À la veille de la visite d’État qu’effectuera le roi du Maroc, Mohammed VI, au Mali, le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a accordé une interview exclusive à la deuxième chaîne de télévision marocaine, 2M. Samira Sitail, la directrice de l’information de 2M, a effectué l’entrevue depuis Bamako.
D’emblée, le ton est donné. Sur la question quelles sont les priorités du Mali, est-ce la reconstruction, la réconciliation, la stabilisation ou les trois à la fois, le président Ibrahim Boubacar Keïta répond que «tout est urgent et tout est prioritaire… d’abord et avant tout, la sécurité au peuple malien… la réconciliation des cœurs et des esprits». En rappelant que le président IBK est un homme d’État qui a été ministre des Affaires étrangères, Premier ministre et président de l’Assemblée nationale, Samira Sitail, à travers une pseudo-interrogation sur l’identité et les valeurs du Mali, a présenté au président malien une occasion pour dévoiler à tous ceux qui l’ignorent que «le Mali est un vieux pays, un vieux peuple, le premier État malien date de 1045, organisé, méthodique, je dirai volontiers qu’il n’avait rien à envier à l’État malien le plus policé, cet État malien de 1045 avait des relations avec tous ses voisins et au-delà de ses voisins, on avait des relations internationales de plus bel effet». IBK a rappelé que son pays avait en cette période une ambassade à Constantinople (l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie), et que le Mali n’exprime aucun complexe vis-à-vis des grandes nations d’aujourd’hui.
Après ce bref aperçu historique du «rayonnement» du Mali à l’international, retour à l’état actuel dans le pays d’IBK et la question était «…si on parlait de ce péril jihadiste, peut-être même que je dis gangstero-jihadiste, est-ce qu’il est écarté ?»: «Combien vous avez raison de parler de péril gangstero-jihadiste, parce qu’il s’agit de cela, quant on sait que le trafic de la drogue s’est invité dans la danse, que le trafic de tout genre est là… Avec l’appui du monde entier, aujourd’hui, cette lutte a connu un grand succès. Pour autant, tout n’est pas totalement écarté… donc il existe des poches et, notamment, nous sommes très occupés par le Sud libyen…» Par la suite, le président malien a annoncé que des ateliers de dialogue seront lancés pour échanger sur le processus de cantonnement, de réinsertion et de désarmement pour que la paix au Mali soit une paix réelle et durable.
Le sujet de la médiation marocaine pour la stabilité au Mali a été traité à travers la question directe «quelle lecture avez-vous faite de cette rencontre qui a eu lieu au Maroc, entre SM et un groupe armé du Nord… notamment, le souverain marocain a rappelé l’intégrité et l’unité territoriale du Mali, comment avez-vous interprété la démarche du souverain marocain ?». Avec son calme habituel, IBK répond «…le Souverain est en contact étroit avec moi, et ce n’est pas la première fois que SM intervient à ma demande dans cette affaire-là, et il l’a toujours fait avec une grande discrétion, je suis heureux d’une telle implication, c’est en droite ligne des relations entre le Maroc et le Mali nouveau qui retrouve les racines d’antan, anthropologiques, culturelles, cultuelles même».
Ainsi, l’interview a soulevé plusieurs questions cruciales, entre autres le rôle joué par le Maroc dans la paix au Mali pendant son mandat au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, le rôle de la communauté internationale pour le retour de la paix au Mali, la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, l’exploitation des richesses maliennes. Lors de cette rencontre télévisée, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a lancé un appel aux investisseurs marocains pour venir investir dans un pays où ils sont «connus et appréciés, «venez dans un pays qui a pour vous l’amitié que vous avez eue pour lui… vous êtes chez vous ici». La conclusion de cette interview a été une question-surprise à IBK: «On vous dit de bon conseil, quel conseil vous donneriez à vous-même… ?», la réponse-conseil du président a été «reste toi-même, n’oublies jamais les valeurs qui t’ont fait, et reste l’homme, la créature d’Allah», avant de conclure par un verset du Coran.
Sanae Taleb
Source: lesafriques.com/