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Mauritanie : Convention sur le travail forcé

2018/03/06- Pendant deux jours, du 28 février au 1er mars 2018, une table-ronde  sur les relations de travail pouvant entraîner un risque de travail forcé en Mauritanie, a réuni plusieurs acteurs du gouvernement et de la société civile, ainsi que quelques experts, sous l’égide du Ministère de la Fonction Publique, avec l’appui du Bureau International du Travail (BIT) et  le Département d’Etat américain.

 

Deuxième pays africain à ratifier le Protocole de 2014 de la Convention n°29 (C29) sur le travail forcé, la Mauritanie est aujourd’hui contrainte de bannir toute forme de «travail ou de service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel le dit individu ne s’est pas offert de plein gré » (Article 2 définissant le travail forcé). C’est dans ce cadre que le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et de la Modernisation de l’Administration, en collaboration avec le BIT à travers sa composante du Projet Bridge, a organisé une table-ronde, le 28 février et le 1er mars 2018, pour la réalisation d’une étude qualitative pour analyser des relations de travail pouvant entraîner un risque de travail forcé.

Cette table-ronde a été marquée par le discours du Secrétaire général du ministère de la Fonction Publique dans lequel il a mis en exergue la volonté politique de l’Etat mauritanien à lutter contre toute forme de travail forcé dans le pays, citant dans ce cadre la ratification par le pays de la C29 en 1961 et son Protocole de 2014 ratifié en 2016, la C 105 sur l’abolition du travail forcé de 1957, l’adoption de la loi 2015-031 abrogeant la loi de 2007 ainsi que la Feuille de route des Nations Unies incriminant et éradiquant l’esclavage et ses pratiques.

Lui succédant, Frederico Barroeta, Point Focal du BIT, a reconnu les efforts accomplis «pour lutter contre l’esclavage et le travail forcé en Mauritanie», citant la récente mission de contact qui a, selon lui, permis de mesurer les efforts tendant à abolir effectivement le travail forcé dans le pays, tout en identifiant les défis qui se posent, soulignant que «la lutte contre le travail forcé est un combat de tous les instants ». Il a cité dans ce cadre la persistance d’un phénomène qui touche le monde entier, évoquant le Rapport de 2017 sur le travail forcé et les 40 millions de victimes d’esclavagisme moderne, dont 25 millions livrés au travail forcé et 15 millions au mariage forcé, soulignant que 71% de ces victimes sont des femmes et 25% des enfants, avec 50% de cas liés à la servitude pour dettes.

Pour sa part, Mme Carolyn Huang du Département d’état américain au Travail, a salué les efforts consentis par la Mauritanie dans le domaine de la lutte contre le travail forcé et l’esclavage, soulignant au passage que l’étude envisagée ainsi que les discussions qui se noueront au cours de la table-ronde, permettront certainement une meilleure compréhension du phénomène.

Sur la compréhension de la C29

Les participants ont suivi par la suite plusieurs communications, dont celle présentée par vidéoconférence à partir de Genève (siège du BIT) par Mme Rosinda Silva, qui a rappelé les trois conventions ratifiées par la Mauritanie sur le travail forcé, avant de développer le contenu de la C29 et sa définition, formulée en 1930 mais toujours d’actualité, selon elle. Elle a souligné d’autre part, que ratifier une convention en est une, mais l’appliquer présente toujours des difficultés, notamment celles auxquelles sont confrontés les organes de contrôle (Direction du travail). Elle a toutefois évoqué les progrès importants réalisés par la Mauritanie dans le domaine de la lutte contre les formes de travail forcé, dont l’esclavage, malgré les défis liés à l’application de toutes les dispositions juridiques y afférent.

Mme Stephen Mcleland, Directrice du Projet Bridge qui s’est déplacée de Genève pour assister à la table-ronde de Nouakchott, a approfondi la compréhension de la C29 en détaillant l’absence ou non du consentement, citant différents cas pouvant conduire à un recrutement involontaire, dans quels cas un travail et des conditions de vie peuvent finir par être imposés par l’employeur, ainsi que les différents types de coercition et de peine pour imposer un travail forcé à un employé.

A son tour, Marc Ninerola qui représente la composante mauritanienne du Projet Bridge «Du Protocole (C29) à la pratique : une passerelle pour une action mondiale sur le travail forcé » a présenté les activités menées jusque-là dans le domaine de la sensibilisation autour de la loi 2015-031 et sa collaboration avec les parties prenantes, autorités publiques, élus nationaux et locaux, acteurs de la société civile, et autres partenaires.

La législation nationale

Me Thiam Malal Guissé, cadre au Ministère de la Justice, a de son côté présenté l’arsenal juridique adopté par la Mauritanie pour lutter contre l’esclavage et toutes les formes d’exploitation au travail, de la loi de 1980 abolissant l’esclavage jusqu’à la loi de 2015 l’incriminant ainsi que son adoption dans la Constitution comme crime contre l’humanité, en passant par l’instauration de trois cours spéciales chargées de juger les cas d’esclavage et la ratification de tous les textes internationaux sur les droits humains et leur intégration dans le corpus juridique national.

