Désavoués par certains membres de la CMFPR (Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance), Me HarounaToureh, peu bavard dans les médias, a bien voulu nous accorder un entretien. Il y évoque cette sortie médiatique et les derniers développements de l’affaire Sanogo et co-accusés.
Journal du Mali : Des membres de la CMFPR ont lors d’une conférence de presse déclaré ne plus vous reconnaitre comme Président. Comment appréciez-vous cette sortie ?
La Coordination des Mouvements et Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR) n’est ni une société anonyme ni une association de droit. C’est un mouvement armé organisé en coordination autour des hommes et des combattants qui portent des armes. Personne ne peut en changer la direction par une assemblée générale ou une conférence de presse, parce qu’elle n’a pas été mise en place lors d’une assemblée générale ou d’une conférence de presse organisée à Bamako.
Vous représentez donc toujours la CMFPR ?
C’est fini, c’est écrit, c’est dans le marbre jusqu’à la fin du processus né de l’Accord de Paix. Les auteurs de ces dénigrements et diffamations n’en sont pas à leur première tentative d’éviction de ma personne.
Il y a plusieurs CMFPR. Laquelle présidez-vous ?
La CMFPR est l’organisation politico-armée que j’ai l’honneur de diriger. Cette organisation comme la CMA et la Plateforme, a connu une dissidence, qui a créé la CFMPR2, qui a rejoint le MNLA. La CMFPR2 a également a connu une dissidence, la CMFPR3, dirigée par un magistrat. Moi je dirige la chapelle CMFPR. Ceux qui nous agressent régulièrement appartiennent à la CMFPR3 et ne partagent pas notre vision d’un Mali pour tous.
Dans leur réquisitoire, ils vous accusent d’entretenir des liens flous avec la CMA et avancent que vous vous êtes trouvés en même temps à New-York…
Je n’étais pas à New-York et je n’ai pas de relations floues avec la CMA. La CMA est une Partie de l’Accord et nous avons pour mission, à la Plateforme, de nous rapprocher de toutes les Parties afin de mettre en œuvre l’Accord. N’oubliez pas que la CMA et la Plateforme, entre autres, parlent au nom des mêmes populations. J’étais en vacance avec ma famille à Washington, car cela fait plus de trente ans que je pars en vacances à l’étranger en fin d’année.
Vous aviez demandé une liberté conditionnelle pour Sanogo et ses co-accusés. Deux l’ont obtenu, les autres non. Comment interprétez-vous cette décision ?
Les avocats du Général Amadou Aya Sanogo ont à plusieurs reprises demandé sa libération provisoire, avant le procès qui a été ajourné et après l’ajournement du procès, sans succès. Le vendredi 26 janvier 2018, deux de ses co-accusés ont été mis en liberté provisoire sans contrôle judiciaire. En tant qu’avocat, cette décision me réjouit, d’abord parce qu’elle est légitime et conforme à la loi, ensuite parce qu’elle concerne de valeureux officiers supérieurs de notre armée, en quête de crédibilité et de réhabilitation. J’aime répéter que l’État du Mali ne respecte pas l’indépendance de la justice et s’immisce trop souvent dans ses affaires. Il contrôle la main et la conscience de certains magistrats, lesquels, par une crainte injustifiée, s’abstiennent de prendre courageusement les décisions qui les honorent et honorent leur noble métier.
Le Général Sanogo et ses co-accusés sont arbitrairement détenus, car le délai légal de détention, trois ans en matière criminelle, est largement dépassé (Article 135 du Code de procédure pénale). Le Général Sanogo a été placé en détention le 27 novembre 2013. Depuis, il s’est écoulé quatre ans et deux mois. La preuve de l’arbitraire est incontestable.
Quelles sont les voies de recours ?
Le recours devant la Cour Suprême est exercé. Mais si elle est dans la même posture et le même état d’esprit que le juge d’instruction ou le président de la chambre d’accusation, la réponse sera la même. Le pouvoir judiciaire n’arrive pas, hélas, à conquérir son indépendance, garantie par la Constitution. Il dépend beaucoup trop du politique et s’intéresse peu à la primauté de la règle de droit. Nous envisageons de saisir la Cour des Droits de l’Homme de la CEDEAO pour faire constater et condamner cette détention arbitraire. Nous, juristes, ne nous satisfaisons pas de cette situation, surtout de la part d’un État.
Pourquoi ce procès traine-t-il tant ?
Il faut poser la question au Procureur général de la Cour d’appel de Bamako, c’est lui qui a la charge de son organisation.
Journal du mali