiance.
Dans l’euphorie, nous avons rencontré Mme Kéita Astan Kéita, la dame qui a toujours apporté de la nourriture, gratuitement, aux manifestants lors des précédentes mobilisations de M5-RFP ». Vendredi, « il n’y a pas eu de distribution de riz au gras, nous a-t-elle informé. « J’ai appris que le M5-RFP va égorger 20 à 30 bœufs pour les manifestants. C’est pourquoi, je n’ai pas fait de plat aujourd’hui », s’est justifié Mme Kéita.
Par ailleurs, un des vieux slogans de l’Imam Dicko défiant le désormais ex-président IBK était rejoué pour galvaniser la foule. C’était une ambiance de concert live, avec des cris de joie. Tout a été fait dans ce sens. Les manifestants répétaient, avec le maitre de cérémonie, des slogans comme :« Boua ya bla ! Aya bla ! Aya bla ! » (Le Vieux a lâché le pouvoir).
A l’entame des interventions des leaders, tout le monde a chanté l’hymne national du Mali. L’arrivée de la délégation du CNSP a enthousiasmé le public davantage. Tous les regards se sont tournés vers le cortège d’une dizaine de pick-up lourdement armés de ces invités surprise. Ils ont rejoint la loge sous les vivats. Les applaudissements ont d’ailleurs résonné tout au long du meeting et, surtout, chaque fois qu’un intervenant faisait des déclarations contre le régime déchu ou la CEDEAO. Les acclamations ont été encore plus fortes lorsque l’Imam Mahmoud Dicko est arrivé au pupitre.
Côté messages, les banderoles affichaient entre autres : « Vive le Mali ! Vive le CNSP », « Le peuple débout soutient le CNSP pour un Mali nouveau », « Jeunes du Mali, soutenons et faisons soutenir le CNSP », « Imam Dicko, Papa national et nouvel héro du Mali », « Libérez l’honorable Soumaila Cissé : ensemble nous pouvons ! ».
Une seule petite fausse note ! Sous le podium, avant le début des discours, des jeunes très remontés lançaient des injures à l’encontre de Kaou N’Djim. Ils accusaient Kaou N’Djim d’avoir fait descendre un de leurs responsables de la loge officielle. « C’est maintenant qu’il agit de la sorte…où était-il le jour où on a tiré sur nous à l’ORTM…On se verra après le meeting », menace un jeunes très excité.
En outre, tout s’est arrêté, un moment, alors que les représentants du CNSP sont sur scène, parce que le podium ne pouvait plus contenir le monde.
MALAISES ET BLESSÉS – Le soleil de ce vendredi après-midi était ardent. Pourtant, des gens sont restés sur place plus de deux tours d’horloge. Cet état de fait a poussé les des manisfestatnts à demander de l’eau à boire. Plusieurs personnes ont souffert de la chaleur et, surtout, de la longue attente, debout.
La direction régionale de la protection civile du District de Bamako avait déployé une équipe à la hauteur du danger. Le directeur régional, colonel Adama Diatigui Diarra, était, lui-même, sur le terrain pour aider et motiver ses éléments.
Plus de dix véhicules de la protection civile, une ambulance médicalisée et un véhicule de commandement étaient mobilisés pour assurer les interventions. Selon le directeur régional, une centaine d’hommes a été déployée. Certains éléments ont opéré sous le monument, près du podium, d’autres vers le côté nord et l’ambulance médicalisée était stationnée en face du Centre de perfectionnement et de reconversion de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE). Ces secouristes ont distribué même des comprimés à des manifestants. Le chef de l’équipe positionnée près du podium nous rapporté des cas de malaises, de hausse de tension, de douleur aux pieds, etc.
« L’émotion a pu occasionner la hausse de tension de certaines personnes jusqu’à 18/10. Elles ont été évacuées à notre infirmerie », nous a-t-il signalé.
« Nous avons enregistré plus d’une dizaine de manifestants en détresse », nous a dit le colonel Adama Diatigui Diarra, à côté de ses éléments au niveau de l’ambulance. Selon lui, certains ont des blessures au pied causées par les barrières de fer installées sur les trottoirs du Boulevard, d’autres ont souffert de traumatisme, de céphalées, de vertiges, entre autres. « Nous avons, aussi, référé deux personnes à l’infirmerie de la 1ère compagnie de la protection civile à Dravéla », a ajouté le colonel Diarra.
OD/MD
(AMAP)