CIBLE. Des djihadistes ont attaqué, tôt ce vendredi matin, la ville-garnison de Kati, cœur de l’appareil militaire et résidence du chef de la junte au pouvoir.
« Les forces armées maliennes viennent de contenir encore des tentatives désespérées des terroristes de la katiba Macina », affiliée au groupe djihadiste Al-Qaïda, « qui, tôt ce matin, aux environ de 5 heures (locales et GMT) ont tenté des actions kamikazes avec deux véhicules piégés bourrés d’explosifs contre une installation de la direction du matériel, des hydrocarbures et des transports des armées », a déclaré l’état-major des armées maliennes dans un communiqué publié en début d’après-midi. Jamais la base stratégique de Kati, située à seulement une quinzaine de kilomètres de Bamako, n’a été directement ciblée par une attaque djihadiste.
Le bilan provisoire est d’un soldat malien tué et six blessés, dont un civil, et de 7 assaillants « neutralisés », 8 interpellés et beaucoup de matériel récupéré, poursuit le communiqué.
Le cœur du pouvoir ciblé
La confusion a régné quelques heures au début de la journée, les habitants ont été réveillés par des tirs nourris et des bruits d’explosion, selon des témoignages locaux. En effet, le Mali a été le théâtre de deux coups d’État militaires en août 2020 et en mai 2021. La crise politique va de pair avec une grave crise sécuritaire depuis 2012 marquée par des attaques djihadistes sanglantes. Et c’est de Kati que sont partis les derniers coups d’État, dont celui d’août 2020 mené par les autorités actuelles.
C’est également à Kati – où résident le colonel Assimi Goïta, président de la transition, et son puissant ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara – que sont systématiquement retenues les personnalités arrêtées lors des coups de force. Les hélicoptères qui survolaient la base militaire après l’attaque se sont posés et les habitants ont repris leurs occupations dans la ville, a constaté un journaliste de l’AFP à la mi-journée.
Malgré une situation sécuritaire très dégradée, la junte s’est détournée de la France et de ses partenaires, préférant s’en remettre à la Russie pour tenter d’endiguer la propagation djihadiste qui a gagné une grande partie du pays, ainsi que le Burkina Faso et le Niger voisins.
Des attaques de plus en plus proches de la capitale
Cette attaque est intervenue au lendemain d’une série de raids quasi simultanés attribués à des djihadistes dans six localités différentes du Mali, dans les régions de Koulikoro (proche de Bamako) ainsi que de Ségou et Mopti (Centre).
À l’aube jeudi, à la même heure que les tirs de ce vendredi, des hommes armés identifiés par l’armée comme membres de la katiba Macina ont attaqué des postes de contrôle, gendarmerie, camp militaire, notamment dans la localité de Kolokani, à une centaine de kilomètres au nord de Bamako. C’était la première fois depuis 2012 que des attaques aussi coordonnées se déroulaient si près de la capitale en pleine saison des pluies. Mais la fréquence des attaques visant les régions du sud du Mali, auparavant épargnées, a augmenté depuis plusieurs mois.
D’abord en proie à un conflit avec des groupes rebelles indépendantistes, qui ont depuis signé un accord de paix en 2015, le pays fait face à une multitude de groupes armés affiliés aux nébuleuses djihadistes mondiales. La principale coalition est le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM, JNIM en arabe), affilié à Al-Qaïda et mené par Iyad Ag Ghali. Le GSIM, dont l’influence sur le terrain ne cesse de s’étendre, comprend une myriade de groupes, dont la katiba Macina, et opère principalement au Mali et au Burkina Faso.
Sont également présents des djihadistes affiliés à l’organisation État islamique (EI), installés dans la zone dite « des trois frontières » entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger ainsi que sur la frontière entre le Mali et le Niger. S’ajoute aux violences incessantes une situation politique tendue entre la junte et ses partenaires occidentaux et régionaux, teintée d’accrocs diplomatiques à répétition. Avec la France, d’abord, que le Mali a poussée vers la sortie début 2022 après neuf ans de présence militaire dans le pays, via l’opération Serval puis Barkhane.
Puis avec la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui a durant six mois durement sanctionné le Mali en raison du non-respect de ses engagements, notamment sur la question sensible du retour des civils au pouvoir. Les sanctions économiques et financières ont finalement été levées début juillet après la présentation d’un chronogramme électoral fixant le prochain scrutin présidentiel à février 2024. Le médiateur de la Cedeao, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, est actuellement à Bamako où il doit rencontrer le chef de la junte.