Lui succédant, le Directeur général du Travail, M.Hamoud Ould T’Feïl, a cité la C 81 sur l’indépendance du corps des Inspecteurs et Contrôleurs du Travail, ainsi que le Code de Travail mauritanien qui, selon lui, a intégré dans son corpus les dispositions de la C29, jusqu’ au maintien de la définition qu’elle donne au travail forcé.

De son côté, M.Rassoul Ould Khal, Commissaire Adjoint aux droits de l’homme, a énuméré les 29 recommandations de la Feuille de Route des Nations Unies de 2011 sur les séquelles de l’esclavage et leur éradication, mettant en exergue l’exécution de la quasi-totalité de ses recommandations, sous l’égide du Comité interministériel présidé par le Premier Ministre.

Filets de protection sociale

Evoquant les Filets de protection sociale mis en place par l’Agence Tadamoun pour l’éradication des séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté, le Coordinateur du Programme «Takavoul », M.Mohamed Ould M’Haimid, a cité les différentes réalisations accomplies à ce jour par son programme en milieu défavorisé, énumérant les 36 écoles à cycle complet, ainsi que les 15 collèges et les 24 Mahadras déjà construits, mais aussi les 15 établissements primaires et les 4 collèges en cours, indiquant que ces réalisations ont profité à quelques 62.471 élèves en âge de scolarisation. Il a aussi évoqué les 216 micro-projets générateurs de revenus qui ont bénéficié, selon lui, d’une ligne de crédit de plus de 40 Millions d’ouguiyas, dont la plupart aurait bénéficié aux familles rapatriées, sans compter la création de 20.230 emplois. Il a aussi évoqué le Cash Transfert qui profite aux familles les plus démunies pour les inciter à scolariser leurs enfants, moyennant un revenu trimestriel par famille de 15.000 UM. «L’objectif du Programme Takavoul, qui répond au levier 2 de la SCAPPP (Développement du capital humain) est de contribuer à l’augmentation de l’investissement dans le capital humain des familles les plus pauvres par l’accès à la santé et à l’éducation » a-t-il précisé. En contrepartie des interventions du Programme «Takavoul», les familles bénéficiaires doivent, selon lui, assister aux séances de promotion sociale pour le changement de comportement organisé tous les trois mois, tout en inscrivant et maintenant leurs enfants à l’école. Il a rappelé que le Programme «Takavoul» cible depuis 2016, quatre Moughataas considérées comme les plus vulnérables du pays, Ghabou et Sélibaby au Guidimagha, Mbout au Gorgol et Kankossa en Assaba, pour 36.178 bénéficiaires et un investissement global de 608 millions MRO.

A son tour, Mohamed Ould Taghra, cadre au Ministère de l’Economie et des Finances, a présenté l’outil de ciblage du Registre Social qui sert à identifier les ménages les plus pauvres en Mauritanie. Il a rappelé dans ce cadre le contexte national marqué en 2014 par la baisse de la pauvreté de 42 à 31% et l’objectif visé qui consiste à réduire l’extrême pauvreté d’ici 2030 par la mise en place de filets sociaux. Selon lui, le ciblage à travers des données fournies par le RGPH 2013 et la dernière enquête sur les conditions de vie des ménages (EPCV) de 2014, passe par le ciblage communautaire, puis l’affinement des données statistiques et enfin, l’introduction des informations dans une base de données qui servira de Registre Social. Aujourd’hui, selon lui,  150.000 ménages ont été ciblés, dans 14 grandes localités du pays. La fiabilité du Registre Social est attestée, dira-t-il en substance, par le fait qu’il constitue d’ores et déjà une référence utilisée par le Commissariat à la sécurité alimentaire (CSA), la Société de distribution du poisson (SDP), des organismes comme Oxfam ou encore le PAM, dans leur programme d’activités visant les ménages les plus nécessiteux. Il se base sur l’outil STR (suivi à temps réel) dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’hygiène, de la vaccination, et l’accès à l’eau…

Par la suite, les participants se sont scindés en trois groupes de travail pour aider le groupe de chercheurs dans l’identification des objectifs et les questions de recherche (I), dans la méthodologie de la recherche, ses outils, les secteurs prioritaires, les cibles, les régions et les sites à privilégier (II),  et enfin, le rôle et les responsabilités d’un Observatoire opérationnel sur les conditions de travail, sa composition, sa mission et ses attributions (III).

Enfin, l’objectif final de l’étude qualitative envisagée sur les secteurs de l’économie à risque est d’aider à la formulation du Programme Pays de Promotion du Travail Décent (PPTD) prévu en 2018.

SourceCourier du Nord

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