Diviser pour mieux régner, parrainer des groupuscules terroristes en mal de visibilité : telle est la stratégie mise en œuvre par Ansar Dine pour s’étendre et faire capoter le processus de paix et de réconciliation. Le déchainement de violence que la région de Mopti vient de connaître n’est pas imputable aux seules communautés Peul et Bambara. Il s’agit d’une nouvelle manipulation du groupe terroriste de Iyad Ag Ghaly.
L’assassinat de l’adjoint au maire de Dioura en avril dernier, l’attaque des Fama la semaine dernière à Nampala : voici les toutes dernières manifestations sanglantes de l’auto-proclamé Front de Libération du Macina. Ce groupe terroriste, censé défendre les intérêts des peuls est en fait une émanation de l’ex-Mujao qui lui a fourni ses effectifs, et d’Ansar Dine qui le téléguide depuis le Nord. Cette filiation ne fait plus aucun doute. En témoigne, la vidéo diffusée le 3 mai sur Internet, où le groupuscule se présente désormais sous la dénomination « Ansardin Katiba Macina ».
L’amalgame s’en trouve facilité : les populations peules sont pointées du doigt, s’ensuit un inexorable cycle de violences, de vengeances et d’appels aux dénonciations. Comment expliquer cet incendie soudain ? L’Azawad n’est-il pas assez vaste pour Iyad Ag Ghaly ? Sournoisement, l’émir d’Ansar Dine déplace son terrain de jeu vers le sud du Mali, tandis que ses affidés usent de complicités au sein du HCUA pour agiter les foules à Kidal et soumettre la région. La destruction de l’aéroport de Kidal et les évènements tragiques dans le cercle de Ténenkou relèvent d’une même logique. Leur concomitance ne doit rien au hasard.
Ce qui vient de se produire à Maléimana et à Koroguiri place à nouveau la communauté peule en situation délicate. Ce n’est qu’une déclinaison des affrontements intercommunautaires qu’Ansar Dine et Al Mourabitoune ont suscités en début d’année dans la région de Ménaka. L’histoire se répète. De l’attaque d’un petit village du centre du Mali à l’assaut d’infrastructures touristiques à Bamako, Ansar Dine et ses compères d’Al Mourabitoune se disputent la vedette après chaque attentat. On s’y perdrait presque avec leurs revendications successives. Que peuvent donc attendre les Peuls tentés par l’aventure djihadiste de ces cyniques manipulateurs ?
Les djihadistes du nord ont le plus grand mépris pour ceux qu’ils appellent les « peaux noires », qu’ils tentent de placer sous leur coupe et contraindre à un esclavage moderne. Les Maliens du nord comme du sud, et notamment les Peuls qui en constituent en quelque sorte la charnière, devraient garder à l’esprit que l’ennemi intérieur du pays n’est pas telle ou telle communauté mais bien le terrorisme, et lui seul.
Déployer davantage d’éléments de la Minusma dans la région de Mopti pour faire cesser les attaques et les exactions ne peut être qu’une solution à court terme. La promotion du dialogue intercommunautaire et la lutte contre les terroristes qui se cachent parmi les signataires, sont les deux piliers d’une politique de réconciliation nationale durable.
Paul-Louis Koné
Source: Autre presse