A l’appel du M62, des organisations de la société civile et des partis politiques de l’opposition ont battu le macadam hier, 18 septembre 2022 au Niger, pour exiger le départ de leur sol, des forces françaises et l’arrivée des forces russes. Les centaines de manifestants ont aussi exprimé leur ras-le-bol par rapport à la vie chère, notamment l’augmentation des prix des hydrocarbures.
Si pour l’instant cette manif ne peut troubler le sommeil de Mohamed Bazoum, il aurait tort de négliger cette colère montante de sa jeunesse. Ce d’autant que le principal organisateur de la manif, le Réseau panafricain pour la paix, la démocratie et le progrès, qui qualifie son action de coup de maître, a promis de bander les muscles. Les émeutes de la faim ont déboulonné des régimes que l’on croyait indéboulonnables. La Tunisie de Ben Ali, l’Egypte de Hosni Moubarak pour ne citer que ces deux pays, en sont l’illustration parfaite. C’est dire si le président nigérien a tout intérêt à écouter la voix de son peuple. Au-delà de la question de la vie chère qui peut mobiliser plus d’un citoyen parce que nombreux sont les Nigériens qui tirent le diable par la queue, la présence de la Force Barkhane au Niger, est loin d’être du goût des panafricanistes. En réclamant le départ de cette force, les manifestants envoient un message fort au locataire de l’Elysée. En tout cas, c’est un avertissement sans frais qui est donné au président Emmanuel Macron. Et il gagnerait à en prendre bonne note. Si malgré ses neuf ans de contribution dans la lutte contre le terrorisme au Mali, Barkhane a été contrainte de plier bagages sous la pression du peuple malien, ce n’est pas au Niger voisin que cette force serait la bienvenue. Attention donc au syndrome malien ! Surtout que la jeunesse nigérienne s’était déjà montrée suffisamment hostile vis-à-vis de cette force française en s’attaquant à un de ses convois ravitailleurs en novembre 2021. On se rappelle que les heurts entre les forces françaises et les jeunes nigériens avaient laissé sur le carreau trois cadavres et fait une dizaine de blessés. C’est dire s’il urge pour le président Bazoum et son allié français d’œuvrer à faire baisser la tension. La situation est d’autant plus délicate que le président nigérien est considéré aujourd’hui par une bonne partie de sa jeunesse comme un valet local de la puissance colonisatrice. Cela dit, il convient de savoir raison garder car, il ne s’agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Il serait utopique de croire que remplacer un impérialiste par un autre peut apporter le changement. Autant dire que la jeunesse nigérienne doit faire preuve de lucidité et de cohérence dans sa lutte afin d’éviter de servir des intérêts partisans. Si les jeunes nigériens veulent être les dignes héritiers de Thomas Sankara, de Che Guevara, de Kwame Nkrumah, et toutes les autres figures de la lutte anti-impérialiste, ils doivent savoir qu’un impérialiste reste un impérialiste. Exiger le départ des forces françaises et réclamer dans la même foulée l’arrivée des forces russes n’est ni plus ni moins qu’une grosse aberration. Tant qu’on continuera de compter sur les puissances étrangères, le développement tant souhaité restera un mirage. De la même manière, continuer à accuser la France de tous les péchés d’Israël après soixante ans d’indépendance, c’est absoudre les dirigeants africains à bon compte. Pourtant, ils sont tout aussi responsables que ceux qu’on accuse d’être à l’origine du sous-développement du continent. Si en dépit des immenses richesses du sous-sol du Niger, l’écrasante majorité de sa population continue de vivre dans la misère, c’est moins de la faute des Français que des dirigeants nigériens.
DZ
Source: https://lepays.bf