Un plus pour l’économie …
En Afrique, les marchés de nuit sont surtout fréquents dans les pays maghrébins. Véritable manne pour les commerçants et amplificateur de profits pour les acteurs de l’économie informelle, la pratique des marchés nocturnes n’est qu’occasionnelle au Mali. Or, elle peut donner à l’économie locale et même au tourisme des proportions plus bénéfiques.
Des marchés ouverts pour toute la nuit où les citadins peuvent s’approvisionner en condiments et divers produits ? Vous n’en verrez ni à Bamako ni dans nos autres régions, sauf aux semaines de fêtes. Mises à part quelques échéances occasionnelles telles que la Foire Exposition Internationale de Bamako (FEBAK), le Salon International de l’Artisanat du Mali (SIAMA), les moments de grandes célébrations religieuses et/ou de fêtes de fin d’année ; les marchés nocturnes sont rarement organisés au Mali. C’est bien connu : dans notre pays, le marché est essentiellement un rendez-vous économique obéissant à la courbe journalière du soleil. Donc, dès le crépuscule approchant, les commerçants (du Grand marché aux marchés de quartiers) sonnent l’heure de la fermeture des boutiques, et les vendeuses ont déjà l’esprit aux tâches ménagères qui les attendent à la maison.
Dans d’autres pays, en revanche, les marchés de nuit font depuis longtemps partie intégrante du quotidien. En Asie et au Maghreb, même dans des localités où l’urbanisation n’est pas très poussée, les marchés nocturnes rythment l’activité économique et font le bonheur des millions d’acteurs de l’informel : clients comme vendeurs.
Le fonctionnement de ces marchés varie selon les pays. Certains fonctionnent toute l’année ou seulement le week-end, et d’autres sont saisonniers. Véritables « bazar » à l’image des « souks » arabes, les marchés de nuit constituent un trait d’union, un mélange, entre activités commerçantes et animations culturelles. D’où l’attrait qu’ils exercent sur les touristes qui s’y rendent en masse à cause de l’ambiance entraînante qui y règne.
Pourquoi alors ne penserait-on pas à développer les marchés de nuit au Mali ? Certains acteurs de l’informel y sont favorables. Abdoulaye Doumbia, commerçant de son état, est de ceux-là. Pour lui, la multiplication des marchés nocturnes au Mali serait profitable aux marchands et marchandes. « Cette initiative sera un moyen pour nous d’accroître nos échanges à l’échelle nationale et internationale », plaide-t-il. Abondant dans le même sens, Aminata Touré, quant à elle, insiste plutôt sur les conditions d’organisation de ces marchés. De son point de vue, si l’opportunité venait à se réaliser, les autorités devraient revoir les prix et les conditions d’acquisition des stands et places.
Maïmouna Dembélé dite Bôbô Mamou, vendeuse d’œufs frais et aussi de légumes au niveau du Dabanani, se présente comme une ardente partisane de l’idée. Elle dit être, avec beaucoup de camarades, déjà dans l’ère du marché de nuit. « Moi comme beaucoup de mes amies et camarades sommes déjà dans la mouvance du marché de nuit, ici au Dabanani. Vous faites partie de nos clients, et vous constatez vous-même que nous restons à vendre jusqu’à 21H30 parfois. Les clients, en rentrant chez eux, le soir, s’arrêtent pour faire le plein d’achats. Et nous, ça nous fait toujours plus de gains. Si la mairie peut instituer officiellement le marché de nuit jusqu’à minuit, ce sera une formidable source pour gagner plus. Mais il faut savoir s’organiser, surtout quand on est une femme mariée. Moi, j’alterne avec ma sœur et mes deux cousines. Des nuits, ce sont elles qui restent pour vendre ; d’autres soirs, c’est à mon tour », raconte-t-elle. Et de se réjouir : « C’est tout bénéfice pour notre commerce familial car c’est vers les 21H que les clients aisés quittent la ville et s’arrêtent devant nos étals. » Mais, prévient Bôbô Mamou, « Bamako étant une ville pas toujours sûre, nous avons fini de remballer nos légumes vers 21H40-45, car la file des voitures passantes se réduit à ce moment-là. Alors nous rentrons. »
Si marché de nuit rime donc avec dynamisme redoublé de l’activité économique informelle, pourquoi nos municipalités ne réfléchiraient-elles pas à l’éventualité de les expérimenter ? En réunissant, bien entendu, les conditions nécessaires de sécurité.
Fatoumata Boba Doumbia et Mohamed Meba TEMBELY
Source: Les Échos- Mali