Le Roi Mohammed VI a reçu, mardi 24 octobre dernier au palais royal à Rabat, le premier président de la Cour des comptes, en présence du chef du gouvernement, et des ministres de l’Intérieur, et de l’Economie et des Finances. Au terme de cette rencontre, le Roi a décidé de sanctionner plusieurs responsables notamment des ministres. Pourquoi ?
En effet, au cours de cette audience, le premier président de la Cour a présenté devant le Roi un rapport comportant les résultats et conclusions de la Cour sur le programme « Al Hoceima : Manarat Al Moutawassit».
Le rapport de la Cour des comptes a souligné que les investigations et enquêtes qu’elle a menées ont confirmé l’existence de plusieurs dysfonctionnements enregistrées sous le précédent gouvernement.
Le rapport a également révélé que plusieurs secteurs ministériels et établissements publics n’ont pas honoré leurs engagements dans la mise en œuvre des projets et que les explications qu’ils ont fournies ne justifient pas le retard qu’a connu l’exécution de ce programme de développement. Le rapport a en outre démontré qu’il n’existait ni malversations ni détournements.
Concernant la gouvernance, et à titre d’illustration, la commission centrale de suivi, composée des responsables gouvernementaux concernés, ne s’est réunie qu’en février 2017, soit 16 mois après la signature de la convention, au moment où la commission locale de contrôle et de suivi, présidée par le gouverneur de la province d’alors, a démontré son incapacité à mobiliser et à encourager les différents partenaires, et à imprimer le dynamisme nécessaire pour le lancement des projets sur des bases solides.
Le rapport ajoute que devant le non-respect des engagements et le retard évident dans le lancement des projets, certains secteurs concernés ont transféré une partie de leurs contributions financières à l’Agence de développement des provinces du Nord comme moyen de se dérober à leurs responsabilités.
Et eu égard à l’importance de ce programme de développement, et à la multiplication des intervenants, il était nécessaire que le gouvernement et la commission ministérielle du suivi assument la mission de supervision directe, à l’initiative du ministère de l’Intérieur, notamment durant sa phase de lancement.
Le Roi sanctionne…
S’agissant de l’exécution des projets programmés, il a été constaté un grand retard dans le lancement des projets, pis encore la grande majorité de ces projets n’avait même pas été lancée, avec l’absence d’initiatives concrètes de la part de certains intervenants concernés pour leur lancement effectif.
– De par les prérogatives constitutionnelles du Roi en tant que garant des droits des citoyens et protecteur de leurs intérêts;
– En application des dispositions de l’article 1 de la constitution, notamment dans son alinéa 2, relatif à la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes ;
– Se basant sur les différents rapports soumis à la haute appréciation du Roi par l’Inspection générale de l’administration territoriale, l’Inspection générale des finances et la Cour des Comptes et après détermination des responsabilités, de manière claire et précise, prenant en considération le degré de manquement dans l’exercice de la responsabilité, le Roi a décidé un ensemble de mesures et sanctions à l’encontre de plusieurs ministres et hauts responsables.
Dans ce cadre, et en application des dispositions de l’article 47 de la Constitution, notamment dans son alinéa 3, et après consultation du chef du gouvernement, le Roi a décidé de mettre fin aux fonctions de plusieurs responsables ministériels. Il s’agit de : Mohamed Hassad, ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, en sa qualité de ministre de l’Intérieur dans le gouvernement précédent ; Mohamed Nabil Benabdellah, ministre d’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville, en sa qualité de ministre de l’Habitat et de la Politique de la ville dans le gouvernement précédent ; El Houcine Louardi, ministre de la Santé, en sa qualité de ministre de la Santé dans le gouvernement précédent…
Pour ce qui est des autres responsables dans le gouvernement précédent également concernés par ces dysfonctionnements, le Roi a décidé de leur notifier sa non satisfaction, pour n’avoir pas été à la hauteur de la confiance placée en eux et pour n’avoir pas assumé leurs responsabilités, affirmant qu’aucune fonctions officielle ne leur sera confiée à l’avenir. Il s’agit de : Rachid Belmokhtar Benabdellah, en sa qualité d’ancien ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle ; Lahcen Haddad, en qualité d’ancien ministre du Tourisme ; Lahcen Sekkouri, en sa qualité d’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports ; Mohamed Amine Sbihi, en sa qualité d’ancien ministre de la Culture…
Par la suite, le Roi Mohamed VI a chargé le chef du gouvernement de soumettre des propositions de nomination de nouveaux responsables dans les postes vacants.
En ce qui concerne le reste des responsables administratifs au sujet desquels les rapports ont relevé des manquements et des dysfonctionnements dans l’exercice de leurs fonctions, et qui sont au nombre de 14, le Roi a donné ses hautes instructions au chef du gouvernement en vue de prendre les mesures nécessaires à leur encontre, et de soumettre un rapport à ce sujet au Roi.
A préciser que l’audience accordée au président de la Cour des Comptes, la présentation du rapport de cette instance ainsi que les mesures qui y sont annoncées sont dissociés du contexte des protestations qui ont marqué, ces derniers mois, la ville d’Al Hociena ; les sanctions annoncées dans le rapport relèvent de la reddition des comptes, principe consacré par la constitution. Elles ne répondent à aucune logique politique et s’inscrivent dans une démarche purement administrative ; il s’agit de dysfonctionnement et de défaillances d’ordre exécutif impliquant des membres du gouvernement et qui sont sans liens avec l’aspect financier du projet.
Mohamed Sylla