La 10è conférence de Moscou a été une belle occasion pour le ministre de la Défense Sadio Camara d’asséner ses vérités à la face du monde face à l’égoïsme. La reconnaissance à l’égard du peuple russe et de ses autorités n’a pas manqué. En somme, Sadio a fait un discours mémorable.
Prenant la parole à cet événement prestigieux qui réunit les grands du bloc discret du monde, le ministre Camara a fait cas de la crise sanitaire, liée à la pandémie covid-19, qui pour lui a fait l’objet d’une gestion brutale et égoïste des phénomènes libératoires, le traitement encore plus égocentrique des défis climatiques et environnementaux mondiaux. Il fera aussi cas de cet embouteillage sécuritaire ayant conduit à l’échec des opérations étrangères dans le pays avec des effets plus graves que les problèmes eux-mêmes.
Le contexte de crise énergétique indique clairement les premières des règles qui seront mises en place dans ce monde en recomposition. Ce constat est renforcé par le ton infantilisant et autoritaire des injections faites aux pays Africains. Visant à influencer leur gouvernance interne et canaliser les aspirations démocratiques légitimes de leur peuple. Les consignes universalistes sont utilisées pour justifier les ingérences aux remarques colonialistes qui ont attardé l’Afrique depuis plusieurs siècles. On veut nous convaincre que nous devons devenir chimérique pour éviter de rajouter à la misère du monde. Dans ce contexte géopolitique mondial, marqué par la montée des tensions l’un des premiers défis pour les pays d’Afrique est de préserver une certaine autonomie et de résister à la forte pression qui veut les forcer à choisir un camp et saluer derrière un protagoniste. Malheureusement les signes de la division et de polarisation sont déjà bien visibles et les rêves d’unité africaine des pères de l’indépendance est désormais un bien lointain souvenir. Les dynamiques régionales, en Afrique sont très sensibles aux évolutions du contexte international. Alors que les pays Africains n’ont que peu de capacités d’influer sur les grandes décisions, l’instrumentalisation, voire la manipulation des institutions sous régionales pour servir les intérêts des puissances extra régionales constitue un défi stratégique majeur pour la construction de l’unité africaine. Les institutions africaines de gouvernance régionales sont alourdies par l’imposition de systèmes politiques importés, calqué sans effort d’adaptation à la culture, aux réalités et aux besoins de la population. Elles serrent d’objet souvent, à saturer la sympathie des grandes puissances au lieu de dépenser leurs ressources pour la préservation des intérêts des peuples Africains », assène-t-il sans janotismes.
Selon Sadio Camara dans son discours historique, le Mali est bien placé pour dénoncer ces pratiques car notre pays sort à peine d’un régime de sanctions injustes, illégales illégitimes et inhumaines, imposé par les chefs d’Etat de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Le ministre rappelle que « tous les peuples de la communauté ont souffert de ces sanctions qui ne servaient que des avantages étrangers. Nous assistons donc à une crise de confiance entre gouvernants et gouvernés marquée, par l’incohérence entre les politiques publiques et les aspirations des populations dans un contexte de reproduction, de rivalité par procuration, l’Afrique redevient, malgré elle, un terrain d’affrontements. Dans un environnement sécuritaire complexe et volatile, marqué par des insertions fréquentes et la montée du terrorisme. Cette crise de confiance est accentuée par la défaillance des instruments de mécanismes de sécurité collective. L’architecture de sécurité de l’union africaine peine à produire des résultats et la force en attente de la CEDEAO saluée comme la composante régionale la plus élaborée n’a pas eu d’impacts significatifs sur la situation au Sahel notamment au Mali. Malgré la multiplication des coalitions permanentes et circonstancielles, cette incapacité de trouver des solutions africaines aux problèmes africains s’est soldée par une ingérence continue d’acteurs extérieurs bilatéraux ou multilatéraux qui imposent leurs agendas au détriment des intérêts des peuples africains au niveau local. Les populations l’ont bien compris et n’hésitent plus à se faire entendre avec force. Malgré les gains apparents de la période démocratique dans le sahel et en Afrique de l’Ouest, l’instabilité politique qui en résulte est une manifestation dans la réaction au décalage entre les peuples et les pouvoirs en place. Les citoyens expriment leurs frustrations de voir leur primasses naturelles exploitées au bénéfice d’autres acteurs. Ils expriment leurs horreurs et s’indignent car leurs dirigeants sont convoqués et sermonnés humiliés en public pour n’avoir pas assez défendu chez eux des intérêts des supposées puissances amies.
Sur fond d’accroissement des inégalités, d’injustices et de mauvaise gouvernance économique, le démantèlement programmé des outils de sécurité et des structures étatiques initiés par les plans d’ajustements structurels ainsi que la déconstruction progressive des tissus sociaux sous l’influence des modèles importés qui poussent les individus à chercher des alternatives en dehors de la protection pour faire coupables les Etats. Le mode d’actions terroristes particulièrement barbare est longtemps considéré comme imaginable pour les paisibles populations africaines, ils ont été importé et occasionnent des souffrances terribles dans notre sous-région. Pour illustrer cette analyse et montrer notre perspective de résolution des problèmes sahéliens et Ouest africains, je ferai maintenant un rappel récapitulatif de la situation particulière du Mali qui n’a cessé de se dégénérer depuis le milieu des années 2000 jusqu’à atteindre le fond en 2012 avec la prise du contrôle des 2/3 du territoire malien par une coalition de rebelles séparatistes et djihadistes niant des liens avec des parrains puissances dans l’enchainement logique de la destruction de la Libye du colonel Kadhafi. L’intervention militaire internationale déclenchée s’est soldée par un échec de l’opération française Serval de 2013. Cette réussite en quelques semaines à briser la dynamique terroriste. »
Mais pour Sadio Camara, la multiplication des missions qui ont succédé à Serval avec la force française Barkhane, la Minusma, la force conjointe du G5 sahel et les missions européens censées soutenir l’Etat malien et les forces de défenses et de sécurités du Mali ont créé un embouteillage sécuritaire dont l’une des conséquences a été de maintenir une sorte de statut pauvre, dénonce-t-il, malgré la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.
A ce tableau sombre, il rappelle que les populations maliennes n’ont pas tiré les bénéfices ce déploiement massif initialement cantonné au nord du pays. L’insécurité s’est propagée au centre puis au sud du pays avant de déborder les frontières menaçant d’envahir toute la sous-région jusqu’à la croisade atlantique.
Pendant ce temps les partenaires du Mali ignorent largement la volonté des autorités maliennes et utilisent le graal international ainsi que les restrictions financières et commerciales pour briser la capacité de l’Etat à faire face à la menace.
Ousmane Traoré