Dans un communiqué diffusé jeudi 29 décembre, le gouvernement malien explique avoir expulsé deux personnes, détentrices de laissez-passer européens, arrivées à Bamako par les vols Aigles Azur ZI 521 et Air France AF 386, la veille, aux environs de 20 heures.
Ces personnes ont été reconduites à la frontière, « remises dans les mêmes avions et ont quitté le territoire malien », précise le document.
« Le gouvernement de la République du Mali, de tout temps, a clairement indiqué à [ses] partenaires européens son opposition à l’usage de laissez-passer européens pour expulser [des Maliens] ou des personnes présumées maliennes », ajoute-t-il, en appelant les compagnies aériennes à barrer l’accès de leurs appareils aux personnes détentrices d’un tel document.
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Un laissez-passer européen qui fait débat
S’il est légal, le laissez-passer européen est toutefois régulièrement contesté, non seulement pas les associations de défense des droits de l’Homme mais également par les pays d’origine des migrants. Il permet à un État européen, afin de forcer l’expulsion d’étrangers sans papiers, d’émettre lui-même un document d’entrée dans un pays tiers.
Cette pratique a notamment été observée, en ce qui concerne la France, en Afghanistan, au Cap-Vert, au Bangladesh, au Sénégal ou encore en Côte d’Ivoire et en Tunisie, selon une enquête du magazine Politis.
Selon celle-ci, les autorités tunisiennes comme sénégalaises auraient adopté la même position que celle du Mali ce 29 décembre. Elle consiste à considérer le document comme sans valeur et à refouler son détenteur du territoire.
Un épisode de plus dans la polémique
Les reconduites à la frontière du 29 décembre sont un épisode de plus dans une polémique qui agite le Mali depuis la visite le 11 décembre de Bert Koenders, le ministre hollandais des Affaires étrangères, au nom de Federica Mogherini, la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères.
À l’issue de cette visite, le gouvernement malien et l’Union européenne ont publié un communiqué commun, faisant état d’une volonté commune de lutter contre « les causes profondes de la migration irrégulière » et de « favoriser le retour des migrants maliens depuis l’Europe ». Or, ce document va lancer la polémique.
«Nous avons juste fait un communiqué commun, mais celui-ci a été présenté par certains comme un accord alors qu’il n’en a jamais été question », explique Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères. Le mal est fait : la polémique ne cesse d’enfler, allant jusqu’à provoquer une motion de censure contre le gouvernement à l’Assemblée nationale.
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Un expulsé malien qui voyage menotté
Dans ce contexte, le ministre des Maliens de l’Étranger, Abderrahmane Sylla, est dépêché en France − où la fièvre ne retombe pas au sein de la diaspora − afin d’y expliquer la position du gouvernement selon laquelle aucun accord n’a été signé.
La polémique monte une nouvelle fois d’un cran alors que le ministre rentre au Mali le 24 décembre, à bord d’un vol de la compagnie Air France. Il découvre dans le même appareil un compatriote expulsé du territoire français pour situation irrégulière et qui voyage menotté.
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Ce n’est qu’après le décollage et à la demande du ministre que l’équipage acceptera de le libérer de ses entraves. La scène, filmée et mise en ligne sur les réseaux sociaux, ajoute encore à la colère des Maliens vis-à-vis de l’attitude des autorités européennes.
Cinq jours plus tard, le 29 décembre, c’est au tour de Bamako de joueur l’intransigeante, en refusant d’accueillir sur son sol deux détenteurs de laissez-passer européens.
Source : jeuneafrique